Arche interstellaire

Gilgamesh, 14 février 2007 in Philosophie

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Le thème du trajet vers les étoiles, de système planétaire à système planétaire, nous est à la fois tout à fait familier et totalement étranger. Familièrement, nous avons certainement tous en tête des histoires de science-fiction ayant pour cadre une galaxie (éventuellement lointaine, très lointaine…), dans laquelle les planètes jouent le rôle de nations ou de provinces d’empire. Les protagonistes se déplacent de l’une à l’autre dans des durées compatibles avec la tenue de la narration. Le trajet parait une formalité que les prochaines avancées d’une Physique Triomphante mettront à portée de main.

C’est ce que nous nommerons la stratégie “zéro” (S0) : on entend par là que le temps de trajet est “instantané”, à tout le moins inférieur à la durée d’une année terrestre, c’est à dire comparable aux trajets que nous effectuons à la surface de la Terre, aux trajets des missions lunaires et à ceux envisagés vers d’autres corps du système solaire, s’il s’agit de missions habitées.

Le trajet vers les étoiles nous devient par contre très étrange si nos envisageons qu’une telle avancée de la Physique pourrait bien ne pas avoir lieu, que la célèbre constante d’Einstein c, la vitesse de la lumière (3E8 m/s), représente un horizon de vitesse indépassable et même excessivement difficile à approcher, de sorte que l’espace deviendrait à nos yeux ce qu’il est déjà pour l’astronome : une immensité comparée à laquelle celle des océans terrestres n’est rien.

Ce n’est pas sans réticence que l’esprit s’approprie les dimensions réelles des espaces interstellaires. Et la déraison de ces distances n’est pas seule en cause. D’une certaine façon, on pourrait dire que la stratégie zéro s’enracine dans un désir enfantin d’espace. Non pas l’espace-distance, cet horrible espace nu, muet, impavide, mais l’espace-trésor et les mondes qui roulent au sein de son immensité. Tous ces mondes dont l’atteinte ne saurait souffrir aucun retard et à la découverte desquels s’active notre imaginaire.

Réalisme aidant et quittant avec un certain regret le vert paradis de stratégie zéro, nous pouvons toutefois envisager dans le cadre de la Relativité Restreinte une stratégie plus “adolescente” - si la première est enfantine - que nous nommerons stratégie courte ou SI, qui promet le trajet en une vie d’homme.

Stratégie courte : la fusée relativiste

Dans la SI, qui est spécifiquement relativiste, on tire parti du ralentissement du temps propre (\tau) du voyageur lorsque la vitesse approche c. Si t est le temps pour l’observateur au repos,

\gamma représente le facteur de Lorentz,

Quand v/c approche 1, \gamma tend vers l’infini et \tau tends vers 0. Autrement dit, en approchant le vitesse de la lumière, le temps du voyageur s’écoule de plus en plus lentement et une année-lumière peut être parcourue en moins d’une année de temps propre du voyageur. C’est le principe de la fusée relativiste. La seule limite au plan purement théorique dans ce cas est l’accélération qui doit rester dans des limites physiologiquement acceptables (soit 1 g, 9,81 m/s²).1

Le tableau ci-dessous donne quelques idées des temps et distances accessibles en fonction du ratio v/c atteint, avec une accélération de 1 g constante (condition extrêmement exigeante comme nous le verrons) :

al = années-lumière (1 al ~ 10 000 milliards de km)
1 g = accélération de 9,8 m/s par seconde, mesurée dans le référentiel du voyageur
\tau et t en années, d en années lumière, v/c et \gamma sans dimension

Ainsi, en la modeste durée de 12 années de temps propre (et 113 243 années du temps de l’observateur au repos), ce qui est long mais supportable dans un vaisseau confortable, on pourrait parcourir la Galaxie entière, dont le diamètre est de 100 000 années-lumière. Mais ceci à condition d’approcher incroyablement près de la vitesse de la lumière. Il faut ensuite considérer que si l’on veut arriver à vitesse nulle à destination, il faut inverser le sens de la poussée à mi-trajet pour ralentir ; le trajet est sensiblement deux fois plus long, ce qui reste raisonnable. Finalement le temps de trajet (temps propre du voyageur) pour arriver à vitesse nulle sur un objectif situé à d années lumière, en accélérant et décélerant au taux constant de 1g dans son référentiel est :

\tau = 1,94 arccosh(d/1,94 + 1) années

Pour d = 100 000 al (largeur de la Galaxie), \tau = 22,4 ans. Ainsi, sous l’angle de la durée, la SI permet l’atteinte d’objectifs aussi lointains que l’on veut en des durées qui n’excèdent pas une vie humaine. C’est sur la base de ce critère encadrant la durée de voyage que nous définirons cette stratégie : durée d’un trajet terrestre (1 an) < \tau < durée d'une vie humaine (moins de 100 ans).

Aspect énergétique

La difficulté à laquelle on est confronté pour la SI est énergétique. Tout se passe comme si on payait d’un côté (l’énergie) ce qu’on ne dépensait pas de l’autre (le temps). Considérons le cas le plus favorable. La propulsion est d’autant plus efficace qu’on éjecte derrière soi le projectile le plus léger possible à la vitesse la plus élevée possible. L’optimum absolu est donc atteint quand tout le carburant est converti en photons (masse nulle) bien collimatés derrière l’engin. La seule réaction permettant 100% de conversion du carburant en photons est la réaction matière-antimatière, photons qu’il faudrait ensuite concentrer en un faisceau de laser gamma (“graser”) dans l’idéal. Ni le carburant d’antimatière, ni sa combustion, ni la production d’un laser gamma ne sont actuellement à notre portée, mais ceci nous donne le maximum envisageable. Le ratio de la masse totale de carburant (matière + antimatière) M0 sur la masse de la structure M est dans ce cas :

avec a = 9,8 m.s-2 = 1,02 al.an-2
c = 3e8 m.s-1 = 1 al.an-1
\tau en années

Pour atteindre l’autre bout de la Galaxie (\tau = 22,4 ans) il faudrait embarquer 10 millions de tonnes de carburant pour chaque kilogramme de structure. Il s’agit là d’un minimum théorique absolu, basé sur un rendement de propulsion de 1 (et il ne peut l’être, la réaction produisant de neutrinos qui emportent une partie de l’impulsion en toutes directions) et qui ne prend pas en compte le coût énergétique de production d’antimatière. L’antimatière doit en effet être produite dans des faisceaux de particules qu’il faut accélérer par des moyens classiques. Pour des raisons fondamentales (conservation du nombre baryonique) le taux théorique maximal de conversion est de 1/2. Et en pratique il est beaucoup plus bas, de l’ordre de 4E-8 (soit la production d’une antiproton pour 400 millions de collisions) dans les accélérateurs actuels. On peut raisonnablement espérer gagner 3 voir 4 ordres de grandeurs en termes de rendement mais on n’entrevoit rien de plus au-delà de cet horizon technologique.

La SI qui est réaliste sur le plan temporel cesse rapidement de l’être au plan énergétique. Bien entendu, lorsqu’on envisagera la stratégie alternative dite longue (SII), il faudra garder à l’esprit que SI-SII forment en fait un continuum, et que ce qui est recherché c’est le point optimum entre ces deux stratégies. Notamment, on a examiné ci-dessus un cas limite que personne n’envisage d’atteindre, celui nécessitant une accélération constante de 1g tout au long du trajet, condition extrêmement dispendieuse en terme de carburant.

Si l’on se place dans le cas plus général où on s’accorde un temps de vol libre (sans accélération), avant de décélérer, et sans se placer forcément dans le cas optimal d’une éjection de photons, le ratio des masses de départ M0 (structure + carburant) sur masse d’arrivée M (structure seule) se calcule comme :

\frac{M_0}{M}= \left[\frac{1+\frac{v}{c}}{1-\frac{v}{c}}\right]^{\Large{{\frac{c}{v_e}}}

avec c la vitesse de la lumière
v la vitesse de vol libre qui est aussi la vitesse maximale
ve la vitesse d’éjection du carburant (ve < c)
La traduction de cet optimum devrait se manifester concrètement sous la forme d'un minimum énergétique permettant d'atteindre une cible stellaire potentielle ; ce minimum se raisonne en fonction de l'état d'avancement technologique et politique de l'humanité et il y a bien entendu une interaction possible entre le but et les acteurs. On peut supposer raisonnable que l'intérêt que manifeste l'espèce humaine pour son environnement galactique se traduira par un passage à l'acte dès qu'elle pensera pouvoir franchir la barrière énergétique en un point quelconque, au premier "col" qu'elle trouvera à sa portée au sein de cette barrière. Et ce, même si le temps de trajet à accomplir est fixé très grand. Car, contrairement à la barrière énergétique, qui ne connait pas de maximum, la barrière temporelle forme une sorte de plateau, dépassé une durée canonique que l'on peut fixer égale au siècle. Si un homme est capable d'envisager sans regret vivre sa vie entière dans la structure qui le transporte vers les étoiles, y engendrer et y mourir, alors le temps ne forme plus un obstacle et il ne reste que la contrainte de l'énergie nécessaire à la construction, la propulsion et l'entretien de la structure. C'est sur ce plateau temporel, permettant d'abaisser la barrière énergétique sur la base d'un temps de trajet multiséculaire que s'édifie la stratégie longue.

La rareté des systèmes planétaires

Un autre aspect que l’énergie doit également être pris en compte, qui relève non pas du pur domaine de l’astronautique (fusée, moteur…) mais du champs de l’astrophysique et de l’exobiologie. Il concerne la planète-cible ou plutôt le système stellaire cible, tout entier, incluant les petits corps gris (astéroïdes, comètes).

On ne peut accélérer que de petites structures à des vitesses relativistes, vu les ratios M0/M que réclame l’atteinte de telles vitesses. Petites structures qui devraient néanmoins abriter le minimum d’humains permettant d’assurer une diversité génétique suffisante, soit au moins 1000 personnes.

Il est possible de diminuer les exigences de structure dans le cas relativiste en faisant hiberner une fraction appréciable des partants.

Mais c’est avec l’exigence forte que la planète soit imédiatemment habitable “tête nue”, c’est à dire sans terraformation.

Sur au moins quelques centaines de km² contigus, il faudrait s’assurer de disposer des conditions d’existence minimales suivantes :
- Gravité : 0,5 - 2 g
- Dose annuelle de rayonnement : < 100 milliSievert
- Pression atmosphérique : 0,5 et 5 atm
- Pression partielle d'O2 : 0,1 - 0,5 atm
- Température : -50 et +50°C
- Présence d’eau en surface ou sub-surface
- Absence de gaz toxiques

Pour atteindre les “standards” de la Terre, il faudrait ajouter :
- systèmes climatiques diversifiés basés sur le cycle de l’eau
- océans d’eau liquide
- spectre stellaire à ~6000K
- écosystème accueillant
Or par ailleurs, envisager un stratégie courte pour rejoindre un corps très éloigné implique d’atteindre une cible qu’on ne connait qu’à distance. Car s’il s’agit d’envoyer des sondes automatiques pour explorer préalablement le système, il faut qu’elles-même se déplacent à des vitesses relativistes tandis que les futurs voyageurs se trouvent au repos, attendant que l’information leur revienne par émission radio. Dès lors que la cible se situe au-delà de quelques siècles-lumière, le temps d’attente (un millénaire pour une cible situé à 500 al) excède ce qu’il est possible d’atteindre sans attendre, en stratégie longue en choisissant un système plus proche, même s’il est moins viable, nous verrons pourquoi.

Concernant la fréquence des planètes habitables “tête nue” dans les systèmes stellaires, les prochaines décenies devraient nous en dire beaucoup, et c’est avec beaucoup d’impatience que nous l’attendons. Mais il ne me semble pas présomptueux de prédire que cette fréquence sera faible si l’on considère les exigences énumérées ci-dessus. Par conséquent qu’il y ait fort peu de chances d’en trouver une à proximité, disons à moins de 20 années-lumière.
Le nombre N d’étoiles situées à une distance R du Soleil est :

N = bR3
avec :
b ~ 0,017 étoile.al-3 pour R<250 al
R en années-lumière

Le type spectral de l'étoile (c'est à dire sa température de surface) ne doit pas être trop éloigné de celui du Soleil (G2), ce qui restreint les cibles potentielles aux types F, G ou K, qui représentent environ 20% des étoiles environnantes. Ajoutons à cela que la moitié des étoiles appartiennent à un système multiple ce qui ne constitue pas a priori un cas favorable pour l'établissement d'orbites planétaires stables même si ce n'est pas forcément rédhibitoire.

Fixons à 10% les systèmes FGK tolérant la présence d'une planète tellurique en orbite stable et à bonne distance de l'étoile.

Nhab = 0,1 N

Cela nous donne une série de valeurs illustratives de N et de Nhab pour des distances au Soleil croissantes :

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On voit par exemple que si moins de 1% des systèmes stellaires comprennent un corps planétaire de morphologie terrestre, il y a peu de chance d’en trouver un à moins de 40 al.

Et quoique l’astrophysique observationnelle fasse des progrès exponentiels, à quelle échéance peut-on s’attendre à ce que l’observation purement radioélectrique d’un système lointain, situé à des centaines, des milliers ou des dizaines de milliers d’années-lumière nous livre une information si totalement satisfaisante qu’elle autorise à prédire la possibilité de le coloniser “dès l’aterrissage” ? Notamment en ce qui concerne la nature de l’écosystème. Il y a sans doute peu à craindre du très gros (bêtes féroces…) ou du nano (virus, nécessitant un compatibilité des systèmes génétiques). Mais les mico-organismes de types bactériens ou fongiques ne nécessitent pour se développer que d’un substrat organique. En soi le risque reste raisonnable, mais il donne à voir sur le risque global encouru. Tout peut arriver, et tout sera envisagé par les partants de façon bien plus accrue que ne le peut cette réflexion. Une colonie réduite au minimum dans un vaisseau lui-même minimal est livrée pieds et poings liés au moindre imprévu, sans espoir d’aucun secours terrestre, même moral. Or peut-on imaginer plus fertile en imprévus que ce premier trajet hors du système solaire ? Que se passerait-il si les 20 ans prévus se traduisaient par 200 ans de vie confinée ?

De ces éléments, on peut conclure que l’humanité ne peut s’aventurer raisonnablement dans les espaces immenses qui l’entourent qu’en étant rigoureusement autonome et détachée de tout calendrier, sauf en ce qui concerne l’énergie.

La stratégie longue vise cette autonomie. L’énergie que représente la propulsion à ‘faible’ vitesse (0,015 c) et l’entretien d’une grande structure assimilable à un corps micro-planétaire autonome gigatonnique sur une durée proche du millénaire est comparable à celle nécessaire à la propulsion d’un corps dix mille fois moins massif en ordre de grandeur mais propulsé à une vitesse relativiste (0,9 c), ce qui suppose dans ce dernier cas une éjection de grande masse de carburant à une vitesse très proche de c (disons 0,99 c), ce qui nous situe aux frontières de l’horizon technologique. La stratégie longue constitue matériellement la plus “classique” des solutions. Donc a priori la moins exigeante au plan technologique. S0 se base sur des avancées théoriques, plus encore que technologiques, situées hors de l’horizon, si seulement ces solutions existent. Elle ne peut être ni évaluée, ni discutée. SI se base sur une physique relativiste bien établie, mais dont la mise en pratique réclame des sources d’énergie dont on ne dispose pas, si l’on vise un objectif très lointain en une vie d’homme. Technologiquement elle nécessite l’atteinte de vitesse d’éjection à la limite de l’horizon technologique. Elle implique de toute les façon une structure de petite taille ne permettant pas une autonomie de long terme. SII est à la fois sécurisante et située dans l’horizon du possible, même si cet horizon n’est pas de ce siècle.

Stratégie longue : l’Arche

La propulsion la plus efficace située à l’intérieur de notre horizon technologique est la fusion nucléaire. Le principe est de confiner des noyaux légers à très haute température pour les faire fusionner et produire un plasma très chaud ainsi que de l’énergie électrique permettant l’éjection du plasma dans une tuyère magnétique.

Les vitesses d’éjection que ce principe de propulsion permet d’envisager atteignent 20 000 km/s. Pour être utilisable comme source d’énergie, une réaction de fusion doit satisfaire plusieurs critères. Elle doit :

  • être exothermique ce qui limite les réactifs à la partie de la courbe des énergies de liaison correspondant aux noyaux légers, comportant peu de protons et fait de l’hélium-4 (plus rarement le deutérium et le tritium) le produit de réaction phare en raison de son énergie de liaison extrêmement forte,
  • impliquer des noyaux comportant peu de protons du fait de la nécessité de vaincre la répulsion coulombienne afin que les noyaux puissent se rapprocher suffisamment pour fusionner,
  • avoir au plus deux réactifs : à toutes les densités inférieures à celles des étoiles, la réalisation de trois collisions simultanées est par trop improbable. Il est à noter qu’en confinement inertiel, on dépasse à la fois les densités et les températures stellaires, ce qui permet de compenser la faiblesse du troisième paramètre du critère de Lawson, la très brève durée de confinement,
  • avoir au moins deux produits de réactions ce qui permet la conservation simultanée de l’énergie et de l’impulsion.
  • conserver à la fois les protons et les neutrons. Les sections efficaces pour l’interaction faible étant trop petites, la réaction p + p -> D, celle qui pourtant a lieu au sein de Soleil et nous dispense son flot d’énergie, est inutilisable. La demi-vie du proton (le temps que met en moyenne un proton à réagir avec un semblable pour former du deutérium, amorçant les chaines de réactions qui méneront à l’hélium-4) dans les conditions de température et de densités pourtant extrêmes du coeur de l’étoile (densité 150 g/cm3, température 13 millions de K) est de 10 milliards d’années. Ceci car la réaction nécessite une décroissance bêta, c’est à dire la conversion spontanée d’un des deux protons réactionnels en neutron (phénomène purement “faible”), et ce, au moment même de l’interaction p-p, pour se produire.

Les noyaux (ou isotopes) disponibles pour les réactions utiles sont :

(01) 1H ou p, l’hydrogène léger ou proton, le plus courant,
(02) 2H ou D, l’hydrogène lourd ou deutérium, présent en petite quantité (0,0015% dans l’eau terrestre soit 15 ppm), et à des taux peut être 10 fois plus élevés dans certains petits corps du système solaire, sous forme d’eau lourde HDO essentiellement),
(03) 3H ou T, le tritium, instable de période 12,3 ans, donc absent dans les matériaux naturels,
(04) 3He, He3, l’hélium-3 présent à l’état de trace dans le sol lunaire et dans l’atmosphère des planètes géantes,
(05) 6Li, Li6, le lithium-6,
(06) 7Li, Li7, le lithium-7,
(07) 11B, B11, le bore-11,
ces trois derniers éléments étant présent à l’état de trace (6-7 ppm estimé) dans les petits corps du systèmes solaires.

Les réactions de fusion intéressant ces isotopes sont :

n représente le neutron (en gras quand il peut surgénérer du deutérium).
1 MeV : 1 million d’électron-volt (eV). 1 eV = 1,602E-19 Joules

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On y distingue deux genres de réactions :
- celles qui produisent des neutrons et du rayonnement gamma : (02), (04), (06), (07), (09). La réaction (12) produit un neutron mais doit être mise à part car endothermique. Toutefois le couplage des deux voies du Li-7 (11) + (12) reste exothermique (bilan : +2,2 MeV) et au total cette voie réactionnelle pourrait rester intéressante.
- celles qui ne produisent que des noyaux chargés : protons, deutons, particules alpha (4He) : (01), (03), (05), (08), (09), (10) (11), (13), (14), (15)

Les réactions du premier genre peuvent sembler désavantageuses en première approche car neutrons et photons gamma sont insensibles aux champs électromagnétiques et ne peuvent donc être éjectés par une tuyère : leur contribution à la propulsion est nulle alors qu’ils emportent la majeure partie de l’impulsion. En outre ils sont très agressifs et “activent” les structures métalliques. Par contre les noyaux réactifs sont relativement abondants : ces réactions impliquent le deutérium en (3). Les réactions du second genre sont idéales sur le plan propulsif mais le tritium n’existe pas à l’état naturel et hélium-3, lithium-6-7 et bore-11 sont beaucoup plus rares que le deutérium dans les petits corps du système solaire. Or les masses de carburants exigées sont considérables, près de 21 Gt (gigatonne, 1 Gt = 1 milliard de tonnes) dans l’hypothèse envisagée ci-après.

Une possibilité offerte est d’utiliser le neutron produit pour surgénérer du deutérium dans une couche fertile d’hydrogène 1H.

La réaction D-D possède deux voies équiprobables, (2) et (3). Dans la première, pn+pn produit pnn+p (un noyau de tritium et un proton), dans la seconde ppn + n (un noyau d’hélium-3 et un neutron). Le tritium produit est ensuite susceptible de réagir en (5) pnn+pnn -> ppnn + 2n (un noyau d’hélium-4 et 2 neutrons). Les deux neutrons produits par ce second étage de réaction peuvent à leur tour surgénérer du deutérium en réagissant avec la couche fertile d’hydrogène léger.

La grande difficulté technique consiste – entre autre - à ne pas “gaspiller” d’impulsion en passant du premier étage réactionnel (D-D) au second (T-T, voir He3-He3). La vitesse d’éjection constitue le paramètre clé de l’efficacité du moteur et elle est permise essentiellement par la température élevée des produits de réaction. Un proton à 20 000 km/s possède une énergie cinétique de 4 MeV environ, ce qui représente bien l’ordre de grandeur des réactions détaillées ci-dessus. La seconde réaction de fusion doit donc se produire au sein même du jet de plasma. Quelle qu’en soit la difficulté, une surgénération complète (au taux de 1:1), voire très légèrement excédentaire, représente un facteur absolument crucial pour juger de la faisabilité de l’entreprise. Les isotopes fusibles ne sont présents qu’à l’état de traces dans les petits corps. Une surgénération complète ne nécessite d’embarquer que de petites quantités initiales dès lors que chaque gramme qui fusionne surgénère un gramme dans la couche fertile. Si la surgénération n’est que partielle, il faut avant le départ distiller d’énormes masses d’hydrogène afin d’embarquer un carburant déjà fortement enrichi en deutérium ou autres noyaux fusibles. Les masses mobilisables pour fournir le carburant varient de 1 à 5000 entre les deux.

Un autre concept pouvant être intéressant considérant la surface considérable de moteur à manufacturer est celui de fusée de glace (ice rocket) :2 l’hydrogène et le deuterium congelés servent à la fois de réacteur, de tuyère de combustible et d’écran contre les produits de réaction.

Choix de la cible : des petits corps avant toutes choses

Paradoxalement, le fait de voyager dans un vaisseau-monde permet d’être beaucoup moins sélectif sur le choix de la cible stellaire et d’avoir plus de chance d’en trouver une à courte distance, à l’échelle astronomique. Il n’est pas en effet nécessaire de disposer d’une planète habitable “tête nue”, mais simplement d’un système comprenant une étoile d’un type spectral peu éloigné du type solaire (K, G ou F) et de petits corps en abondance. Bien entendu la présence d’une planète offrant une surface “praticable”, de type martien par exemple serait un plus très appréciable.

Parmi les systèmes proches, Epsilon Eridani (le système gravitant autours de l’étoile cotée epsilon dans la constellation de l’Eridan) est peut être le plus intéressant. Il a d’ailleurs fait l’objet de recherches avec le radiotélescope de Green Bank en 1960, pour y rechercher des signes de vie intelligente, avec des résultats négatifs bien entendu.

Le système est un des voisins proches du Soleil, ce qui constitue sa première condition d’élection. Il est situé à 10,5 années-lumière (3,2 parsec) seulement. Ironiquement, Eridan est le nom du fleuve dans lequel tomba Phaéton après sa désastreuse course trop près du Soleil. Souhaitons d’y tomber en nous en éloignant ! L’étoile de couleur orangée est d’un type assez proche du type solaire (0,82 masse solaire, type spectral K2 V).

Type spectral des étoiles les plus proches sur Soleil. La ligne pointillée indique le type spectral solaire (G2). Epsilon Eridani offre un bon compromis distance - qualité spectrale.
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Le satellite d’observation infra rouge IRAS a détecté beaucoup de poussières autour de l’étoile, une indication possible d’un système planétaire en formation. Il est donc très probable que le système regorge de petits corps. En août 2000, une planète de la taille de Jupiter a été détectée à une distance de 3,2 UA (480 millions km) de l’étoile, sur une orbite présentant une forte excentricité (e=0,702) qui la fait rentrer à l’intérieur de l’écosphère sur un peu plus de 10% de la période orbitale, qui est assez courte (2502 j).

Le système Epsilon Eridani, montrant sa planète jovienne et le disque de poussière.
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Si cette planète possède des satellites géants, comme Jupiter ou Saturne, ceux-ci pourraient constituer une “villégiature semi-habitable” pour les archonautes.3

Epsilon Eridani, vue d'artiste (© Fahad Sulehria) Epsilon Eridani et sa planète, vue d'artiste
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Énergie et durée du trajet : l’équation de Tsiolkovski

L’atteinte d’Epsilon Eridani servira de cas d’école à l’évaluation de la SII. On considère une vitesse d’éjection moyenne efficace de 15 000 km/s. L’équation fondamentale de Tsiolkovski dans sa version non relativiste (v/c<<1) nous donne le ratio de la masse de départ à la masse de structure nécessaire pour l'atteinte d'une vitesse v quand la vitesse d'éjection est ve :

\frac{M_0}{M}= e^{\Large{\frac{v}{v_e}}}

avec :
M0 : masse totale de départ.
M : masse “sèche” (sans carburant : structure et moteurs)
M0 = M + Mc, avec Mc la masse du carburant.
ve : vitesse d’éjection du carburant
v : vitesse atteinte en fin d’accélération

Après la phase d’accélération, on a une fraction de vol libre à vitesse constante, puis il faut décélérer pour arriver à vitesse nulle à destination. Cela implique un surcroit de carburant puisque qu’il faut accélérer dans un premier temps une masse de carburant qui ne sera consommé qu’au freinage, ce qui se traduit par la mise au carré de l’exponentiel :

\frac{M_0}{M}= e^{\Large{\frac{2v}{v_e}}}

La quantité de carburant détermine la vitesse finale et par là, la durée du trajet.

On note :
Da : les distances d’accélération et de freinage (cumulées)
Dl : la distance de vol libre

On définit k, le ratio masse carburant/masse totale :

On pose :

On a Ta, les durées d’accélération et de freinage (cumulées) :

Tl, la durée de vol libre :

On souhaite la durée d’accélération et de freinage la plus courte possible afin que l’essentiel du trajet se passe à la vitesse maximale. Mais par ailleurs une accélération intense implique une forte poussée ce qui implique des moteurs plus massifs et une structure renforcée pour résister à cette poussée sans se déformer.

Une technologie étant donnée, fixant la vitesse d’éjection du carburant (ve = 15 000 km/s) il reste deux paramètres libres pour le calcul de la durée du trajet (t), de l’accélération moyenne (a) et de la poussée (f) : la masse de carburant Mc et la distance d’accélération Da (on suppose que l’accélération et le freinage sont en tout point symétriques). Dans le graphique ci-dessous, on a représenté la variation des trois grandeurs de sortie (t, a, f ) en fonction des deux valeurs d’entrée (Mc et Da).

Variation de la durée de trajet, accélération moyenne et poussée en fonction de la masse de carburant et la distance d'accélération
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Nous ne pouvons pas encore réaliser de choix raisonné des valeurs d’entrées. On sait simplement que dans la mesure du possible il faut maximiser Mc et minimiser Da. Mc est constitué de substance fusible, un matériau rare (sans doute du deutérium pour l’essentiel). De tous les paramètres qui conditionnent la faisabilité matérielle d’une arche “gigatonnique”, la masse de carburant à extraire des petits corps est sans doute celui qui pose les problèmes les plus aigus. L’illustration ci-dessous représente une solution alternative, la voile photonique, permettant d’alléger la structure.4Propulsée par un laser posté de très grande puissance, par exemple depuis la Lune, l’Arche n’embarque que le carburant de freinage. Même avec l’immense surface représentée, l’insolation de la voile atteint plus de 1000 fois la constante solaire en orbite terrestre (1400 W/m²) : la surface doit être parfaitement réflechissante pour ne pas être évaporée par la puissance reçue. Et l’Arche dépend alors d’une source externe qu’elle ne contrôle pas.
Arche - Voile

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Pour la suite du propos, on retiendra la solution d’une accélération intégralement autonome et on prendra à simple titre illustratif le ratio M0/M nécessaire pour l’atteinte de 1,5% de c, soit 4500 km/s ce qui nécessite une masse totale de départ de 46 Gt (25 de structure + 21 de carburant). Pour une distance d’accélération + freinage cumulée de 0,5 al, on obtient un temps d’accélération de 67 ans (34 ans pour l’accélération et autant pour le freinage), une durée de vol libre de 667 ans, soit une durée totale de trajet de 734 ans, pour parcourir les 10,5 al nous séparant de Epsilon Eridani.

La structure de l’Arche, sa philosophie dans les grandes lignes

La stratégie longue se base sur l’édification d’une structure, l’Arche, au sein de laquelle une petite population, la Nation spatiale, pourrait vivre une existence indépendante. Cette structure doit permettre une vie à la fois totalement libre (vis-à-vis de la Terre), considèrant le plan de la nation entière et suffisament diversifiée sur tous les plans d’interaction sous lesquels nous envisageons l’existence, notion qui intéresse cette fois l’individu.

Lorsque l’on veut se représenter physiquement à quoi pourrait ressembler l’Arche trois contraintes préliminaires s’avèrent assez fortes pour en définir l’architecture générale.

a) La gravité artificielle
L’Arche doit permettre une vie normale, selon les standards terrestres et la première exigence concerne la gravité. L’accélération de la pesanteur résulte de la masse énorme de la Terre (5,97E24 kg) et il est évidemment hors de question de la recréer de cette manière. La seule solution alternative est d’accélérer circulairement une surface cylindrique à l’intérieur de laquelle prennent place les habitants. L’accélération ainsi crée g se calcule comme :

g = \omega^2R

avec :
g l’accélération de la pesanteur en m.s-2
\omega la vitesse angulaire de rotation en rad.-1
R le rayon du cylindre en m

L’accélération g est fixée égale à celle terrestre, soit 9,81 m/s². Le rayon de l’Arche, discuté ci-après, fait 5 km. Soit :

\omega = \sqrt{\frac{g}{R}}

\omega = 0,044 rad.-1, soit une période de révolution de 2 min 22 s.

La structure étant de dimension kilométrique, les masses en jeu, tant au plan de la masse sèche que du carburant nécessaire à sa propulsion seront considérables. Soumettre une masse à l’accélération de la pesanteur génère une force, ce qui nécessite de la renforcer afin qu’elle résiste à son propre poids. Concernant la structure habitable, il n’y a pas le choix, mais concernant le carburant et toute la partie moteur on a tout intérêt à ne pas les faire tourner avec la structure afin qu’ils restent en apesanteur. L’axe du cylindre offre naturellement un espace en apesanteur : l’accélération dépend linéairement de la distance au centre. Pour R=0, g=0. Toute la partie moteur devrait donc prendre place au centre, ou Moyeu du cylindre de l’Arche.

b) La surface de poussée
Toutefois, un calcul préliminaire de la surface de moteurs nécessaire, chaque moteur individuellement n’étant capable de fournir qu’une poussée finie et conçue petite, montre qu’elle doit être bien supérieure à la section d’un cylindre de 5 km. Au cylindre de l’Arche il faut donc coupler une très vaste surface propulsive qui ne doit pas être entrainée en rotation afin d’éviter un surpoids de structure, tout en transmettant sa poussée à l’ensemble.

Une première solution serait de placer cette corolle sous forme d’un vaste anneau à l’avant et de la relier par des câbles au moyeu du cylindre. Dans cette version approximative, l’Arche serait tractée comme la princesse Élisa par ses onzes frères transformés en cygnes dans le conte des “Cygnes Sauvages” d’Andersen.

Elisa tractée par ses frères, les Cygnes Sauvages dans le conte d'Andersen © Susan Jeffers

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Mais si les onzes frères avaient toutes les douceurs pour leur jeune soeur, il émane de la corolle un plasma soufflant à une dizaine de milliers de km/s ainsi qu’un flot abondant de photons gamma, toutes choses très agressives et qui seraient fort dommageables à une structure située sous le flux.

La corolle sera donc placée en poupe. On doit se figurer fondamentalement l’Arche comme formée d’un disque immobile, la corolle, relié à un cylindre tournant, la structure habitable, situé devant.

La difficulté architecturale est de transmettre la poussée du disque au cylindre sans que ce couplage n’entraine le disque en rotation. Sans également faire ‘danser’ le cylindre, ce qui se produit par effet gyroscopique si l’axe de poussée ne ne se confond pas strictement avec l’axe de révolution. Le couplage des deux éléments ne peut se faire que par un point, et ce point doit être situé au centre géométrique exact de l’Arche. L’application de la poussée en un point unique de surface réduite, la palier central (diamètre ~ 25 m), permet de limiter au minimum les frottements qui transmettraient insidieusement le mouvement de rotation du cylindre à la corolle.

S’ajoute à cela que le disque n’est pas formé d’élements très rigides. Il s’agit, pour l’essentiel, de masses de glaces d’hydrogène peu cohésives. Une telle surface ne peut travailler en cisaillement. Ce serait le cas si la corolle devait pousser directement le cylindre par son centre. Une structure doublant la corolle, assez rigide pour recueillir la poussée sur toute la surface et travailler directement en cisaillement devrait être extrêmement massive. La règle générale dans les structures de très longue portée c’est qu’un élément travaillant en compression (comme les murs d’une maison) est bien plus massif qu’un élément travaillant en traction (un cable), à contrainte égale. Et ceci d’autant plus que la portée augmente. C’est pourquoi il est difficile de construire des tours très hautes sur Terre. Ici, il n’y a donc d’autres choix que de faire travailler la corolle en traction, selon des points d’attaches régulièrement disposés le long de son périmètre et de ses rayons en la haubanant à une poutre qui transmettra la poussée au centre de l’Arche, via un palier. Cette poutre devient le seul élément à travailler en compression.

À mi-trajet, on se souvient qu’il faut inverser la poussée afin d’arriver à vitesse nulle à destination. Retourner une structure de cette taille est d’autant moins aisé que son moment d’inertie second (perpendiculaire à l’axe de rotation) est grand, ce qui est le cas. Il est plus simple de disposer d’une corolle symétrique à la première sur l’avant, le jet de freinage étant alors dirigé le moment venu vers la cible. L’épais matelas de glace d’hydrogène qui s’étalle alors à la poupe permet sans dépense additionnelle de prémunir l’Arche des collisions avec de petits corps interstellaires, perspective très improbable mais aux conséquences devastatrices à 4500 km/s.

Arche - Esquisse

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c) La masse de la structure
La masse sèche de l’Arche discutée dans le présent article représente quelques 25 Gt (gigatonnes) ou 2,5E13 kg. Il y aurait lieu bien entendu de discuter de ce qui fonde cette estimation et des paramètres qui peuvent intervenir pour la reconsidérer. Mais en tout état de cause, on pressent que pour une structure kilométrique sous tension il doive s’agir d’une masse “gigatonnique”. Faire décoller une telle structure de la Terre est fantaisiste : le puits gravitationnel est trop profond et le corps devrait être déraisonnablement renforcé pour résister à la poussée du départ. La construction devra donc se faire entièrement dans l’espace. Mais même l’apport des matériaux nécessaires à son édification est, sauf pour une part congrue, irréaliste venant de Terre, pour des raisons énergétiques. L’extraction se fera préférentiellement sur les petits corps du système solaire (astéroïdes et comètes), dont le puits de gravité est minuscule puis acheminé en orbite terrestre. La structure de l’Arche est bien plus grande et massive que n’importe quel artefact humain jamais envisagé, et c’est aussi celui qui devrait rester intègre sur la plus longue durée, avec une exigence absolue de résistance et d’étanchéité. Satisfaire un seul de ces deux impératifs nécessiterait une réflexion neuve. C’est a fortiori le cas lorsque les deux sont réunis. À quelques exceptions près, dont la structure des premiers aéronefs en bois et textiles, toutes les constructions aéronautiques sont métalliques. Il existe dans le système solaire une abondance assez grande de petits corps métalliques, les astéroïdes de type S qui représentent 17% des astéroïdes répertoriés : même si l’on se concentre sur les seuls éléments métalliques légers (Al, Mg, Ti…) l’abondance n’est pas un problème. Mais concevoir une telle structure entièrement faite de métaux par des moyens conventionnels est difficilement envisageable pour plusieurs raisons. Les métaux se présentent à l’état natif sous forme d’oxydes (état lié avec l’oxygène : XnOm) et leur réduction (pour les obtenir sous forme d’éléments purs) nécessite l’atteinte de hautes températures ou d’ampérages intenses ce qui réclame la production en masse d’énergie électrique. Leur mise en forme et leur assemblage sont eux-même coûteux en énergie et réclament beaucoup de soin. Ce sont des corps denses et qui offrent un ratio résistance en tension sur masse spécifique assez modeste. Ils sont soumis à un phénomène de “fatigue” (formation de dislocations dans le réseau cristallin) qui les rigidifient et aboutissent à la formation de fissures. Ils sont oxydables de diverses manières, alors même que l’intérieur de l’Arche est érosif (cycle atmosphérique saisonnier, air humide, couche océanique…).

Considérant par constraste que les éléments chimiques qui composent majoritairement les petits corps du système solaire sont plus légers que les métaux et que l’on recherche une structure légère, considérant par ailleurs que même si nous n’en sommes pas les auteurs, nous disposons grâce à l’Évolution des végétaux d’un immense savoir-faire naturel dans l’édification de structures fibreuses résistantes et auto-entretenues sur la base de ces atomes légers, tirant partie d’une énergie solaire dont on dispose en abondance, on en vient à imaginer que la structure de l’Arche puisse s’édifier par croissance naturelle plutôt que par construction, avec des parois de fibres végétales. Les éléments constitutifs en sont, on l’a dit, plus légers et plus abondants (CHON), elles offrent un excellent ratio résistance/poids et sont de conception très sécurisante (elles “préviennent” avant de céder). Surtout : elles se régénèrent, ce dont aucune structure classique n’est capable. Il peut sembler assez iconoclaste de faire pousser un ‘végétal’ dans le vide spatial. Pourtant, la seule chose à faire est d’isoler les cellules vivantes de ce vide, et là encore le fonctionnement biologique peut s’en charger avec production d’un épiderme cohésif de cellules mortes dans une matrice caoutchouteuse, sur quelques décimètres. L’autre avantage concerne la construction même : l’ingénierie se résume à nourrir une structure vivante en éléments simples prélevés sur les petits corps : H2O, CO2, azote, phosphore… La structure grandit sur une orbite intérieure en utilisant l’énergie solaire, depuis un stade embryonnaire jusqu’à sa dimension adulte kilométrique en deux ou trois siècles. Durant ce laps de temps, elle est habitable par ses hôtes bâtisseurs. Sur le trajet interstellaire, il faut ensuite assurer de l’énergie d’entretien sous forme lumineuse.

La biosphère de l’Arche est formée d’une pellicule océanique, d’une profondeur d’environ 25 m, sur laquelle flottent des caissons jointifs (ou ballast) supportant une mince couche de sol.

Arche - Coupe Arche - Moyeu Arche - Sol
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Une vie entière dans l’Arche ?

Peut-on sérieusement envisager une existence normale, accomplie sur tous les plans, au sein d’une structure artificielle éloignée de la Terre ? Le peut-on pour soi-même et peut-on imaginer sans frémir y voir se succéder la lignée dont nous serions l’ancêtre ? Cette perspective constitue sans doute le frein psychologique le plus immédiat, mais pas forcément le plus profond, que tout terrien normalement constitué opposera de prime abord à l’idée d’une vie dans l’Arche.

Pour aborder ce point central, nous userons d’une notion que l’on pourrait appeller l’horizon individuel qui se paramètre par son rayon défini comme la profondeur d’action de l’individu, sur le plan considéré que l’on pense essentiel à une existence méritant d’être vécue. Sur tous ces plans, on recherche le rayon minimum pour lequel ces exigences sont satisfaites, si ce n’est pleinement au moins en les combinant quand c’est possible.

Horizon d’espace visuel : Dimension dans laquelle s’exprime le rayon : l’étendue du paysage où porte le regard. Il s’agit de la première aperception sensible de l’espace offert, et il dimensionne à lui tout seul le projet. Sur Terre, quel est le rayon de notre horizon visuel ? De 1 à 10 km environ, en fonction du relief. Ceci fixe les dimensions typiques de l’Arche. Concrètement le regard porte suffisamment loin pour ne pas donner l’impression de se sentir à l’étroit où que l’on se trouve. Au sol, une épaisseur de 1 à 10 m de terre végétale et de roches-mères suffisent.

Horizon de circulation physique : Dimension du rayon : la surface ou le volume explorables par l’individu. Sur Terre le regard ne porte qu’à 1 à 10 km, mais nous disposons d’un espace qui va bien au delà pour nous déplacer. Le rayon de notre horizon de circulation physique atteint des milliers, voire des millions de km². Sur ce plan, il parait franchement impossible d’envisager reproduire ce que nous offre potentiellement la Terre entière. Toutefois ce que la Terre nous offre est un potentiel que bien peu de gens exploitent dans les faits au cours d’une seule existence. Pour une majorité d’humains, considérée dans l’espace-temps de l’historicité humaines, leur existence toute entière s’est déroulée dans un espace de quelques centaines de km².
On peut ajouter à ceci que le rayon de cet horizon se trouve sensiblement augmenté si le milieu offre une grande diversité. Mille km² de désert ne nous offrent pas le même rayon d’action, sur ce plan-là, que cent km² dans lesquels on trouverait une ville, une forêt, des champs, un cours d’eau et tout autre élément de diversité paysagère. On se propose de maximiser sur ce plan la diversité offerte par les milieux naturels de l’Arche en reproduisant l’essentiel des grands écosystèmes terrestres.

En outre, une structure artificielle comme l’Arche offre par sa conception même un développement sur plusieurs niveaux, en allant du centre vers la périphérie, tandis que la surface terrestre se présente comme purement bidimensionnelle, sans épaisseur explorable (exception faite des fonds marins et des cavités).Ces différents niveaux offrent une diversité de milieux totalement inédite sur Terre : espace de micro-pesanteur, balade dans l’espace sur la poutre centrale ou dans les volume percé de galeries des glaces d’hydrogène du carburant, fonds océaniques ainsi que d’autres surfaces ou volumes qui apparaitrons quand nous détaillerons la structure. Tous les milieux de l’Arche, en surface comme en volume, peuvent être conçus pour être accessibles à la simple promenade. Certains seront très diversifiés d’autres plutôt monotones. Ensemble, ils offrent un très grand rayon à l’horizon de circulation physique. Le rayon maximal de l’horizon d’espace visuel étant fixé à 10 km, on peut pour commencer envisager le module d’habitation sur cette base là. Il se présenterait comme une surface cylindrique de longueur L=10 km sur 10 km de diamètre (soit un rayon R=5 km). L’aire habitable A0 offerte est de :

A0 = 2πRL

Soit A0 = 314 km², qui représente le rayon primaire de l’horizon de circulation physique, quelque chose comme le ‘plancher des vaches’, offrant des conditions d’existence en tous points comparables aux standards terrestres. Il est difficile de quantifier rigoureusement ce que représentent les espaces développés sur la base de ce rayon primaire puisqu’ils s’y mèlent à la fois des surfaces et des volumes. Sans prétendre donner autre chose qu’un estimateur intuitif, on peut toutefois assurer que ce rayon sera décuplé. En ordre de grandeur, une Arche dont le rayon d’horizon d’espace visuel est fixé à 10 km offre un espace de circulation comparable à un département français de taille moyenne, espace historiquement dimensionné comme celui pouvant être parcouru à cheval dans l’espace d’une journée.

Bien sûr, même si on ne se sent pas exactement à l’étroit à l’intérieur d’un tel rayon de circulation physique, cela peut paraitre exigue dès lors que l’on se reporte par l’imagination – et comment ne pas le faire - aux immensités terrestres. Mais on confond alors deux plans. L’espace terrestre, redisons-le, ne nous est offert que potentiellement. Seule une infime minorité d’entre-nous le parcourt d’un pôle à l’autre ou sur tous ses fuseaux horaires. Et les grands voyageurs mêmes, n’explorent jamais, au fond, que la longueur de leur pas. Quand nous passons d’Europe en Chine, ce que nous explorons le mieux c’est le siège passager de l’avion qui nous y mène. Il serait spécieux d’affirmer que l’on a “traversé l’Afghanistan” parce qu’on l’a survolé à 10 000 mètres d’altitude. Et quand on a visité la Chine, le rayon réel de circulation physique qui fut le nôtre n’a nullement été assimilable à la taille de cette nation. Il s’est résumé aux quelques places visitées, aux quelques curiosités naturelles, à une ville ou deux et, au sein même de ces villes, à quelques lieux remarquables… remarquables… et à la chambre d’hôtel, sans doute le lieu le mieux exploré de tout le périple, ceci dit sans ironie aucune. L’espace réel de circulation n’est pas indexé à l’immensité terrestre mais au temps dont nous disposons. C’est là le véritable critère. Le fait de disposer potentiellement d’un monde immense qui nous tend les bras n’est pas du tout négligeable. Mais il s’agit d’un aspect moral qui doit être envisagé à part. Il peut nous sembler important de disposer d’un vaste monde où porter nos pas mais si l’on intègre sur notre vie entière les espaces au sein desquels on aura pu effectivement constater notre présence, il est probable qu’ils ne dépasseront pas le rayon de circulation physique envisagé pour l’Arche.

Horizon d’interaction sociale : Dimension du rayon : effectif et diversité de la population des archonautes. Le terme d’archonautes désigne les habitants de l’Arche. Pour atteindre le seuil de diversité minimal, il faut autrement dit que l’on puisse toute sa vie rencontrer des gens que l’on n’a jamais croisés auparavant. C’est aussi ce qu’on pourrait appeler le seuil d’anonymat : en se promenant dans la foule, on rencontre des inconnus en proportion au moins aussi grande que des connaissances. Cela correspond à ce qui se réalise dans une petite ville, soit une population comprise entre 10 000 et 100 000 habitants, avec une valeur moyenne fixée pour la commodité de l’exposé à 50 000 habitants.

Par rapport à la souche terrestre, l’Arche convoie une diversité humaine maximisée. Toutefois, il faut sans doute imaginer un peuplement qui se fasse essentiellement par croît naturel. Le peuplement initial, effectuant le trajet Terre-Arche pourrait ne comprendre que 2000 foyers (disons 5000 personnes) formés d’adultes (et de leur progénitures) compétants dans les domaines utiles à la construction puis a l’entretien de la structure et de la propulsion. Soit pour les lignées se succédant dans l’Arche une ascendance uniformément “méritocratique” c’est à dire formée de volontaires sélectionnés pour leur ultilité sociale dans le cadre du projet. Le temps d’acclimatation et d’équilibration démographique, comprenant la possibilité d’aller-retour vers la Terre sera sans doute supérieur au siècle.

Horizon d’activités sociales : Dimension du rayon : diversité et intensité des activités constituant la raison d’agir au plan collectif des individus. Une Arche menant un rameau d’humanité vers un système stellaire voisin, sur des durées séculaires, se structure autours de deux grandes fonctions : assurer la propulsion de l’engin et entretenir la vie à l’intérieur.

Propulsion : elle est constituée de deux phases symétriques, l’accélération et le freinage. Entre les deux, l’Arche est en vol libre, à vitesse maximale. Comme on souhaite effectuer le maximum du trajet à ce maximum de vitesse, afin de le raccourcir, on cherchera à réduire autant qu’il est possible la durée des phases d’accélération et de freinage et le vol libre devra en représenter la majeur partie. Aussi la fonction strictement propulsive ne devrait intéresser que les courts segments de quelques décennies suivant le départ et précédant l’arrivée. Toutefois, les compétences concernées par la fonction propulsive conservent une prérogative essentielle en phase de vol libre : fournir l’énergie nécessaire à l’entretien de la vie dans l’Arche, c’est à dire pour l’essentielle, l’énergie solaire (lorsque le terme ne portera pas à confusion, nous conserverons ce terme d’énergie solaire pour désigner l’énergie lumineuse) dispensée au sein de la structure et permettant la vie des écosystèmes ainsi que l’entretien de la “machine thermodynamique” régulant les climats de l’Arche. L’énergie utilisée par les activités anthropiques proprement dites (industrie, transport, activité domestique…) y est incluse, représentant un sous-total réellement négligeable. Physiquement, cette fonction s’accomplit au centre de l’Arche, dans ce que l’on désignera comme le Moyeu, dans une zone en micropesanteur ainsi que sur le poutre et au sein de la corolle, en pesanteur nulle (ou presque, la masse de l’ensemble créant une gravité naturelle de l’ordre d’un millionième de g). On inclut dans l’activité du Moyeu toutes les activités industrielles qu’il peut être intéressant de pratiquer en pesanteur faible.

Vie : il s’agit à la fois de l’écoystème intérieur de l’Arche (le contenu) et de ses parois (le contenant). L’Arche constitue un système clôt à cycle court par rapport à ce que nous connaissons sur Terre. Etant donné le rapport de causes à effets immédiat existant entre le fonctionnement global de l’Arche et l’existence de ses habitants on peut prédire que ceux-ci y acquerront des compétences particulièrement affûtées. L’Arche étant globalement, totalement, un être vivant, elle représente une source d’interaction constante pour ses habitants, qu’il s’agisse d’en prendre soin ou d’être ’soignés’ par elle. La nature du lien ‘propulsion-vie’ représente quelque-chose de philosophiquement stimulant, par la forme de mise en abyme de l’action qu’elle instaure. L’Arche abrite l’homme, l’homme injecte l’énergie permettant à l’Arche de vivre. Cela ressemble à l’endosymbiose qui réunit les cellules eucaryotes et les mitochondries. Il s’agit d’un rapport de total dépendance mutuelle sous une forme conscientisée chez l’une des deux parties (là est l’assymétrie qui instaure une responsabilité totale) qui scelle une unité de destin d’autant plus intensément ressentie qu’un être vivant se trouve totalement maître et totalement esclave d’un autre. Dialectique intéressante. Sur le plan de l’édification morale individuelle qui fonde les systèmes politiques, le faible effectif de la population constitue un atout pour développer une démocratie “à l’athénienne” sans corps représentatif au niveau politique, ce qui démultiplie la richesse d’interaction sociale de l’individu, dans la mesure où il exerce un pouvoir direct et non médié.

Horizon génésique : Dimension du rayon : la capacité d’engendrer. Une question très délicate de prime abord serait le contrôle démographique. L’Arche étant un monde clôt et largement optimisé, il n’est pas question de laisser le simple croît naturel gouverner la démographie. Il ne faut pas non plus s’exagérér l’intensité de la contrainte, la population pouvant sans aucun doute varier du simple au triple sans dommage conséquent. Toutefois, la question serait obligatoirement posée pour une durée si longue et il faut résoudre théoriquement l’équilibre que l’on souhaite instaurer entre la liberté individuelle et l’intérêt collectif. Dans un cadre démocratique on peut imaginer le pacte social suivant. Le premier enfant constituerait un droit indiscutable, que chaque femme pourrait concrétiser quand elle le voudrait, avec simplement le devoir de le déclarer pour permettre la planification démographique. L’extension de la famille à deux enfants ou plus serait ensuite soumis au tirage au sort en fonction de l’impératif d’équilibre formulé par les projections démographiques et des voeux à court et long terme formulés par chacune. Concrètement chaque année les femmes seraient amenées à déclarer leur “projet d’enfant”, un pour l’année (je désire ou pas un enfant pour cette année) et un pour l’ensemble de leur période féconde (en tout, j’aimerais 2, 3, 4… enfants). Ce serait une simple déclaration, révisable sans préavis et non contraignante. On en tirerait une projection démographique d’où résulterait un avis en retour, sous la forme d’un tirage au sort. Chaque cohorte de femmes (une cohorte est constituée d’individus du même âge) aurait droit à son tirage au sort. Les noms que l’on mettrait dans le chapeau dépendraient du souhait exprimé pour l’année (si une femme désir un enfant pour cette année-là, on y met son nom, sinon non) et chaque nom serait pondéré à proportion du projet parental déjà réalisé (une femme désirant 3 enfants et n’en n’ayant aucun aurait plus de droit qu’une femme désirant 4 enfants et en ayant déjà 3). La question qui reste ensuite en suspend, soumise à l’appréciation politique des archonautes, est de déterminer la contrainte applicable (ou pas) si une femme tombe enceinte alors que le tirage au sort ne lui avait accordé aucun enfant. Si les souhaits non réalisés dans la cohorte équilibrent ceci, tout va bien. La question prend un tour plus sensible dans le cas où l’indiscipline globale d’une cohorte grèveraient le droit procréateur des plus jeunes. Au pire on peut imaginer une sanction pénale, mais il est prévisible que, comme toute contrainte sociale qui a pour origine une nécessité bien compréhensible, l’éducation suffirait à ce que les choses se passent dans l’ordre, ou presque.

Horizon spirituel : Dimension du rayon : intensité et diversité de la vie spirituelle, entendue comme l’ensemble des activités mobilisant la cognition. Une façon de mesurer le rayon de cet horizon est d’évaluer la profondeur et la richesse du matériau a disposition de l’esprit pour réflechir sur le Réel et sur lui-même.

Par rapport à ce que peut livrer le Passé, l’Arche embarque l’ensemble de la mémoire terrestre ce qui devrait représenter quelques 1E20 octets, en ordre de grandeur, soit l’ensemble de ce qui est actuellement inscrit sur les supports papiers, magnétiques ou optiques, avec ou sans répétition, partout et dans toutes les langues. L’Arche aura également accès à un “Présent différé” grâce au lien radioélectrique avec la Terre, d’autant plus différé que l’Arche s’éloigne. On imagine un lien laser, afin de réduire la dispersion et dans le domaine infra-rouge, le moins bruité par l’émission de plasma de l’Arche. Pour une puissance d’émission laser de 1 MW à lambda = 1 micron, les débits échangés sont de l’ordre de 10 Mo/s à 1 al et de 100 ko/s à 10 al, soit l’équivallent d’un débit internet moyen.

Par rapport au Présent, l’horizon spirituel s’identifie à l’horizon d’activité sociale précédemment discuté. Les archonautes vivent une situation moralement neuve, dans le vécu comme dans les buts à long terme. Ils devraient développer une mentalité originale. La nécessité de s’entendre venant en premier plan. Le mot trajet renvoie à “transitoire”. Mais ce transitoire est une vie et une civilisation en soi ce qui fait que le but stellaire deviendra presque accessoire. La majorité des individus peuplant ce voyage appartiendra à une génération “non partante, non arrivante”. Pour cette majorité le terminus du voyage ne constituera qu’un futur lointain. Certes, en arrière fond, l’atteinte de l’objectif structurera la communauté, mais l’enjeu qui fait le bonheur de la vie de tous les jours restera comme c’est prévisible chez l’Homme, le présent.

Par rapport au Futur, l’objectif colonial va nécessiter une reflexion approfondie de ce qui devra se faire une fois arrivé à destination.

Soit la ou les planètes objectifs présentent des conditions d’existence permettant leur peuplement tête nu, soit elles nécessitent une terraformation. A la première occurence est associé une probabilité faible, comme on l’a précédemment exposé. Il faut donc plutôt imaginer une vie faite d’aller-retour orbitaux entre l’Arche qui forme un camp de base confortable et la vie de surface en conditions protégées. Une terraformation représente une oeuvre de longue haleine, dont l’échéance dépasse l’existence individuelle et les archonautes revivraient ce qu’on vécu leurs ancêtres qui ont bâtis l’Arche, à cette seule différence que pour les ancêtres la base était une planète et leur horizon futur l’Arche, tandis que pour les arrivants, la base sera l’Arche et l’horizon future, la planète qui devient progressivement habitable

À l’ampleur multiséculaire de la tâche, vient s’ajouter un réel problème éthique, qui se pose dans tout les cas où la planète objectif n’est pas dépourvue de vie : que faire de la vie autochtone ?

Bien entendu, on n’imagine pas coloniser une planètre peuplée d’êtres moralement équivalents à l’être humain. Mais si la planète est mûre pour recevoir une forme de vie basée sur la chimie du carbone, alors il est possible, a des degrés divers, que celle-ci ait déjà développé à sa surface ou en sub-surface une vie originale sans continuité avec les formes de vies terrestres que renferment l’Arche. L’idée de stériliser une biosphère apparait pour le moins monstrueuse. Dans cette hypothèse, il faut imaginer l’existence au sein d’un écosystème mixte.

En guise de conclusion

Le temps de trajet, plus de sept siècles dans l’hypothèse envisagée, constitue sans doute la caractéristique la plus frappante d’un trajet interstellaire conduit par des moyens classiques. L’objection la plus immédiate qui vient à l’esprit est qu’il serait peut-être plus sage d’attendre que la Physique fasse des progrès suffisants pour autoriser un trajet interstellaire dans des durées “décentes”. Et d’un certain côté l’histoire de la Physique semble nous y inciter. Peu de domaines de l’esprit ont en effet progressés a un rythme plus soutenu que ne l’a fait la Physique ces quatres derniers siècles.Mais d’un autre côté, ce sont précisément les progrès accomplis, cristallisés en un solide édifice qui nous font bien voir, et sans ambages, que la traversée des espaces immenses se paye cher, soit en temps, soit en énergie. Peut-être la Physique est elle assez mûre pour qu’il faille dès aujourd’hui la prendre au sérieux ? Abolir le temps en dépensant d’immenses quantités d’énergie ne coûte rien à l’imagination, mais rien n’y fait : l’énergie est un bien rare. Ne serait il pas temps de se décharger des rêves stériles pour envisager des rêves féconds ? C’est sur ce pari qu’a été mené cette réflexion. L’énergie est pour l’humanité un bien exogène qu’il faut arracher à l’Univers, une conquête. Avec l’énergie, comme le dit la fable “point de franche lipée, tout à la pointe de l’épée”. L’humanité par contre dispose de son temps. Elle se sécrète d’elle-même par le renouvellement des générations. Elle n’a besoin, pour durer sans effort, de rien d’autre que d’un environnement reconstitué et d’une énergie modeste pour l’entretenir. Et pourtant, même en stratégie longue, il en faut une quantité folle. 99% du carburant se disperse dans le Grand Extérieur et propulse l’Arche, 1% seulement alimente le soleil qui brille sur ce monde.

A l’échelle de ce XXIe siècle débutant, l’Arche représente un projet à la frontière du fantasmagorique. Tout y parait démesuré, que ce soit la quantité de carburant ou les dimensions de la structure. Mais fixer la hauteur réelle qu’il nous faut franchir, disposer des masses, des longueurs et des énergies, se figurer l’état d’avancement technologique qui devrait être celui des partants, dessiner les grandes lignes d’une société à venir, tout ceci, même si le futur ne devait rien en retenir, peut aider un futur à naître.


  1. Pour plus de détails voir http://math.ucr.edu/home/baez/physics/Relativity/SR/rocket.html []
  2. J. Post, “Hydrogen ice spacecraft“, AIAA, Space Programs and Technologies Conference, Huntsville, AL; (1990) []
  3. Une simulation du système est visible ici : http://media4.obspm.fr/exoplanetes/base/systeme.php?etoile=Epsilon+Eridani []
  4. G. A. Landis, “Small Laser-propelled Interstellar Probe“, Presented at the 46th International Astronautical Congress, Oslo, Norway (1995) []

156 Commentaires à “Arche interstellaire”

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  1. 121
    Xavier

    Bonjour

    Gilgamesh a écrit:
    Pas bien clair ton dernier post :) mais en tout cas, tu as raison de maintenir.

    Oui, j’ai des problèmes avec le signe “inférieur”. Une dernière tentative :
    m_1 + m_2 < m_0
    Et en effet, je maintiens toujours ! Il y a à nouveau une erreur.

    Note: ce n’est pas parce que m = 1 que m est négligeable :-)

    Tu as écrit :

    m2 = m.ev

    Nan. On a :
    m_2 + m_1 = m_1 . e^v

    Ce qui conduit à :
    m_2 + m_1 = m_0 + (1 - e^v)

    Cela correspond au résultat que j’ai obtenu pour une masse m quelconque. On a donc *toujours* une économie de carburant. Et plus on divise, plus on économise. Je vais poster mes résultats dans le forum.

    Je n’avais pas pensé à la “vache de secours” (une sorte de saint-bernard, cette vache). Dans la phase d’accélération, la vache de secours peut rattrapper l’arche sans avoir à freiner à condition de partir au plus tard 17 ans après l’arche. Dans les phases suivantes, la “sur-mortorisation” (par rapport à quoi ?) suivie du freinage sont obligatoires.
    Par contre je ne vois pas l’intérêt de ralentir l’arche : primo, cela réduirait encore le stock de carburant alors que justement on en a besoin, deuxio, cela obligerai à ralentir également la vache, ce qui couterait un peu plus de carburant, et tertio la durée du voyage serait augmentée, et on a pas vraiment besoin de ça.
    En fait, à la limite, il faudrait être capable d’accélérer l’arche. La tangente à la courbe serait alors redressée, ce qui allongerai le délai pour envoyer le réservoir en freinant le moins possible. Mais comme on a plus de carburant… Et puis il est plus économique de freiner une petite vache (voire plusieurs) que d’accélérer une grosse arche.

    Au bout du bout, le plus simple serait peut-être d’envisager un système capable de collecter son propre carburant, comme le ramjet de Bussard…
    L’article en anglais de WikiPedia expose une alternative au ramjet : “Pre-seeded Trajectory”. Cela revient un peu à diviser le carburant à l’extrême en l’étalant tout au long du trajet. Coule, je viens de ré-inventer la roue :-)

    Xavier

  2. 122
    Gilgamesh

    Suite de la discussion sur le forum

  3. 123
    Dan Dx

    Oh Hé ! Ya quelqu’un ? (Dans le vide personne ne vous entend crier !)
    Bon, j’expose quand même mon pb ici, on verra bien !
    Jusqu’ici, on s’est abondamment et même “lascivement”, dirais-je, étendu sur nombre des aspects du “comment”. On a éventuellement évoqué le “pourquoi”. Le “quand” dépendant principalement du précédent, derechef passons !
    Mais, sauf impardonnable distraction de ma part, je ne vois nulle part approfondie au même niveau la question du “où” !
    A première vue, le choix est simple mais contraignant : à la base, un endroit similaire à la Terre en dimensions, masse, température moyenne, champ magnétique et toutes ces sortes de choses… Mais, ici vient ma question, vie préexistante ou pas de vie du tout ?
    En peu de mots, est-il préférable de terra former une planète stérile, ou de débarquer sur une terre-bis “fully furnished” avec les avantages mais aussi les potentiels inconvénients que cela implique ?

  4. 124
    Gilgamesh

    C’est bien un aspect fondamental de la réflexion, et je l’aborde dans l’article au chapitre de la rareté des systèmes planétaires.

    Je suis relativement pessimiste quand au critères premiers, tout d’abord ; je te cite:

    à la base, un endroit similaire à la Terre en dimensions, masse, température moyenne, champ magnétique et toutes ces sortes de choses…

    J’ai essayé de résumer ces standards terrestres :

    * Gravité : 0,5 - 2 g.
    * Dose annuelle de rayonnement : < 100 milliSievert.
    * Pression atmosphérique : 0,5 et 5 atm.
    * Pression partielle d'O2 : 0,1 - 0,5 atm.
    * Température : -50 et +50°C.
    * Présence d’eau en surface ou sub-surface.
    * Absence de gaz toxiques.

    Pour atteindre les “standards” de la Terre, il faudrait ajouter :
    * Systèmes climatiques diversifiés basés sur le cycle de l’eau.
    * Océans d’eau liquide.
    * spectre stellaire à ~6000 K.
    * Écosystème accueillant.

    L'écosystème, n'est pas la moindre des préoccupations, mais ce n'est pas celle qui vient en premier. Trouver un corps simplement aussi accueillant que Mars serait déjà très encourageant.

    Je propose de classer les cibles planétaires en fonction des conditions offertes pour une vie de surface par l'être humain. On s'intéresse aux planètes telluriques ou à glaces planétaires (type Titan). Le reste (planètes joviennes), est P3+ dans la classification qui suit...

    P0 : planète aux standards terrestres. La vie de surface nécessite des vêtements non pressurisés et l’atmosphère est respirable, éventuellement après accommodation. EARTH-LIKE ou Gaïa.

    P1 : planète non respirable à pression, température, irradiation et gravité viable (sinon on passe au cas P2), nécessitant un scaphandre non pressurisé et non étanche, de faible régulation thermique, mais avec assistance respiratoire pour enrichir ou filtrer, en tout ou partie, le mélange gazeux. Pas d’exemple dans le système solaire ; le milieu terrestre aqueux de sub-surface constitue une illustration possible de ce que représente un milieu P1.

    P2 : planète non respirable, nécessitant un scaphandre intégral pressurisé ainsi éventuellement qu’une régulation thermique lourde, à gravité viable sur la longue durée (plus de 1 an).

    On peut éventuellement subdiviser en deux sous catégories :

    - P2a : pression très inférieure à 100 kPa, autorisant le port d’un scaphandre autonome de poids apparent compatible avec la marche à pieds sans assistance. MARS-LIKE.

    - P2b : pression très supérieure à 100 kPa ou pression viable mais sous température très basse ou très élevée, irradiation forte et autres facteurs physiques rendant le milieu trop contraignant pour autoriser le port d’un scaphandre autonome non motorisé. VENUS ou TITAN-LIKE

    P3 : planète non respirable, nécessitant un scaphandre intégral, à gravité non supportable sur la longue durée (trop basse ou trop élevée).

    En terme de fréquence, vu que les contraintes vont décroissantes dans cette liste, on peut faire l’hypothèse que P3>P2>P1>P0.

    Comme on effectue un choix sur toutes les planètes accessibles à la détection et qu’on devrait atteindre prochainement la quasi exhaustivité dans le proche environnement, la question c’est de savoir quel est le rang de planète le plus favorable (la plus proche de 0) dans l’environnement stellaire. Plus exactement quel est le couple distance-viabilité le plus intéressant.

    Il me semble raisonnable de penser que la fréquence des P0 est nulle (on va écrire cela P0=0) et celle des P1 proche de zéro également. Si par chance P1>0 dans l’environnement proche, c’est LA cible qui s’offre à nous et elle est donc à rechercher avec le plus grand soin, P2 (a ou b) est rare mais certainement présente, P3 est certainement majoritaire mais sans intérêt pour y habiter.

    La probable absence de P0, la probable rareté voir même absence de P1 forment pour moi la base de la réflexion et fonde en grande partie le concept d’Arche. Je m’avance certes en disant cela, mais on dispose quand même d’éléments bien établis pour rationaliser cela. La Terre elle même, notamment, n’est P0 que depuis peu de temps, géologiquement parlant !

    et aucune autres planètes connues (les sept planètes + les gros satellites + ce qu’on connaît d’exoplanetes) n’a semble t’il connu quelque chose d’approchant. L’O2 est structurellement en déséquilibre à cause de sa forte réactivité chimique et nécessite pour se maintenir à ce taux une activité métabolique très particulière. Si tu ajoutes à ces contraintes celle de pression, température, gravité, irradiation… je pense qu’on peut prédire sans trop de risque de se tromper que P0 représente quelque chose de réellement exceptionnel dans la Galaxie. La probabilité d’en découvrir une proche est donc virtuellement nulle. Si par extraordinaire la chance nous souriait, tant mieux, mais je ne pense pas raisonnable de se baser sur une probabilité aussi faible.

    Dès lors on est confronté à cela : part-on pour habiter une planète offrant la même habitabilité de la Terre ? En toute probabilité, NON ! Comme tu le fais remarquer, on peut se demander pourquoi partir alors : le “où ?” conditionne le “pourquoi ?”.

    Si l’homme est capable d’édifier une structure telle que vivre ici, au sein du système solaire ou vivre dans l’espace interstellaire ou dans un autre système stellaire forme un invariant anthropologique, alors ça redevient possible.

    Pour faire le parallèle avec la phrase de Galilée : pour la nation de l’Arche “le mouvement devient comme rien“.

    Si cette nation acquiert la capacité à récolter à coût marginal d’immenses quantités de Deutérium ainsi que la capacité à manufacturer une centaine de milliers de moteurs à fusion de conception simple, alors, au bout d’un temps d’accumulation (sur une durée sans doute longue, supérieure au siècle certainement), elle acquerra la capacité de faire le Grand Saut. Ce ne sera pas sous l’effet d’une contrainte mais par le fait que tant qu’à vivre hors de Terre, pourquoi ne pas tenter la grande aventure ? Un projet interstellaire ne peut obéir à mon sens à une nécessité mais à une motivation qui est de l’ordre de l’agrément moral.

    Maintenant, vu qu’on recherche quelque chose qui se rapproche le plus possible de P1 (et a fortiori de P0), on recherche quelque chose qui a une probabilité notable d’avoir constitué un écosystème autochtone.  J’aborde brièvement cette question au début et à la fin de l’article.

    La question des écosystèmes autochtones possède 2 volets :

    * 1e volet : la présence d’un écosystème en tant que contrainte possible pour l’établissement d’une vie humaine en surface :

    Et quoique l’astrophysique observationnelle fasse des progrès exponentiels, à quelle échéance peut-on s’attendre à ce que l’observation purement radioélectrique d’un système lointain, situé à des centaines, des milliers ou des dizaines de milliers d’années-lumière nous livre une information si totalement satisfaisante qu’elle autorise à prédire la possibilité de le coloniser “dès l’atterrissage” ? Notamment en ce qui concerne la nature de l’écosystème. Il y a sans doute peu à craindre du très gros (bêtes féroces…) ou du nano (virus, nécessitant un compatibilité des systèmes génétiques). Mais les micro-organismes de types bactériens ou fongiques ne nécessitent pour se développer que d’un substrat organique. En soi le risque reste raisonnable, mais il donne à voir sur le risque global encouru. Tout peut arriver, et tout sera envisagé par les partants de façon bien plus accrue que ne le peut cette réflexion. Une colonie réduite au minimum dans un vaisseau lui-même minimal est livrée pieds et poings liés au moindre imprévu, sans espoir d’aucun secours terrestre, même moral. Or peut-on imaginer plus fertile en imprévus que ce premier trajet hors du système solaire ? Que se passerait-il si les 20 ans prévus se traduisaient par 200 ans de vie confinée ?

    * 2e volet : la présence d’un écosystème  en tant que contrainte morale.

    Par rapport au Futur, l’objectif colonial va nécessiter une réflexion approfondie de ce qui devra se faire une fois arrivé à destination.

    Soit la ou les planètes objectifs présentent des conditions d’existence permettant leur peuplement tête nu, soit elles nécessitent une terraformation. A la première occurrence est associé une probabilité faible, comme on l’a précédemment exposé. Il faut donc plutôt imaginer une vie faite d’allers-retours orbitaux entre l’Arche qui forme un camp de base confortable et la vie de surface en conditions protégées. Une terraformation représente une oeuvre de longue haleine, dont l’échéance dépasse l’existence individuelle et les archonautes revivraient ce qu’on vécu leurs ancêtres qui ont bâtis l’Arche, à cette seule différence que pour les ancêtres la base était une planète et leur horizon futur l’Arche, tandis que pour les arrivants, la base sera l’Arche et l’horizon future, la planète qui devient progressivement habitable

    À l’ampleur multiséculaire de la tâche, vient s’ajouter un réel problème éthique, qui se pose dans tout les cas où la planète objectif n’est pas dépourvue de vie : que faire de la vie autochtone ?

    Bien entendu, on n’imagine pas coloniser une planète peuplée d’êtres moralement équivalents à l’être humain. Mais si la planète est mûre pour recevoir une forme de vie basée sur la chimie du carbone, alors il est possible, a des degrés divers, que celle-ci ait déjà développé à sa surface ou en sub-surface une vie originale sans continuité avec les formes de vies terrestres que renferment l’Arche. L’idée de stériliser une biosphère apparaît pour le moins monstrueuse. Dans cette hypothèse, il faut imaginer l’existence au sein d’un écosystème mixte.

    Pour l’instant, pouvoir se poser ce genre de question me semble un luxe. J’ignore si nous en aurons le loisir. Dans l’article je prends Epsilon Eridani b comme cible (une planète jovienne dont 10% de l’orbite se passe dans l’écosphère de l’étoile, ce qui est déjà beau !), car c’est le plus proche système planétaire connu, basiquement. Si cette planète a des satellites, peut être peut on espérer des P2a ? Et peut-être ne faut-il même pas l’espérer…

    La seule exigence absolue qui s’ajoute à la contrainte de proximité est la présence dans le système distant de sources de carburant exploitable pour la fusion (deutérium ou autre).

  5. 125
    Yogi

    Fascinante discussion, dont je n’ai fait pour l’instant qu’effleurer la lecture !
    Sur le dernier débat concernant l’habitabilité de la planète cible, sans doute vaudra-t-il mieux adapter par ingénierie génétique le métabolisme humain aux conditions trouvées, plutôt que d’espérer trouver une planète de type P0.

    Beaucoup de lecture en perspective sur ce site, merci et Bravo !

  6. 126
    Antoine

    Bonjour,

    c’est un article tres détaillé, y compris les réponses aux mails.
    moi même, je rêve d’aller voyager vers d’autres mondes.
    cependant il y a un hic, et de taille, c’est justement “la planète cible”, le but même de tout le voyage.

    cette partie là est un peu trop rapide, notamment sur les caractéristiques de la planète où l’on peut vivre “tête nue”.

    la liste des impératifs est malheureusement beaucoup plus longue, et cela réduit considerablement l’occurence qu’une autre planète offre des conditions aussi favorables que notre planète.

    je ne suis déjà pas d’accord avec la fourchette de la pression atmospherique et le taux d’oxygène.
    est-ce que tu sais “Gilgamesh” que pour un taux de 30% d’O2 dans l’air à une atmosphère, les matériaux organiques (exemple coton, graisses…) s’enflamment spontanément?!
    De plus il faut un gaz qui accompagne l’O2, et difficilement autre que l’azote de par ses propriétés, or il n’est lui même pas parfait, car à 5 atmosphères il est toxique (l’oxygène aussi d’ailleurs).
    de plus le fait qu’il se dissout dans les tissus le rend dangereux (narcose)
    etc…

    même la gravitation de 2G ne me semble pas vivable.
    et comment décoller d’une telle planète.(fusée de 3000T = 6000T à 2G)

    autre exemple : la presence d’un champ magnétique n’est pas évoquée, or son existence pour un astre donné, est bien loin d’etre une evidence, et il est capital pour proteger un biosphère de sa propre étoile.

    que peux tu me repondre “Gilgamesh”?!

  7. 127
    Antoine

    bonjour,

    ce que je voulais dire c’est qu’il faut esperer qu’il existe des lois physico-chimiques qui déterminent quand même, un tant soit peu, la genese des systemes solaires et des planetes.

    dans le cas contraire (aleatoire total) il y a autant de chance de trouver des planétes viables que de gagner à un LOTO où il aurait non plus 6 chiffres, mais 36 chiffres.

  8. 128
    Paganel

    dans le cas contraire (aleatoire total) il y a autant de chance de trouver des planétes viables que de gagner à un LOTO où il aurait non plus 6 chiffres, mais 36 chiffres.

    Parenthèse : 6 chiffres, c’est ce qu’on choisit, pas ce dans quoi on tire. Si on en choisit 36 au lieu de 6 on a beaucoup, beaucoup plus de chances de gagner. Et s’il y en avait par hasard 49, on aurait même la certitude de gagner, mais du même coup le lot moyen serait négatif à cause des frais de fonctionnement. Rien n’est parfait ;-)

    Pour le reste, en effet, nous ne savons pas grand chose sur nos chances de trouver une planète utilisable telle quelle, mais si l’on trouve à la fois une source d’énergie et une de gravitation utilisables, plus quelques minerais, c’est déjà un début pour s’ancrer quelque part ailleurs, si tant est d’ailleurs qu’il soit si intéressant que cela de s’ancrer. Ibn Khaldoun ne fait-il pas remarquer que le propre des peuples libres est de rester nomades au lieu de chercher à se fixer ?

    Isaac Asimov se demandait lui aussi si une fois sortis de notre puits de gravité on aurait tant que ça envie de retourner dans un autre. Vivre dans un puits n’est pas forcément une si bonne idée que cela, ne serait-ce que par la réduction de mobilité que cela implique.

  9. 129
    Antoine

    bonjour à tous,

    c’est encore moi!
    vu qu’il y a presque un an entre les derniers messages et les miens, j’en profite.

    j’ai lu en survolant, l’ensemble des commentaires ci dessus.
    je vois beaucoup de physique, mais peu de chimie et de biologie.

    je crois que la “planète cible” pour l’heure doit etre tout simplement “la Terre”.

    je conseille à tout le monde de l’etudier et de la considerer, sous toute les coutures.

    j’en reviens à l’oxygène : il n’y a aucun élément qui est plus efficace et pratiquable (car il faut exclure le fluor) que lui pour ce qui est de l’energie du vivant et autre (H2 + O2, pour les fusées chimiques).
    or les animaux les plus performants ne vont pas pour autant à bien plus que 100 km/h, avec leurs muscles.
    voilà un des facteurs qui doit servir de repère.

    les premières bactéries fonctionnaient au sulfure d’hydrogène (H2S), il en existe toujours : elles sont dites “anaérobie”.
    quand la vie sur Terre a adopté la photosynthèse, et que l’oxygène a été disponible (vie aérobie) ces nouveaux etres ont multiplié par pas moins de 20 leur energie.

    s’il existe sans doute des planètes avec une atmosphère de soufre, la vie y est prostrée à l’etat primitif.

    comment pourrait-on passer 700 ans dans un engin avec un tel objectif, ou pire, des planètes comme Vénus ou Mars, qui sont des déserts plus agréssifs que le Sahara.

  10. 130
    Gilgamesh

    Antoine salut,

    je reconnais volontier qu’il y a moyen d’être plus restrictif concernant la teneur en O2 et la gravité. J’ai mis des côtes larges assez volontairement. La teneur en O2 pour la raison que tu expose ne pourrait de toutes les façons pas dépasser le seuil de combustion spontanée. Pour ce qui est de la gravité, j’ai mis un chiffe rond, 2g, c’est déjà assez considérable et cela souligne d’abord l’étroitesse relative de la fourchette. La capacité à décoller du sol ne me semble pas rédhibitoire ceci dit (si on maitrise la fusion, l’énergie n’est pas ce qui manque). Par contre, pour ce qui est du champs magnétique, la contrainte que cela recouvre est incluse dans l’exposition aux rayonnements (100 mSv : l’étude des victimes de Hiroshima et Nagasaki n’a pas révélé de risque statistiquement significatif de cancers pour des doses aux organes inférieures à 100 mSv).

    Et ceci dit si toutes les caractéristiques se situaient dans ces limites, nous aurions quand même une candidate d’exception !

    Du point de vue de la planétologie, c’est une science en pleine et constante expansion actuellement : on a enfin des candidates en grand nombres, et on peut commencer à tester les modèles.

    Les planètes telluriques font encore partie de rareté mais ça ne tiendra pas dix ans. Il est bien certain qu’il y en a en très grand nombre dans la Galaxie. Ce n’est donc pas exactement le Loto, mais de la même façon que la vie n’a pas de déterminisme très ancré pour s’orienter vers la conscience, on ignore quand même pas mal ce qui oriente une planète vers un état “anthropisable” sur des temps géologiques.

    A ceci s’ajoute que la question qui se pose dans l’optique d’un trajet interstellaire est extrêmement sensible à la distance. Chaque années lumières pèse d’un poids considérable.

    S’il nous parvenions à détecter une planète aussi appétente que Mars (P1) à 1000 années de trajet et une Gaia (P0) en bonne et du forme mais à 10 000 années, sur laquelle déciderions nous de diriger la première arche ou toute chose équivallente (mais qui demande ce temps là pour s’y rendre) ? Pas évident de trancher.

    a+

  11. 131
    ost

    Hello

    tout ca cest bien beau mais quel interet de flotter dans l espace ad vitam eternam? Et comment trouver des ressources naturelles et reparer le vaisseau ?

  12. 132
    Antoine

    Bonjour les stellaires,

    bon, j’ai quand même l’impression que le voyage est plus important que la destination, voir simplement la possibilité de voyager, ce qui serait une concretisation effective que nous sommes libres.

    la deuxième interrogation forte est sommes-nous seuls dans l’univers ou dans cette immense partie de l’univers.

    troisièmement, la Science-fiction est une chose trop serieuse pour etre liassée aux auteurs de SF!

  13. 133
    Gilgamesh

    Paganel a écrit:Pour le reste, en effet, nous ne savons pas grand chose sur nos chances de trouver une planète utilisable telle quelle, mais si l’on trouve à la fois une source d’énergie et une de gravitation utilisables, plus quelques minerais, c’est déjà un début pour s’ancrer quelque part ailleurs, si tant est d’ailleurs qu’il soit si intéressant que cela de s’ancrer. Ibn Khaldoun ne fait-il pas remarquer que le propre des peuples libres est de rester nomades au lieu de chercher à se fixer ?

    Isaac Asimov se demandait lui aussi si une fois sortis de notre puits de gravité on aurait tant que ça envie de retourner dans un autre. Vivre dans un puits n’est pas forcément une si bonne idée que cela, ne serait-ce que par la réduction de mobilité que cela implique.

    La remaque de Ibn Khaldoun semble raisonnable et fondée mais on peut penser aussi qu’elle était guidée par ce que l’on sait : qu’il avait mauvaise opinion des Bédouins :)

    Toutefois, il me semble à nouveau utile de replonger dans les motivations possibles, capable de donner lieu à un trajet interstellaire.

    On résume les exigences :

    * il s’agit d’édifier le plus gros artefact fonctionnel construit par l’Homme et un le plus longévif, (supérieur au 1 millénaire et virtuellement immortel).

    * il s’agira sans aucun doute de la plus énorme densité de puissance jamais mise en oeuvre. Elle dépasserait de façon vertigineuse la consommation mondiale actuelle : 1 Arche de 20Gt en accélération sur 57 ans (pour atteindre 4500 km/s) représente une consommation d’énergie de 285 000 Terre 2010, 4 exawatts (10^18) contre 14 terawatts (10^12).

    * il nécessite l’accès à des compétences très supérieure quand à la maitrise de la technologie de fusion, de la physique en générale, de la biologie, de l’écologie, de la sociologie et de la politique, pour simplement prendre les plus saillants.

    Donc ce ne peut définitivement pas être une humanité moribonde puisque tant du point de vue de la volonté que des compétence, un faible nombre serait capable d’accéder à de très grande ressource et de très grandes compétences.

    Et ça ne sera pas non plus une humanité qui doute exagérément d’elle même puisque un projet aussi considérable sera sortie d’elle sans rien lui rapporter, pas de façon direct.

    L’idée de nécessité poignante est donc absente de ses motivation. Il ne reste donc que le pur agrément moral.

    D’une certaine façon, cela facilite le passage à l’acte, car sous le regne de la nécessité, on doit faire des choix (car on est nécessairement impuissant pour être soumis à son règne). Et que ces choix doivent convenir à des intérêt contradictoire, ce qui diminue la force du choix. Le pur agrément moral offre plus de facilité parce que tous les intérêt peuvent y concourir, à concurrence de l’intensité de leur intérêt, la seule exigence étant de réunir tous ces intérêt en un projet cohérent.

    En conclusion, la plus grande difficulté me semble vraiment venir de la Physique, et non de l’Homme.

    Le trajet interstellaire me semble possiblement exigible comme but succédant à l’accès à un état de l’humanité où elle pourra songer à vraiment plus haut que survivre.

    Les archonautes sont donc à la fois porteur d’un espoir collectif explicite, que d’un certain point de vue ils ne peuvent décevoir. Et par contre totalement indépendant quand à leur moyen d’existence, dans un sens comme dans l’autre. Une durable solidarité morale allié à une radicale désolidarisation de moyen. Le fait que le seul lien soit moral ne peut que le renforcer à mon avis.

    Pour ce qui est de la remarque d’Asimov, elle est un peu rapide je crois. Quitter durablement le plancher des vaches suppose nécessairement de le reconstituer ailleurs ! Donc toute chose égale par ailleurs, il est vrai que vivre comme sur Terre mais avec EN PLUS la possibilité de faire bouger à volonter son habitat dans l’Univers, certes c’est mieux. Et nécessairement on perd quelque chose dans l’affaire, car il ne peut s’agir de déplacer une planète dans son entier. Il y a forcément un peu de Lacédémone dans l’archonaute :)

    a+

  14. 134
    Gilgamesh

    comment pourrait-on passer 700 ans dans un engin avec un tel objectif, ou pire, des planètes comme Vénus ou Mars, qui sont des déserts plus agréssifs que le Sahara.

    Poser la question, c’est y répondre. L’objectif ne peut pas être de vivre sur la planète de destination comme on vivrait sur Terre.

    Mais ce sont des archonautes, ne l’oublions pas ! Ils ont l’habitude de ne pas vivre sur Terre. La norme pour eux est de vivre dans un environnement qu’ils ont bâtis ! Cela change tout. On est beaucoup plus transportable, comme cela :) .

    On part de l’hypothèse hélas raisonnable qu’il n’y a pas de P0 à, disons moins de 10 000 années de trajet. Par contre, il est fort possible qu’il y ait des P2a voir des P1 dans le rayon d’action d’un millénaire.

    Or sur ces type planétaire, il est possible de développer rapidement et à faible coût, relativement aux moyens dont dispose les archonautes, de très grande surface sous membrane légere et transparente. la surface de l’Arche est de 314 km2 au sol. Ce n’est pas une oeuvre si considérable de reproduire la même chose sur le sol de la planète.

    Et leur grande maitrise des surface étendue leur donne la capacité à concentrer si nécessaire le feu stellaire, ou au contraire à s’en prémunir, par un miroir ou une ombrelle spatial (qui représente la même technologie fondamentalement).

    Donc essentiellement 2 membranes à générer : une membrane transparente au sol, assez solide, pour contenir l’atmosphère artificielle. Une membrane réfléchissante dans l’espace, très légère, pour dévier la lumière, chacune d’une surface de l’ordre de 1000 km2.

    Encore du boulot certes, mais à mon avis accessible à un siècle d’effort pour quelque dizaine de milliers de personnes (sachant que la démographie pourrait à nouveau augmenter à destination).

    a+

    ————-
    rappel :

    P1 : planète non respirable à pression, température, irradiation et gravité viable (sinon on passe au cas P2), nécessitant un scaphandre non pressurisé et non étanche, de faible régulation thermique, mais avec assistance respiratoire pour enrichir ou filtrer, en tout ou partie, le mélange gazeux. Pas d’exemple dans le système solaire ; le milieu terrestre aqueux de sub-surface constitue une illustration possible de ce que représente un milieu P1.
    P2 : planète non respirable, nécessitant un scaphandre intégral pressurisé ainsi éventuellement qu’une régulation thermique lourde, à gravité viable sur la longue durée (plus de 1 an).
    On peut éventuellement subdiviser en deux sous catégories :
    - P2a : pression très inférieure à 100 kPa, autorisant le port d’un scaphandre autonome de poids apparent compatible avec la marche à pieds sans assistance. MARS ou MOON-LIKE

  15. 135
    Urbinou

    Bonjour,

    ost a écrit:tout ca cest bien beau mais quel interet de flotter dans l espace ad vitam eternam?

    Mais.. n’est ce pas ce que nous faisons déjà sur notre magnifique vaisseau “Terre” ?

    Il faut voir l’arche comme une Terre de remplacement, dans laquelle il fait bon vivre.

  16. 136
    Antoine

    Bonjour,

    le débat a été un peu relancé avec tout çà!

    pourquoi ne pas continuer alors?!

    le chiffre de 100 msievert est celui qui m’a sans doute le plus dressé les cheveux sur la tête (nue).

    Pour commencer il faut spécifier : par personne et par an

    Deuxiemement, la radioactivité naturelle sur Terre (sauf localités d’exception) est de :
    2,4 mSv par an et par personne, toutes sources confondues

    Pour un sejour sur une planète, il ne faut pas prendre ce qui s’est regretablement passé à Hiroshima comme référence.
    Le cancer n’est pas le seul problème médical.
    D’autant plus que les “Archonautes” auront inmanquablement déjà reçu des doses à bord de l’arche.

    Antoine.

  17. 137
    Dan Dx

    Gilgamesh, content que le débat reprenne un peu de vie et que parmi les derniers commentaires qques uns concernent le problème de la destination, question qui me titille depuis qques temps. En vrac :
    OK, l’espoir de trouver dans notre voisinage une destination qui soit un clone de la Terre semble plutôt vain, on se contentera d’à peu près en ce qui concerne la taille, la distance à l’étoile, la température de surface, le champ magnétique, la présence ou non de satellites et toutes ces sortes de choses. Que cette planète abrite une forme de vie serait, selon moi, plus un inconvénient qu’un avantage, inconvénient pour nous comme pour la vie indigène, inutile que je développe, notre histoire grouille d’exemples de la chose. Je viens par ailleurs de lire “BIOS” de Robert Charles Wilson (Folio SF) qui imagine un cas des plus extrèmes : Une planète lointaine, “earthlike”, mais abritant des formes de vie qui s’avèrent absolument hostiles à toute forme de nouveauté biologique, car la vie là-bas a évolué non-stop depuis son origine et n’a pas connu les multiples quasi-extinctions et renouvellements vécus par notre planète.
    Alors, se donner comme perspectives ou bien d’adapter ce nouveau monde à nous, au risque de détruire la vie indigène, ou bien de retoucher l’humain pour l’adapter à ce monde… Trop compliqué, non ?
    Ne nous faisons pas d’illusions, nos envoyés seront pour longtemps condamnés à une vie sous dômes étanches, quoiqu’il arrive. De toutes façons, me direz-vous, où est le problème ? Depuis plus de 50 ans, des tas de gens vivent et travaillent en Antarctique dans un isolement relatif, et ça marche. Le reste est une question d’échelle ! Après tout, nos messagers auront d’ores et déjà passé des siècles de voyage en milieu clos et l’humain est infiniment flexible.
    Choisissons plutôt une planète stérile, une page blanche qui n’attende que notre écriture : la terraformation d’une planète, ça c’est du projet, avec de vrais morceaux d’espoir dedans ! Et puis, c’est du “hard”, rien que des questions techniques sans vague à l’âme d’origine éthique :)
    Et hop, je te détourne un troupeau de comètes sélectionnées du nuage de Oort local (pas trop grosses, les comètes, on ne veux pas tout casser !), de quoi se payer un océan tout neuf pour pas cher. Quelques milliers de tonnes de cyanobactéries à croissance rapide, et c’est parti pour changer d’atmosphère (atmosphère, atmosphère…). Alors on peut débarquer et attendre, sous nos dômes, que le boulot se fasse, “piece of cake” !
    Ah oui, au fait, ajouter tout un océan à la masse globale d’une planète, ça va freiner sa vitesse de rotation, non ? Et sa gravité aussi va augmenter ! Elle a des satellites notre Terre lointaine ? Et comment évoluera sa distance à son étoile ? Et sans compter les multiples effets d’un bombardement prolongé et massif de comètes, même petites, à 10 km/s, la loi de l’énergie cinétique est dure mais c’est la loi.
    Il y a là encore bien des calculs à se faire, mais je sais que tu aimes ça, les calculs :)

  18. 138
    Dan Dx

    Woops!

    Dan Dx a écrit:à 10 km/s, la loi de l’énergie cinétique est dure mais c’est la loi.

    C’est plutôt:
    La loi de la conservation de l’énergie cinétique etc.
    Désolé

  19. 139
    Gilgamesh

    131. ost a écrit: tout ca cest bien beau mais quel interet de flotter dans l’espace ad vitam eternam? Et comment trouver des ressources naturelles et reparer le vaisseau ?

    Comme dit par Urbinou le fait de flotter dans l’espace pour un temps indéfini devrait nous paraitre familier, à nous terrien. C’est au fond juste une question d’échelle. Le concept d’Arche peut se définir comme étant la plus petite structure permettant de ne plus ressentir l’effet d’isolement dans le grand vide.

    Et sinon, en effet y’a pas de station service, ni d’astéroides miniers sur le trajet et la structure doit donc être 100% recyclable pendant disons 1 millénaire.

    a+

  20. 140
    Gilgamesh

    Je poste ici une réponse rédigée pour la partie anglophone.

    Réponse à
    134 Joseph Dahdah - 27 May 2009, 10:14 pm

    Pardon pour le retard, mais il fallait que je trouve le temps de rédiger pour répondre à ce point de vue bien construit de Joseph.

    Au sujet de la durée de vie des civilisations : cela reste pour moi un des fondamentaux qui argumente dans le sens d’une plus forte faisabilité de l’Arche (ce qui ne signifit pas que cette faisabilité soit forte dans l’absolu), au sens où elle fait appelle au temps plus qu’à l’énergie.

    Je me place (comme toi) dans l’échéance de plusieurs siècles. Il est évident que nous sommes encore loin des starting block. Disons, allez risquons un chiffre pour dégrossir : 1 siècle pour fonder une nation, 1 à 1,5 siècle pour qu’elle s’acclimate dans l’espace et acquiert des compétences technologique, 2,5 à 3 siècles pour faire grandir l’Arche, accumuler suffisemment de carburant et envoyer des sondes à c/10 vers les systèmes candidats, attendre les résultats et faire le choix de la cible et on est paré pour le départ. Soit quelque chose comme 5 siècles.

    Il me semble que ça rentre (mais tout juste, c’est vrai) dans la limites temporelles d’une vision politique. C’est quelque chose que l’on peut proposer avec quelque espoir que certains esprit s’en feront échos. Je remarque que quand j’en parle cela retient au moins l’intérêt.

    Bon et une fois la nation en autonomie dans l’Arche, peut elle se donner une vision millénaire (7,5 siècles de voyage, plus à l’arrivée un brin de terraformation pour installer des structures habitables sur la planète, sur qq centaines de km2). C’est plus ce point là que tu conteste il me semble ?

    Imaginer 10^4 à 10^5 personnes poursuivre un but à 1000 ans peut paraitre excessif. Mais ce qui change la donne, c’est qu’ils aurant cette exigence dès le départ, obligatoirement. Nous n’avons pas de vision à 1000 ans sur Terre parce que ça nous est inutile. Nous ne sommes pas soumis à cette nécessité, tandis que l’Arche c’est absolument certain, calculé, fixé et la société construite ab initio sur ces bases là.

    Nous n’avons pas d’exemple de société qui ait vu aussi loin, mais je pense que c’est simplement qu’aucune civilisation n’a été mise devant cette nécessité. Ce n’est pas de mon point de vue nécessairement plus compliqué que de passer de la maitrise d’un village à celui d’un continent (c’est à dire que c’est une entrprise énorme mais qu’on a prouvé historiquement qu’on en était capable, à plusieurs reprises, partout sur Terre et à toutes les époques depuis 5000 ans). L’homme a développé des compétences pour maitriser techniquement, socialement, politiquement des superficies de plus en plus vastes sur Terre. Il a su former des structures spatiales étendues sous l’effet de la nécessité historique. Pour quelle raison a priori serait il incapable de maitriser une petite structure durant un temps long si la nécessité l’ordonne, ce qui n’a jamais été encore le cas ? je ne dis pas que c’est possible, je dis qu’on n’a pas la preuve historique que c’est impossible.

    Point suivant : il faut de l’énergie, beaucoup. Quel que soit le temps que l’on se donne, il faut acquerir à une échéance pas trop lointaine les compétences nécessaires pour la maitrise de la fusion. En exploitant à fond toutes les énergies renouvelables, on peut je pense garder une humanité nombreuse et viable, mais en aucun cas passer l’énorme seuil énergétique qui sépare des étoiles. Par contre, je ne suis pas réellement inquiet à l’échelle la plus large au plan écologique. Localement et momentanément ça peut être catastrophique, l’Homme modifie la planète pas toujours dans le sens qu’il voudrait, mais il ne compromet pas, sur le long terme sa capacité à abriter une vie abondante et diversifiée.

    Donc :

    *sur l’habitabilité de la Terre (et la capacité à former une humanité raisonnablement coopérative et prospère) je ne me pose pas trop de soucis sur le long terme.

    * par contre, l’impulsion du saut pour aller dans les étoiles, il faut l’arracher aux noyaux légers, le temps ne suffit pas.

    Autre interrogation que tu pose : est on capable de maitriser parfaitement un écosytème de petite taille (20 Gt) pendant 1000 ans ? On pourrait se dire par exemple qu’on n’a pas été capable de maitriser Biosphère II (quelque kt…) pendant plus de qq années. La difficulté a consisté en un déficit de photosynthèse (du à un été pluvieux) d’où une baisse de la teneur en O2 dans la structure étanche. C’est bien d’un défaut d’énergie qu’il s’agit. Tout était maitrisé, sauf Seigneur Soleil, qui n’en a fait qu’à sa tête… Mon propos est que si l’on maitrise TOUS les leviers de l’écosystème, il n’y a pas de raison qu’on échoue car TOUTES les erreurs peuvent être corrigé en continu, dans un système cybernetique clot. Si on maitrise l’ensemmencement en microorganisme, l’introduction de la totalité des espèces végétales et animales, les précipitation, le vent, te température et l’éclairement, il n’y a pas de raison pour que ça nous échappe, à moins d’adopter un point de vue “théologique” (c’est impossible parce que seul Dieu en a le pouvoir, ce genre de chose). Peut être, bien sûr, que TOUTES les espèces de l’Arche introduites au départ n’arriverons pas à destination. Mais cette un processus normal, on ne peut demander à aucun processus historique de se comporter comme un vase d’azote liquide qui conserve toute semence sans perte. Il faut donc prévoir des pertes. Mais puisque par volonté délibérée on souhaitera la diversité maximale, l’Arche restera infiniment plus diverses qu’une île de cette superficie (314 km2) sur Terre.

    Enfin, en ce qui concerne l’autonomie “anthropologique” (isolement de la population) : il est vrai que c’est un problème assez neuf. Mais pas *complètement* étranger à l’analyse historique. Si on se reporte dans le très long termes, vers Neandertal, Cro Magnon, et toutes les sociétés pseudo-paléolithique des temps historiques, je pense qu’il n’est pas dit que la totalité des population en interaction sur un millénaire ait dépassé les 50 000 personnes de l’Arche. Une unité viable sur le court terme (une tribu chasseuse-cueilleuse) c’est une centaine de personnes. Elle croise beacuoup moins de 1 nouvelle tribue tous les 2 an pendant mille an pour atteindre 50 000 personnes. Donc, à l’état de société “chasseuse cueilleuse” et sur le simple plan de l’échange entre individu, l’humanité a donc survecu sur le très long terme (des centaines de milliers d’années) avec des volumes d’interactions nettement inférieure à 50 000 personnes.millénaire.

    Par contre, dès le Néolithique, on dépasse rapidement ces seuils, sans discontinuer. Dès lors les progrès humains et sa capacité à entreprendre viennent avec la forte démographie de civilisation en interaction. Tu as raison de dire que l’Egypte antique et ces 4000 ans ne sont pas une preuve en soi de la possibilité d’un projet à long terme. La démographie de l’Egypte et ses échanges en font une entité au périmètre nettement plus étendu que celui de la nation de l’Arche, d’au moins 2 ordres de grandeurs.

    Donc :

    * sur la capacité à survivre longtemps en groupe restreint, on sait que c’est possible sur le long terme.

    * sur la capacité à entreprendre, il faut un haut degré d’interaction.

    On retrouve un peu la même alternative que pour l’écosystème et l’énergie. On a un état “végétif” assuré sur le long terme, et un terme d’”amplication” qui nécessite dans le premier cas de l’énergie de fusion et dans le second cas l’intégration de millions de volontés coordonnées.

    Dans le cas de l’Arche, ces millions de volontés, l’ampleur du projet et le niveau de coordination de moyens résultant de leur unité pourra être maintenu part un lien conservé avec la Terre. Et ce lien terrestre intellectuel fait à mon avis des terme tout à fait cruciaux de l’équation.

    a+

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