Arche interstellaire
Gilgamesh, 14 février 2007 in PhilosophieAutres langues :
Le thème du trajet vers les étoiles, de système planétaire à système planétaire, nous est à la fois tout à fait familier et totalement étranger. Familièrement, nous avons certainement tous en tête des histoires de science-fiction ayant pour cadre une galaxie (éventuellement lointaine, très lointaine…), dans laquelle les planètes jouent le rôle de nations ou de provinces d’empire. Les protagonistes se déplacent de l’une à l’autre dans des durées compatibles avec la tenue de la narration. Le trajet parait une formalité que les prochaines avancées d’une Physique Triomphante mettront à portée de main.
C’est ce que nous nommerons la stratégie “zéro” (S0) : on entend par là que le temps de trajet est “instantané”, à tout le moins inférieur à la durée d’une année terrestre, c’est à dire comparable aux trajets que nous effectuons à la surface de la Terre, aux trajets des missions lunaires et à ceux envisagés vers d’autres corps du système solaire, s’il s’agit de missions habitées.
Le trajet vers les étoiles nous devient par contre très étrange si nos envisageons qu’une telle avancée de la Physique pourrait bien ne pas avoir lieu, que la célèbre constante d’Einstein c, la vitesse de la lumière (3E8 m/s), représente un horizon de vitesse indépassable et même excessivement difficile à approcher, de sorte que l’espace deviendrait à nos yeux ce qu’il est déjà pour l’astronome : une immensité comparée à laquelle celle des océans terrestres n’est rien.
Ce n’est pas sans réticence que l’esprit s’approprie les dimensions réelles des espaces interstellaires. Et la déraison de ces distances n’est pas seule en cause. D’une certaine façon, on pourrait dire que la stratégie zéro s’enracine dans un désir enfantin d’espace. Non pas l’espace-distance, cet horrible espace nu, muet, impavide, mais l’espace-trésor et les mondes qui roulent au sein de son immensité. Tous ces mondes dont l’atteinte ne saurait souffrir aucun retard et à la découverte desquels s’active notre imaginaire.
Réalisme aidant et quittant avec un certain regret le vert paradis de stratégie zéro, nous pouvons toutefois envisager dans le cadre de la Relativité Restreinte une stratégie plus “adolescente” - si la première est enfantine - que nous nommerons stratégie courte ou SI, qui promet le trajet en une vie d’homme.
Stratégie courte : la fusée relativiste
Dans la SI, qui est spécifiquement relativiste, on tire parti du ralentissement du temps propre () du voyageur lorsque la vitesse approche c. Si t est le temps pour l’observateur au repos,
où représente le facteur de Lorentz,
Quand v/c approche 1, tend vers l’infini et tends vers 0. Autrement dit, en approchant le vitesse de la lumière, le temps du voyageur s’écoule de plus en plus lentement et une année-lumière peut être parcourue en moins d’une année de temps propre du voyageur. C’est le principe de la fusée relativiste. La seule limite au plan purement théorique dans ce cas est l’accélération qui doit rester dans des limites physiologiquement acceptables (soit 1 g, 9,81 m/s²).1
Le tableau ci-dessous donne quelques idées des temps et distances accessibles en fonction du ratio v/c atteint, avec une accélération de 1 g constante (condition extrêmement exigeante comme nous le verrons) :
al = années-lumière (1 al ~ 10 000 milliards de km)
1 g = accélération de 9,8 m/s par seconde, mesurée dans le référentiel du voyageur
et t en années, d en années lumière, v/c et sans dimension
Ainsi, en la modeste durée de 12 années de temps propre (et 113 243 années du temps de l’observateur au repos), ce qui est long mais supportable dans un vaisseau confortable, on pourrait parcourir la Galaxie entière, dont le diamètre est de 100 000 années-lumière. Mais ceci à condition d’approcher incroyablement près de la vitesse de la lumière. Il faut ensuite considérer que si l’on veut arriver à vitesse nulle à destination, il faut inverser le sens de la poussée à mi-trajet pour ralentir ; le trajet est sensiblement deux fois plus long, ce qui reste raisonnable. Finalement le temps de trajet (temps propre du voyageur) pour arriver à vitesse nulle sur un objectif situé à d années lumière, en accélérant et décélerant au taux constant de 1g dans son référentiel est :
= 1,94 arccosh(d/1,94 + 1) années
Pour d = 100 000 al (largeur de la Galaxie), = 22,4 ans. Ainsi, sous l’angle de la durée, la SI permet l’atteinte d’objectifs aussi lointains que l’on veut en des durées qui n’excèdent pas une vie humaine. C’est sur la base de ce critère encadrant la durée de voyage que nous définirons cette stratégie : durée d’un trajet terrestre (1 an) < < durée d'une vie humaine (moins de 100 ans).
Aspect énergétique
La difficulté à laquelle on est confronté pour la SI est énergétique. Tout se passe comme si on payait d’un côté (l’énergie) ce qu’on ne dépensait pas de l’autre (le temps). Considérons le cas le plus favorable. La propulsion est d’autant plus efficace qu’on éjecte derrière soi le projectile le plus léger possible à la vitesse la plus élevée possible. L’optimum absolu est donc atteint quand tout le carburant est converti en photons (masse nulle) bien collimatés derrière l’engin. La seule réaction permettant 100% de conversion du carburant en photons est la réaction matière-antimatière, photons qu’il faudrait ensuite concentrer en un faisceau de laser gamma (“graser”) dans l’idéal. Ni le carburant d’antimatière, ni sa combustion, ni la production d’un laser gamma ne sont actuellement à notre portée, mais ceci nous donne le maximum envisageable. Le ratio de la masse totale de carburant (matière + antimatière) M0 sur la masse de la structure M est dans ce cas :
avec a = 9,8 m.s-2 = 1,02 al.an-2
c = 3e8 m.s-1 = 1 al.an-1
en années
Pour atteindre l’autre bout de la Galaxie ( = 22,4 ans) il faudrait embarquer 10 millions de tonnes de carburant pour chaque kilogramme de structure. Il s’agit là d’un minimum théorique absolu, basé sur un rendement de propulsion de 1 (et il ne peut l’être, la réaction produisant de neutrinos qui emportent une partie de l’impulsion en toutes directions) et qui ne prend pas en compte le coût énergétique de production d’antimatière. L’antimatière doit en effet être produite dans des faisceaux de particules qu’il faut accélérer par des moyens classiques. Pour des raisons fondamentales (conservation du nombre baryonique) le taux théorique maximal de conversion est de 1/2. Et en pratique il est beaucoup plus bas, de l’ordre de 4E-8 (soit la production d’une antiproton pour 400 millions de collisions) dans les accélérateurs actuels. On peut raisonnablement espérer gagner 3 voir 4 ordres de grandeurs en termes de rendement mais on n’entrevoit rien de plus au-delà de cet horizon technologique.
La SI qui est réaliste sur le plan temporel cesse rapidement de l’être au plan énergétique. Bien entendu, lorsqu’on envisagera la stratégie alternative dite longue (SII), il faudra garder à l’esprit que SI-SII forment en fait un continuum, et que ce qui est recherché c’est le point optimum entre ces deux stratégies. Notamment, on a examiné ci-dessus un cas limite que personne n’envisage d’atteindre, celui nécessitant une accélération constante de 1g tout au long du trajet, condition extrêmement dispendieuse en terme de carburant.
Si l’on se place dans le cas plus général où on s’accorde un temps de vol libre (sans accélération), avant de décélérer, et sans se placer forcément dans le cas optimal d’une éjection de photons, le ratio des masses de départ M0 (structure + carburant) sur masse d’arrivée M (structure seule) se calcule comme :
avec c la vitesse de la lumière
v la vitesse de vol libre qui est aussi la vitesse maximale
ve la vitesse d’éjection du carburant (ve < c)
La traduction de cet optimum devrait se manifester concrètement sous la forme d'un minimum énergétique permettant d'atteindre une cible stellaire potentielle ; ce minimum se raisonne en fonction de l'état d'avancement technologique et politique de l'humanité et il y a bien entendu une interaction possible entre le but et les acteurs. On peut supposer raisonnable que l'intérêt que manifeste l'espèce humaine pour son environnement galactique se traduira par un passage à l'acte dès qu'elle pensera pouvoir franchir la barrière énergétique en un point quelconque, au premier "col" qu'elle trouvera à sa portée au sein de cette barrière. Et ce, même si le temps de trajet à accomplir est fixé très grand. Car, contrairement à la barrière énergétique, qui ne connait pas de maximum, la barrière temporelle forme une sorte de plateau, dépassé une durée canonique que l'on peut fixer égale au siècle. Si un homme est capable d'envisager sans regret vivre sa vie entière dans la structure qui le transporte vers les étoiles, y engendrer et y mourir, alors le temps ne forme plus un obstacle et il ne reste que la contrainte de l'énergie nécessaire à la construction, la propulsion et l'entretien de la structure. C'est sur ce plateau temporel, permettant d'abaisser la barrière énergétique sur la base d'un temps de trajet multiséculaire que s'édifie la stratégie longue.
La rareté des systèmes planétaires
Un autre aspect que l’énergie doit également être pris en compte, qui relève non pas du pur domaine de l’astronautique (fusée, moteur…) mais du champs de l’astrophysique et de l’exobiologie. Il concerne la planète-cible ou plutôt le système stellaire cible, tout entier, incluant les petits corps gris (astéroïdes, comètes).
On ne peut accélérer que de petites structures à des vitesses relativistes, vu les ratios M0/M que réclame l’atteinte de telles vitesses. Petites structures qui devraient néanmoins abriter le minimum d’humains permettant d’assurer une diversité génétique suffisante, soit au moins 1000 personnes.
Il est possible de diminuer les exigences de structure dans le cas relativiste en faisant hiberner une fraction appréciable des partants.
Mais c’est avec l’exigence forte que la planète soit imédiatemment habitable “tête nue”, c’est à dire sans terraformation.
Sur au moins quelques centaines de km² contigus, il faudrait s’assurer de disposer des conditions d’existence minimales suivantes :
- Gravité : 0,5 - 2 g
- Dose annuelle de rayonnement : < 100 milliSievert
- Pression atmosphérique : 0,5 et 5 atm
- Pression partielle d'O2 : 0,1 - 0,5 atm
- Température : -50 et +50°C
- Présence d’eau en surface ou sub-surface
- Absence de gaz toxiques
Pour atteindre les “standards” de la Terre, il faudrait ajouter :
- systèmes climatiques diversifiés basés sur le cycle de l’eau
- océans d’eau liquide
- spectre stellaire à ~6000K
- écosystème accueillant
Or par ailleurs, envisager un stratégie courte pour rejoindre un corps très éloigné implique d’atteindre une cible qu’on ne connait qu’à distance. Car s’il s’agit d’envoyer des sondes automatiques pour explorer préalablement le système, il faut qu’elles-même se déplacent à des vitesses relativistes tandis que les futurs voyageurs se trouvent au repos, attendant que l’information leur revienne par émission radio. Dès lors que la cible se situe au-delà de quelques siècles-lumière, le temps d’attente (un millénaire pour une cible situé à 500 al) excède ce qu’il est possible d’atteindre sans attendre, en stratégie longue en choisissant un système plus proche, même s’il est moins viable, nous verrons pourquoi.
Concernant la fréquence des planètes habitables “tête nue” dans les systèmes stellaires, les prochaines décenies devraient nous en dire beaucoup, et c’est avec beaucoup d’impatience que nous l’attendons. Mais il ne me semble pas présomptueux de prédire que cette fréquence sera faible si l’on considère les exigences énumérées ci-dessus. Par conséquent qu’il y ait fort peu de chances d’en trouver une à proximité, disons à moins de 20 années-lumière.
Le nombre N d’étoiles situées à une distance R du Soleil est :
N = bR3
avec :
b ~ 0,017 étoile.al-3 pour R<250 al
R en années-lumière
Le type spectral de l'étoile (c'est à dire sa température de surface) ne doit pas être trop éloigné de celui du Soleil (G2), ce qui restreint les cibles potentielles aux types F, G ou K, qui représentent environ 20% des étoiles environnantes. Ajoutons à cela que la moitié des étoiles appartiennent à un système multiple ce qui ne constitue pas a priori un cas favorable pour l'établissement d'orbites planétaires stables même si ce n'est pas forcément rédhibitoire.
Fixons à 10% les systèmes FGK tolérant la présence d'une planète tellurique en orbite stable et à bonne distance de l'étoile.
Nhab = 0,1 N
Cela nous donne une série de valeurs illustratives de N et de Nhab pour des distances au Soleil croissantes :
On voit par exemple que si moins de 1% des systèmes stellaires comprennent un corps planétaire de morphologie terrestre, il y a peu de chance d’en trouver un à moins de 40 al.
Et quoique l’astrophysique observationnelle fasse des progrès exponentiels, à quelle échéance peut-on s’attendre à ce que l’observation purement radioélectrique d’un système lointain, situé à des centaines, des milliers ou des dizaines de milliers d’années-lumière nous livre une information si totalement satisfaisante qu’elle autorise à prédire la possibilité de le coloniser “dès l’aterrissage” ? Notamment en ce qui concerne la nature de l’écosystème. Il y a sans doute peu à craindre du très gros (bêtes féroces…) ou du nano (virus, nécessitant un compatibilité des systèmes génétiques). Mais les mico-organismes de types bactériens ou fongiques ne nécessitent pour se développer que d’un substrat organique. En soi le risque reste raisonnable, mais il donne à voir sur le risque global encouru. Tout peut arriver, et tout sera envisagé par les partants de façon bien plus accrue que ne le peut cette réflexion. Une colonie réduite au minimum dans un vaisseau lui-même minimal est livrée pieds et poings liés au moindre imprévu, sans espoir d’aucun secours terrestre, même moral. Or peut-on imaginer plus fertile en imprévus que ce premier trajet hors du système solaire ? Que se passerait-il si les 20 ans prévus se traduisaient par 200 ans de vie confinée ?
De ces éléments, on peut conclure que l’humanité ne peut s’aventurer raisonnablement dans les espaces immenses qui l’entourent qu’en étant rigoureusement autonome et détachée de tout calendrier, sauf en ce qui concerne l’énergie.
La stratégie longue vise cette autonomie. L’énergie que représente la propulsion à ‘faible’ vitesse (0,015 c) et l’entretien d’une grande structure assimilable à un corps micro-planétaire autonome gigatonnique sur une durée proche du millénaire est comparable à celle nécessaire à la propulsion d’un corps dix mille fois moins massif en ordre de grandeur mais propulsé à une vitesse relativiste (0,9 c), ce qui suppose dans ce dernier cas une éjection de grande masse de carburant à une vitesse très proche de c (disons 0,99 c), ce qui nous situe aux frontières de l’horizon technologique. La stratégie longue constitue matériellement la plus “classique” des solutions. Donc a priori la moins exigeante au plan technologique. S0 se base sur des avancées théoriques, plus encore que technologiques, situées hors de l’horizon, si seulement ces solutions existent. Elle ne peut être ni évaluée, ni discutée. SI se base sur une physique relativiste bien établie, mais dont la mise en pratique réclame des sources d’énergie dont on ne dispose pas, si l’on vise un objectif très lointain en une vie d’homme. Technologiquement elle nécessite l’atteinte de vitesse d’éjection à la limite de l’horizon technologique. Elle implique de toute les façon une structure de petite taille ne permettant pas une autonomie de long terme. SII est à la fois sécurisante et située dans l’horizon du possible, même si cet horizon n’est pas de ce siècle.
Stratégie longue : l’Arche
La propulsion la plus efficace située à l’intérieur de notre horizon technologique est la fusion nucléaire. Le principe est de confiner des noyaux légers à très haute température pour les faire fusionner et produire un plasma très chaud ainsi que de l’énergie électrique permettant l’éjection du plasma dans une tuyère magnétique.
Les vitesses d’éjection que ce principe de propulsion permet d’envisager atteignent 20 000 km/s. Pour être utilisable comme source d’énergie, une réaction de fusion doit satisfaire plusieurs critères. Elle doit :
- être exothermique ce qui limite les réactifs à la partie de la courbe des énergies de liaison correspondant aux noyaux légers, comportant peu de protons et fait de l’hélium-4 (plus rarement le deutérium et le tritium) le produit de réaction phare en raison de son énergie de liaison extrêmement forte,
- impliquer des noyaux comportant peu de protons du fait de la nécessité de vaincre la répulsion coulombienne afin que les noyaux puissent se rapprocher suffisamment pour fusionner,
- avoir au plus deux réactifs : à toutes les densités inférieures à celles des étoiles, la réalisation de trois collisions simultanées est par trop improbable. Il est à noter qu’en confinement inertiel, on dépasse à la fois les densités et les températures stellaires, ce qui permet de compenser la faiblesse du troisième paramètre du critère de Lawson, la très brève durée de confinement,
- avoir au moins deux produits de réactions ce qui permet la conservation simultanée de l’énergie et de l’impulsion.
- conserver à la fois les protons et les neutrons. Les sections efficaces pour l’interaction faible étant trop petites, la réaction p + p -> D, celle qui pourtant a lieu au sein de Soleil et nous dispense son flot d’énergie, est inutilisable. La demi-vie du proton (le temps que met en moyenne un proton à réagir avec un semblable pour former du deutérium, amorçant les chaines de réactions qui méneront à l’hélium-4) dans les conditions de température et de densités pourtant extrêmes du coeur de l’étoile (densité 150 g/cm3, température 13 millions de K) est de 10 milliards d’années. Ceci car la réaction nécessite une décroissance bêta, c’est à dire la conversion spontanée d’un des deux protons réactionnels en neutron (phénomène purement “faible”), et ce, au moment même de l’interaction p-p, pour se produire.
Les noyaux (ou isotopes) disponibles pour les réactions utiles sont :
(01) 1H ou p, l’hydrogène léger ou proton, le plus courant,
(02) 2H ou D, l’hydrogène lourd ou deutérium, présent en petite quantité (0,0015% dans l’eau terrestre soit 15 ppm), et à des taux peut être 10 fois plus élevés dans certains petits corps du système solaire, sous forme d’eau lourde HDO essentiellement),
(03) 3H ou T, le tritium, instable de période 12,3 ans, donc absent dans les matériaux naturels,
(04) 3He, He3, l’hélium-3 présent à l’état de trace dans le sol lunaire et dans l’atmosphère des planètes géantes,
(05) 6Li, Li6, le lithium-6,
(06) 7Li, Li7, le lithium-7,
(07) 11B, B11, le bore-11,
ces trois derniers éléments étant présent à l’état de trace (6-7 ppm estimé) dans les petits corps du systèmes solaires.
Les réactions de fusion intéressant ces isotopes sont :
n représente le neutron (en gras quand il peut surgénérer du deutérium).
1 MeV : 1 million d’électron-volt (eV). 1 eV = 1,602E-19 Joules
On y distingue deux genres de réactions :
- celles qui produisent des neutrons et du rayonnement gamma : (02), (04), (06), (07), (09). La réaction (12) produit un neutron mais doit être mise à part car endothermique. Toutefois le couplage des deux voies du Li-7 (11) + (12) reste exothermique (bilan : +2,2 MeV) et au total cette voie réactionnelle pourrait rester intéressante.
- celles qui ne produisent que des noyaux chargés : protons, deutons, particules alpha (4He) : (01), (03), (05), (08), (09), (10) (11), (13), (14), (15)
Les réactions du premier genre peuvent sembler désavantageuses en première approche car neutrons et photons gamma sont insensibles aux champs électromagnétiques et ne peuvent donc être éjectés par une tuyère : leur contribution à la propulsion est nulle alors qu’ils emportent la majeure partie de l’impulsion. En outre ils sont très agressifs et “activent” les structures métalliques. Par contre les noyaux réactifs sont relativement abondants : ces réactions impliquent le deutérium en (3). Les réactions du second genre sont idéales sur le plan propulsif mais le tritium n’existe pas à l’état naturel et hélium-3, lithium-6-7 et bore-11 sont beaucoup plus rares que le deutérium dans les petits corps du système solaire. Or les masses de carburants exigées sont considérables, près de 21 Gt (gigatonne, 1 Gt = 1 milliard de tonnes) dans l’hypothèse envisagée ci-après.
Une possibilité offerte est d’utiliser le neutron produit pour surgénérer du deutérium dans une couche fertile d’hydrogène 1H.
La réaction D-D possède deux voies équiprobables, (2) et (3). Dans la première, pn+pn produit pnn+p (un noyau de tritium et un proton), dans la seconde ppn + n (un noyau d’hélium-3 et un neutron). Le tritium produit est ensuite susceptible de réagir en (5) pnn+pnn -> ppnn + 2n (un noyau d’hélium-4 et 2 neutrons). Les deux neutrons produits par ce second étage de réaction peuvent à leur tour surgénérer du deutérium en réagissant avec la couche fertile d’hydrogène léger.
La grande difficulté technique consiste – entre autre - à ne pas “gaspiller” d’impulsion en passant du premier étage réactionnel (D-D) au second (T-T, voir He3-He3). La vitesse d’éjection constitue le paramètre clé de l’efficacité du moteur et elle est permise essentiellement par la température élevée des produits de réaction. Un proton à 20 000 km/s possède une énergie cinétique de 4 MeV environ, ce qui représente bien l’ordre de grandeur des réactions détaillées ci-dessus. La seconde réaction de fusion doit donc se produire au sein même du jet de plasma. Quelle qu’en soit la difficulté, une surgénération complète (au taux de 1:1), voire très légèrement excédentaire, représente un facteur absolument crucial pour juger de la faisabilité de l’entreprise. Les isotopes fusibles ne sont présents qu’à l’état de traces dans les petits corps. Une surgénération complète ne nécessite d’embarquer que de petites quantités initiales dès lors que chaque gramme qui fusionne surgénère un gramme dans la couche fertile. Si la surgénération n’est que partielle, il faut avant le départ distiller d’énormes masses d’hydrogène afin d’embarquer un carburant déjà fortement enrichi en deutérium ou autres noyaux fusibles. Les masses mobilisables pour fournir le carburant varient de 1 à 5000 entre les deux.
Un autre concept pouvant être intéressant considérant la surface considérable de moteur à manufacturer est celui de fusée de glace (ice rocket) :2 l’hydrogène et le deuterium congelés servent à la fois de réacteur, de tuyère de combustible et d’écran contre les produits de réaction.
Choix de la cible : des petits corps avant toutes choses
Paradoxalement, le fait de voyager dans un vaisseau-monde permet d’être beaucoup moins sélectif sur le choix de la cible stellaire et d’avoir plus de chance d’en trouver une à courte distance, à l’échelle astronomique. Il n’est pas en effet nécessaire de disposer d’une planète habitable “tête nue”, mais simplement d’un système comprenant une étoile d’un type spectral peu éloigné du type solaire (K, G ou F) et de petits corps en abondance. Bien entendu la présence d’une planète offrant une surface “praticable”, de type martien par exemple serait un plus très appréciable.
Parmi les systèmes proches, Epsilon Eridani (le système gravitant autours de l’étoile cotée epsilon dans la constellation de l’Eridan) est peut être le plus intéressant. Il a d’ailleurs fait l’objet de recherches avec le radiotélescope de Green Bank en 1960, pour y rechercher des signes de vie intelligente, avec des résultats négatifs bien entendu.
Le système est un des voisins proches du Soleil, ce qui constitue sa première condition d’élection. Il est situé à 10,5 années-lumière (3,2 parsec) seulement. Ironiquement, Eridan est le nom du fleuve dans lequel tomba Phaéton après sa désastreuse course trop près du Soleil. Souhaitons d’y tomber en nous en éloignant ! L’étoile de couleur orangée est d’un type assez proche du type solaire (0,82 masse solaire, type spectral K2 V).
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Le satellite d’observation infra rouge IRAS a détecté beaucoup de poussières autour de l’étoile, une indication possible d’un système planétaire en formation. Il est donc très probable que le système regorge de petits corps. En août 2000, une planète de la taille de Jupiter a été détectée à une distance de 3,2 UA (480 millions km) de l’étoile, sur une orbite présentant une forte excentricité (e=0,702) qui la fait rentrer à l’intérieur de l’écosphère sur un peu plus de 10% de la période orbitale, qui est assez courte (2502 j).
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Si cette planète possède des satellites géants, comme Jupiter ou Saturne, ceux-ci pourraient constituer une “villégiature semi-habitable” pour les archonautes.3
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Énergie et durée du trajet : l’équation de Tsiolkovski
L’atteinte d’Epsilon Eridani servira de cas d’école à l’évaluation de la SII. On considère une vitesse d’éjection moyenne efficace de 15 000 km/s. L’équation fondamentale de Tsiolkovski dans sa version non relativiste (v/c<<1) nous donne le ratio de la masse de départ à la masse de structure nécessaire pour l'atteinte d'une vitesse v quand la vitesse d'éjection est ve :
avec :
M0 : masse totale de départ.
M : masse “sèche” (sans carburant : structure et moteurs)
M0 = M + Mc, avec Mc la masse du carburant.
ve : vitesse d’éjection du carburant
v : vitesse atteinte en fin d’accélération
Après la phase d’accélération, on a une fraction de vol libre à vitesse constante, puis il faut décélérer pour arriver à vitesse nulle à destination. Cela implique un surcroit de carburant puisque qu’il faut accélérer dans un premier temps une masse de carburant qui ne sera consommé qu’au freinage, ce qui se traduit par la mise au carré de l’exponentiel :
La quantité de carburant détermine la vitesse finale et par là, la durée du trajet.
On note :
Da : les distances d’accélération et de freinage (cumulées)
Dl : la distance de vol libre
On définit k, le ratio masse carburant/masse totale :
On pose :
On a Ta, les durées d’accélération et de freinage (cumulées) :
Tl, la durée de vol libre :
On souhaite la durée d’accélération et de freinage la plus courte possible afin que l’essentiel du trajet se passe à la vitesse maximale. Mais par ailleurs une accélération intense implique une forte poussée ce qui implique des moteurs plus massifs et une structure renforcée pour résister à cette poussée sans se déformer.
Une technologie étant donnée, fixant la vitesse d’éjection du carburant (ve = 15 000 km/s) il reste deux paramètres libres pour le calcul de la durée du trajet (t), de l’accélération moyenne (a) et de la poussée (f) : la masse de carburant Mc et la distance d’accélération Da (on suppose que l’accélération et le freinage sont en tout point symétriques). Dans le graphique ci-dessous, on a représenté la variation des trois grandeurs de sortie (t, a, f ) en fonction des deux valeurs d’entrée (Mc et Da).
Nous ne pouvons pas encore réaliser de choix raisonné des valeurs d’entrées. On sait simplement que dans la mesure du possible il faut maximiser Mc et minimiser Da. Mc est constitué de substance fusible, un matériau rare (sans doute du deutérium pour l’essentiel). De tous les paramètres qui conditionnent la faisabilité matérielle d’une arche “gigatonnique”, la masse de carburant à extraire des petits corps est sans doute celui qui pose les problèmes les plus aigus. L’illustration ci-dessous représente une solution alternative, la voile photonique, permettant d’alléger la structure.4Propulsée par un laser posté de très grande puissance, par exemple depuis la Lune, l’Arche n’embarque que le carburant de freinage. Même avec l’immense surface représentée, l’insolation de la voile atteint plus de 1000 fois la constante solaire en orbite terrestre (1400 W/m²) : la surface doit être parfaitement réflechissante pour ne pas être évaporée par la puissance reçue. Et l’Arche dépend alors d’une source externe qu’elle ne contrôle pas.
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Pour la suite du propos, on retiendra la solution d’une accélération intégralement autonome et on prendra à simple titre illustratif le ratio M0/M nécessaire pour l’atteinte de 1,5% de c, soit 4500 km/s ce qui nécessite une masse totale de départ de 46 Gt (25 de structure + 21 de carburant). Pour une distance d’accélération + freinage cumulée de 0,5 al, on obtient un temps d’accélération de 67 ans (34 ans pour l’accélération et autant pour le freinage), une durée de vol libre de 667 ans, soit une durée totale de trajet de 734 ans, pour parcourir les 10,5 al nous séparant de Epsilon Eridani.
La structure de l’Arche, sa philosophie dans les grandes lignes
La stratégie longue se base sur l’édification d’une structure, l’Arche, au sein de laquelle une petite population, la Nation spatiale, pourrait vivre une existence indépendante. Cette structure doit permettre une vie à la fois totalement libre (vis-à-vis de la Terre), considèrant le plan de la nation entière et suffisament diversifiée sur tous les plans d’interaction sous lesquels nous envisageons l’existence, notion qui intéresse cette fois l’individu.
Lorsque l’on veut se représenter physiquement à quoi pourrait ressembler l’Arche trois contraintes préliminaires s’avèrent assez fortes pour en définir l’architecture générale.
a) La gravité artificielle
L’Arche doit permettre une vie normale, selon les standards terrestres et la première exigence concerne la gravité. L’accélération de la pesanteur résulte de la masse énorme de la Terre (5,97E24 kg) et il est évidemment hors de question de la recréer de cette manière. La seule solution alternative est d’accélérer circulairement une surface cylindrique à l’intérieur de laquelle prennent place les habitants. L’accélération ainsi crée g se calcule comme :
avec :
g l’accélération de la pesanteur en m.s-2
la vitesse angulaire de rotation en rad.-1
R le rayon du cylindre en m
L’accélération g est fixée égale à celle terrestre, soit 9,81 m/s². Le rayon de l’Arche, discuté ci-après, fait 5 km. Soit :
= 0,044 rad.-1, soit une période de révolution de 2 min 22 s.
La structure étant de dimension kilométrique, les masses en jeu, tant au plan de la masse sèche que du carburant nécessaire à sa propulsion seront considérables. Soumettre une masse à l’accélération de la pesanteur génère une force, ce qui nécessite de la renforcer afin qu’elle résiste à son propre poids. Concernant la structure habitable, il n’y a pas le choix, mais concernant le carburant et toute la partie moteur on a tout intérêt à ne pas les faire tourner avec la structure afin qu’ils restent en apesanteur. L’axe du cylindre offre naturellement un espace en apesanteur : l’accélération dépend linéairement de la distance au centre. Pour R=0, g=0. Toute la partie moteur devrait donc prendre place au centre, ou Moyeu du cylindre de l’Arche.
b) La surface de poussée
Toutefois, un calcul préliminaire de la surface de moteurs nécessaire, chaque moteur individuellement n’étant capable de fournir qu’une poussée finie et conçue petite, montre qu’elle doit être bien supérieure à la section d’un cylindre de 5 km. Au cylindre de l’Arche il faut donc coupler une très vaste surface propulsive qui ne doit pas être entrainée en rotation afin d’éviter un surpoids de structure, tout en transmettant sa poussée à l’ensemble.
Une première solution serait de placer cette corolle sous forme d’un vaste anneau à l’avant et de la relier par des câbles au moyeu du cylindre. Dans cette version approximative, l’Arche serait tractée comme la princesse Élisa par ses onzes frères transformés en cygnes dans le conte des “Cygnes Sauvages” d’Andersen.
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Mais si les onzes frères avaient toutes les douceurs pour leur jeune soeur, il émane de la corolle un plasma soufflant à une dizaine de milliers de km/s ainsi qu’un flot abondant de photons gamma, toutes choses très agressives et qui seraient fort dommageables à une structure située sous le flux.
La corolle sera donc placée en poupe. On doit se figurer fondamentalement l’Arche comme formée d’un disque immobile, la corolle, relié à un cylindre tournant, la structure habitable, situé devant.
La difficulté architecturale est de transmettre la poussée du disque au cylindre sans que ce couplage n’entraine le disque en rotation. Sans également faire ‘danser’ le cylindre, ce qui se produit par effet gyroscopique si l’axe de poussée ne ne se confond pas strictement avec l’axe de révolution. Le couplage des deux éléments ne peut se faire que par un point, et ce point doit être situé au centre géométrique exact de l’Arche. L’application de la poussée en un point unique de surface réduite, la palier central (diamètre ~ 25 m), permet de limiter au minimum les frottements qui transmettraient insidieusement le mouvement de rotation du cylindre à la corolle.
S’ajoute à cela que le disque n’est pas formé d’élements très rigides. Il s’agit, pour l’essentiel, de masses de glaces d’hydrogène peu cohésives. Une telle surface ne peut travailler en cisaillement. Ce serait le cas si la corolle devait pousser directement le cylindre par son centre. Une structure doublant la corolle, assez rigide pour recueillir la poussée sur toute la surface et travailler directement en cisaillement devrait être extrêmement massive. La règle générale dans les structures de très longue portée c’est qu’un élément travaillant en compression (comme les murs d’une maison) est bien plus massif qu’un élément travaillant en traction (un cable), à contrainte égale. Et ceci d’autant plus que la portée augmente. C’est pourquoi il est difficile de construire des tours très hautes sur Terre. Ici, il n’y a donc d’autres choix que de faire travailler la corolle en traction, selon des points d’attaches régulièrement disposés le long de son périmètre et de ses rayons en la haubanant à une poutre qui transmettra la poussée au centre de l’Arche, via un palier. Cette poutre devient le seul élément à travailler en compression.
À mi-trajet, on se souvient qu’il faut inverser la poussée afin d’arriver à vitesse nulle à destination. Retourner une structure de cette taille est d’autant moins aisé que son moment d’inertie second (perpendiculaire à l’axe de rotation) est grand, ce qui est le cas. Il est plus simple de disposer d’une corolle symétrique à la première sur l’avant, le jet de freinage étant alors dirigé le moment venu vers la cible. L’épais matelas de glace d’hydrogène qui s’étalle alors à la poupe permet sans dépense additionnelle de prémunir l’Arche des collisions avec de petits corps interstellaires, perspective très improbable mais aux conséquences devastatrices à 4500 km/s.
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c) La masse de la structure
La masse sèche de l’Arche discutée dans le présent article représente quelques 25 Gt (gigatonnes) ou 2,5E13 kg. Il y aurait lieu bien entendu de discuter de ce qui fonde cette estimation et des paramètres qui peuvent intervenir pour la reconsidérer. Mais en tout état de cause, on pressent que pour une structure kilométrique sous tension il doive s’agir d’une masse “gigatonnique”. Faire décoller une telle structure de la Terre est fantaisiste : le puits gravitationnel est trop profond et le corps devrait être déraisonnablement renforcé pour résister à la poussée du départ. La construction devra donc se faire entièrement dans l’espace. Mais même l’apport des matériaux nécessaires à son édification est, sauf pour une part congrue, irréaliste venant de Terre, pour des raisons énergétiques. L’extraction se fera préférentiellement sur les petits corps du système solaire (astéroïdes et comètes), dont le puits de gravité est minuscule puis acheminé en orbite terrestre. La structure de l’Arche est bien plus grande et massive que n’importe quel artefact humain jamais envisagé, et c’est aussi celui qui devrait rester intègre sur la plus longue durée, avec une exigence absolue de résistance et d’étanchéité. Satisfaire un seul de ces deux impératifs nécessiterait une réflexion neuve. C’est a fortiori le cas lorsque les deux sont réunis. À quelques exceptions près, dont la structure des premiers aéronefs en bois et textiles, toutes les constructions aéronautiques sont métalliques. Il existe dans le système solaire une abondance assez grande de petits corps métalliques, les astéroïdes de type S qui représentent 17% des astéroïdes répertoriés : même si l’on se concentre sur les seuls éléments métalliques légers (Al, Mg, Ti…) l’abondance n’est pas un problème. Mais concevoir une telle structure entièrement faite de métaux par des moyens conventionnels est difficilement envisageable pour plusieurs raisons. Les métaux se présentent à l’état natif sous forme d’oxydes (état lié avec l’oxygène : XnOm) et leur réduction (pour les obtenir sous forme d’éléments purs) nécessite l’atteinte de hautes températures ou d’ampérages intenses ce qui réclame la production en masse d’énergie électrique. Leur mise en forme et leur assemblage sont eux-même coûteux en énergie et réclament beaucoup de soin. Ce sont des corps denses et qui offrent un ratio résistance en tension sur masse spécifique assez modeste. Ils sont soumis à un phénomène de “fatigue” (formation de dislocations dans le réseau cristallin) qui les rigidifient et aboutissent à la formation de fissures. Ils sont oxydables de diverses manières, alors même que l’intérieur de l’Arche est érosif (cycle atmosphérique saisonnier, air humide, couche océanique…).
Considérant par constraste que les éléments chimiques qui composent majoritairement les petits corps du système solaire sont plus légers que les métaux et que l’on recherche une structure légère, considérant par ailleurs que même si nous n’en sommes pas les auteurs, nous disposons grâce à l’Évolution des végétaux d’un immense savoir-faire naturel dans l’édification de structures fibreuses résistantes et auto-entretenues sur la base de ces atomes légers, tirant partie d’une énergie solaire dont on dispose en abondance, on en vient à imaginer que la structure de l’Arche puisse s’édifier par croissance naturelle plutôt que par construction, avec des parois de fibres végétales. Les éléments constitutifs en sont, on l’a dit, plus légers et plus abondants (CHON), elles offrent un excellent ratio résistance/poids et sont de conception très sécurisante (elles “préviennent” avant de céder). Surtout : elles se régénèrent, ce dont aucune structure classique n’est capable. Il peut sembler assez iconoclaste de faire pousser un ‘végétal’ dans le vide spatial. Pourtant, la seule chose à faire est d’isoler les cellules vivantes de ce vide, et là encore le fonctionnement biologique peut s’en charger avec production d’un épiderme cohésif de cellules mortes dans une matrice caoutchouteuse, sur quelques décimètres. L’autre avantage concerne la construction même : l’ingénierie se résume à nourrir une structure vivante en éléments simples prélevés sur les petits corps : H2O, CO2, azote, phosphore… La structure grandit sur une orbite intérieure en utilisant l’énergie solaire, depuis un stade embryonnaire jusqu’à sa dimension adulte kilométrique en deux ou trois siècles. Durant ce laps de temps, elle est habitable par ses hôtes bâtisseurs. Sur le trajet interstellaire, il faut ensuite assurer de l’énergie d’entretien sous forme lumineuse.
La biosphère de l’Arche est formée d’une pellicule océanique, d’une profondeur d’environ 25 m, sur laquelle flottent des caissons jointifs (ou ballast) supportant une mince couche de sol.
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Une vie entière dans l’Arche ?
Peut-on sérieusement envisager une existence normale, accomplie sur tous les plans, au sein d’une structure artificielle éloignée de la Terre ? Le peut-on pour soi-même et peut-on imaginer sans frémir y voir se succéder la lignée dont nous serions l’ancêtre ? Cette perspective constitue sans doute le frein psychologique le plus immédiat, mais pas forcément le plus profond, que tout terrien normalement constitué opposera de prime abord à l’idée d’une vie dans l’Arche.
Pour aborder ce point central, nous userons d’une notion que l’on pourrait appeller l’horizon individuel qui se paramètre par son rayon défini comme la profondeur d’action de l’individu, sur le plan considéré que l’on pense essentiel à une existence méritant d’être vécue. Sur tous ces plans, on recherche le rayon minimum pour lequel ces exigences sont satisfaites, si ce n’est pleinement au moins en les combinant quand c’est possible.
Horizon d’espace visuel : Dimension dans laquelle s’exprime le rayon : l’étendue du paysage où porte le regard. Il s’agit de la première aperception sensible de l’espace offert, et il dimensionne à lui tout seul le projet. Sur Terre, quel est le rayon de notre horizon visuel ? De 1 à 10 km environ, en fonction du relief. Ceci fixe les dimensions typiques de l’Arche. Concrètement le regard porte suffisamment loin pour ne pas donner l’impression de se sentir à l’étroit où que l’on se trouve. Au sol, une épaisseur de 1 à 10 m de terre végétale et de roches-mères suffisent.
Horizon de circulation physique : Dimension du rayon : la surface ou le volume explorables par l’individu. Sur Terre le regard ne porte qu’à 1 à 10 km, mais nous disposons d’un espace qui va bien au delà pour nous déplacer. Le rayon de notre horizon de circulation physique atteint des milliers, voire des millions de km². Sur ce plan, il parait franchement impossible d’envisager reproduire ce que nous offre potentiellement la Terre entière. Toutefois ce que la Terre nous offre est un potentiel que bien peu de gens exploitent dans les faits au cours d’une seule existence. Pour une majorité d’humains, considérée dans l’espace-temps de l’historicité humaines, leur existence toute entière s’est déroulée dans un espace de quelques centaines de km².
On peut ajouter à ceci que le rayon de cet horizon se trouve sensiblement augmenté si le milieu offre une grande diversité. Mille km² de désert ne nous offrent pas le même rayon d’action, sur ce plan-là, que cent km² dans lesquels on trouverait une ville, une forêt, des champs, un cours d’eau et tout autre élément de diversité paysagère. On se propose de maximiser sur ce plan la diversité offerte par les milieux naturels de l’Arche en reproduisant l’essentiel des grands écosystèmes terrestres.
En outre, une structure artificielle comme l’Arche offre par sa conception même un développement sur plusieurs niveaux, en allant du centre vers la périphérie, tandis que la surface terrestre se présente comme purement bidimensionnelle, sans épaisseur explorable (exception faite des fonds marins et des cavités).Ces différents niveaux offrent une diversité de milieux totalement inédite sur Terre : espace de micro-pesanteur, balade dans l’espace sur la poutre centrale ou dans les volume percé de galeries des glaces d’hydrogène du carburant, fonds océaniques ainsi que d’autres surfaces ou volumes qui apparaitrons quand nous détaillerons la structure. Tous les milieux de l’Arche, en surface comme en volume, peuvent être conçus pour être accessibles à la simple promenade. Certains seront très diversifiés d’autres plutôt monotones. Ensemble, ils offrent un très grand rayon à l’horizon de circulation physique. Le rayon maximal de l’horizon d’espace visuel étant fixé à 10 km, on peut pour commencer envisager le module d’habitation sur cette base là. Il se présenterait comme une surface cylindrique de longueur L=10 km sur 10 km de diamètre (soit un rayon R=5 km). L’aire habitable A0 offerte est de :
A0 = 2πRL
Soit A0 = 314 km², qui représente le rayon primaire de l’horizon de circulation physique, quelque chose comme le ‘plancher des vaches’, offrant des conditions d’existence en tous points comparables aux standards terrestres. Il est difficile de quantifier rigoureusement ce que représentent les espaces développés sur la base de ce rayon primaire puisqu’ils s’y mèlent à la fois des surfaces et des volumes. Sans prétendre donner autre chose qu’un estimateur intuitif, on peut toutefois assurer que ce rayon sera décuplé. En ordre de grandeur, une Arche dont le rayon d’horizon d’espace visuel est fixé à 10 km offre un espace de circulation comparable à un département français de taille moyenne, espace historiquement dimensionné comme celui pouvant être parcouru à cheval dans l’espace d’une journée.
Bien sûr, même si on ne se sent pas exactement à l’étroit à l’intérieur d’un tel rayon de circulation physique, cela peut paraitre exigue dès lors que l’on se reporte par l’imagination – et comment ne pas le faire - aux immensités terrestres. Mais on confond alors deux plans. L’espace terrestre, redisons-le, ne nous est offert que potentiellement. Seule une infime minorité d’entre-nous le parcourt d’un pôle à l’autre ou sur tous ses fuseaux horaires. Et les grands voyageurs mêmes, n’explorent jamais, au fond, que la longueur de leur pas. Quand nous passons d’Europe en Chine, ce que nous explorons le mieux c’est le siège passager de l’avion qui nous y mène. Il serait spécieux d’affirmer que l’on a “traversé l’Afghanistan” parce qu’on l’a survolé à 10 000 mètres d’altitude. Et quand on a visité la Chine, le rayon réel de circulation physique qui fut le nôtre n’a nullement été assimilable à la taille de cette nation. Il s’est résumé aux quelques places visitées, aux quelques curiosités naturelles, à une ville ou deux et, au sein même de ces villes, à quelques lieux remarquables… remarquables… et à la chambre d’hôtel, sans doute le lieu le mieux exploré de tout le périple, ceci dit sans ironie aucune. L’espace réel de circulation n’est pas indexé à l’immensité terrestre mais au temps dont nous disposons. C’est là le véritable critère. Le fait de disposer potentiellement d’un monde immense qui nous tend les bras n’est pas du tout négligeable. Mais il s’agit d’un aspect moral qui doit être envisagé à part. Il peut nous sembler important de disposer d’un vaste monde où porter nos pas mais si l’on intègre sur notre vie entière les espaces au sein desquels on aura pu effectivement constater notre présence, il est probable qu’ils ne dépasseront pas le rayon de circulation physique envisagé pour l’Arche.
Horizon d’interaction sociale : Dimension du rayon : effectif et diversité de la population des archonautes. Le terme d’archonautes désigne les habitants de l’Arche. Pour atteindre le seuil de diversité minimal, il faut autrement dit que l’on puisse toute sa vie rencontrer des gens que l’on n’a jamais croisés auparavant. C’est aussi ce qu’on pourrait appeler le seuil d’anonymat : en se promenant dans la foule, on rencontre des inconnus en proportion au moins aussi grande que des connaissances. Cela correspond à ce qui se réalise dans une petite ville, soit une population comprise entre 10 000 et 100 000 habitants, avec une valeur moyenne fixée pour la commodité de l’exposé à 50 000 habitants.
Par rapport à la souche terrestre, l’Arche convoie une diversité humaine maximisée. Toutefois, il faut sans doute imaginer un peuplement qui se fasse essentiellement par croît naturel. Le peuplement initial, effectuant le trajet Terre-Arche pourrait ne comprendre que 2000 foyers (disons 5000 personnes) formés d’adultes (et de leur progénitures) compétants dans les domaines utiles à la construction puis a l’entretien de la structure et de la propulsion. Soit pour les lignées se succédant dans l’Arche une ascendance uniformément “méritocratique” c’est à dire formée de volontaires sélectionnés pour leur ultilité sociale dans le cadre du projet. Le temps d’acclimatation et d’équilibration démographique, comprenant la possibilité d’aller-retour vers la Terre sera sans doute supérieur au siècle.
Horizon d’activités sociales : Dimension du rayon : diversité et intensité des activités constituant la raison d’agir au plan collectif des individus. Une Arche menant un rameau d’humanité vers un système stellaire voisin, sur des durées séculaires, se structure autours de deux grandes fonctions : assurer la propulsion de l’engin et entretenir la vie à l’intérieur.
Propulsion : elle est constituée de deux phases symétriques, l’accélération et le freinage. Entre les deux, l’Arche est en vol libre, à vitesse maximale. Comme on souhaite effectuer le maximum du trajet à ce maximum de vitesse, afin de le raccourcir, on cherchera à réduire autant qu’il est possible la durée des phases d’accélération et de freinage et le vol libre devra en représenter la majeur partie. Aussi la fonction strictement propulsive ne devrait intéresser que les courts segments de quelques décennies suivant le départ et précédant l’arrivée. Toutefois, les compétences concernées par la fonction propulsive conservent une prérogative essentielle en phase de vol libre : fournir l’énergie nécessaire à l’entretien de la vie dans l’Arche, c’est à dire pour l’essentielle, l’énergie solaire (lorsque le terme ne portera pas à confusion, nous conserverons ce terme d’énergie solaire pour désigner l’énergie lumineuse) dispensée au sein de la structure et permettant la vie des écosystèmes ainsi que l’entretien de la “machine thermodynamique” régulant les climats de l’Arche. L’énergie utilisée par les activités anthropiques proprement dites (industrie, transport, activité domestique…) y est incluse, représentant un sous-total réellement négligeable. Physiquement, cette fonction s’accomplit au centre de l’Arche, dans ce que l’on désignera comme le Moyeu, dans une zone en micropesanteur ainsi que sur le poutre et au sein de la corolle, en pesanteur nulle (ou presque, la masse de l’ensemble créant une gravité naturelle de l’ordre d’un millionième de g). On inclut dans l’activité du Moyeu toutes les activités industrielles qu’il peut être intéressant de pratiquer en pesanteur faible.
Vie : il s’agit à la fois de l’écoystème intérieur de l’Arche (le contenu) et de ses parois (le contenant). L’Arche constitue un système clôt à cycle court par rapport à ce que nous connaissons sur Terre. Etant donné le rapport de causes à effets immédiat existant entre le fonctionnement global de l’Arche et l’existence de ses habitants on peut prédire que ceux-ci y acquerront des compétences particulièrement affûtées. L’Arche étant globalement, totalement, un être vivant, elle représente une source d’interaction constante pour ses habitants, qu’il s’agisse d’en prendre soin ou d’être ’soignés’ par elle. La nature du lien ‘propulsion-vie’ représente quelque-chose de philosophiquement stimulant, par la forme de mise en abyme de l’action qu’elle instaure. L’Arche abrite l’homme, l’homme injecte l’énergie permettant à l’Arche de vivre. Cela ressemble à l’endosymbiose qui réunit les cellules eucaryotes et les mitochondries. Il s’agit d’un rapport de total dépendance mutuelle sous une forme conscientisée chez l’une des deux parties (là est l’assymétrie qui instaure une responsabilité totale) qui scelle une unité de destin d’autant plus intensément ressentie qu’un être vivant se trouve totalement maître et totalement esclave d’un autre. Dialectique intéressante. Sur le plan de l’édification morale individuelle qui fonde les systèmes politiques, le faible effectif de la population constitue un atout pour développer une démocratie “à l’athénienne” sans corps représentatif au niveau politique, ce qui démultiplie la richesse d’interaction sociale de l’individu, dans la mesure où il exerce un pouvoir direct et non médié.
Horizon génésique : Dimension du rayon : la capacité d’engendrer. Une question très délicate de prime abord serait le contrôle démographique. L’Arche étant un monde clôt et largement optimisé, il n’est pas question de laisser le simple croît naturel gouverner la démographie. Il ne faut pas non plus s’exagérér l’intensité de la contrainte, la population pouvant sans aucun doute varier du simple au triple sans dommage conséquent. Toutefois, la question serait obligatoirement posée pour une durée si longue et il faut résoudre théoriquement l’équilibre que l’on souhaite instaurer entre la liberté individuelle et l’intérêt collectif. Dans un cadre démocratique on peut imaginer le pacte social suivant. Le premier enfant constituerait un droit indiscutable, que chaque femme pourrait concrétiser quand elle le voudrait, avec simplement le devoir de le déclarer pour permettre la planification démographique. L’extension de la famille à deux enfants ou plus serait ensuite soumis au tirage au sort en fonction de l’impératif d’équilibre formulé par les projections démographiques et des voeux à court et long terme formulés par chacune. Concrètement chaque année les femmes seraient amenées à déclarer leur “projet d’enfant”, un pour l’année (je désire ou pas un enfant pour cette année) et un pour l’ensemble de leur période féconde (en tout, j’aimerais 2, 3, 4… enfants). Ce serait une simple déclaration, révisable sans préavis et non contraignante. On en tirerait une projection démographique d’où résulterait un avis en retour, sous la forme d’un tirage au sort. Chaque cohorte de femmes (une cohorte est constituée d’individus du même âge) aurait droit à son tirage au sort. Les noms que l’on mettrait dans le chapeau dépendraient du souhait exprimé pour l’année (si une femme désir un enfant pour cette année-là, on y met son nom, sinon non) et chaque nom serait pondéré à proportion du projet parental déjà réalisé (une femme désirant 3 enfants et n’en n’ayant aucun aurait plus de droit qu’une femme désirant 4 enfants et en ayant déjà 3). La question qui reste ensuite en suspend, soumise à l’appréciation politique des archonautes, est de déterminer la contrainte applicable (ou pas) si une femme tombe enceinte alors que le tirage au sort ne lui avait accordé aucun enfant. Si les souhaits non réalisés dans la cohorte équilibrent ceci, tout va bien. La question prend un tour plus sensible dans le cas où l’indiscipline globale d’une cohorte grèveraient le droit procréateur des plus jeunes. Au pire on peut imaginer une sanction pénale, mais il est prévisible que, comme toute contrainte sociale qui a pour origine une nécessité bien compréhensible, l’éducation suffirait à ce que les choses se passent dans l’ordre, ou presque.
Horizon spirituel : Dimension du rayon : intensité et diversité de la vie spirituelle, entendue comme l’ensemble des activités mobilisant la cognition. Une façon de mesurer le rayon de cet horizon est d’évaluer la profondeur et la richesse du matériau a disposition de l’esprit pour réflechir sur le Réel et sur lui-même.
Par rapport à ce que peut livrer le Passé, l’Arche embarque l’ensemble de la mémoire terrestre ce qui devrait représenter quelques 1E20 octets, en ordre de grandeur, soit l’ensemble de ce qui est actuellement inscrit sur les supports papiers, magnétiques ou optiques, avec ou sans répétition, partout et dans toutes les langues. L’Arche aura également accès à un “Présent différé” grâce au lien radioélectrique avec la Terre, d’autant plus différé que l’Arche s’éloigne. On imagine un lien laser, afin de réduire la dispersion et dans le domaine infra-rouge, le moins bruité par l’émission de plasma de l’Arche. Pour une puissance d’émission laser de 1 MW à lambda = 1 micron, les débits échangés sont de l’ordre de 10 Mo/s à 1 al et de 100 ko/s à 10 al, soit l’équivallent d’un débit internet moyen.
Par rapport au Présent, l’horizon spirituel s’identifie à l’horizon d’activité sociale précédemment discuté. Les archonautes vivent une situation moralement neuve, dans le vécu comme dans les buts à long terme. Ils devraient développer une mentalité originale. La nécessité de s’entendre venant en premier plan. Le mot trajet renvoie à “transitoire”. Mais ce transitoire est une vie et une civilisation en soi ce qui fait que le but stellaire deviendra presque accessoire. La majorité des individus peuplant ce voyage appartiendra à une génération “non partante, non arrivante”. Pour cette majorité le terminus du voyage ne constituera qu’un futur lointain. Certes, en arrière fond, l’atteinte de l’objectif structurera la communauté, mais l’enjeu qui fait le bonheur de la vie de tous les jours restera comme c’est prévisible chez l’Homme, le présent.
Par rapport au Futur, l’objectif colonial va nécessiter une reflexion approfondie de ce qui devra se faire une fois arrivé à destination.
Soit la ou les planètes objectifs présentent des conditions d’existence permettant leur peuplement tête nu, soit elles nécessitent une terraformation. A la première occurence est associé une probabilité faible, comme on l’a précédemment exposé. Il faut donc plutôt imaginer une vie faite d’aller-retour orbitaux entre l’Arche qui forme un camp de base confortable et la vie de surface en conditions protégées. Une terraformation représente une oeuvre de longue haleine, dont l’échéance dépasse l’existence individuelle et les archonautes revivraient ce qu’on vécu leurs ancêtres qui ont bâtis l’Arche, à cette seule différence que pour les ancêtres la base était une planète et leur horizon futur l’Arche, tandis que pour les arrivants, la base sera l’Arche et l’horizon future, la planète qui devient progressivement habitable
À l’ampleur multiséculaire de la tâche, vient s’ajouter un réel problème éthique, qui se pose dans tout les cas où la planète objectif n’est pas dépourvue de vie : que faire de la vie autochtone ?
Bien entendu, on n’imagine pas coloniser une planètre peuplée d’êtres moralement équivalents à l’être humain. Mais si la planète est mûre pour recevoir une forme de vie basée sur la chimie du carbone, alors il est possible, a des degrés divers, que celle-ci ait déjà développé à sa surface ou en sub-surface une vie originale sans continuité avec les formes de vies terrestres que renferment l’Arche. L’idée de stériliser une biosphère apparait pour le moins monstrueuse. Dans cette hypothèse, il faut imaginer l’existence au sein d’un écosystème mixte.
En guise de conclusion
Le temps de trajet, plus de sept siècles dans l’hypothèse envisagée, constitue sans doute la caractéristique la plus frappante d’un trajet interstellaire conduit par des moyens classiques. L’objection la plus immédiate qui vient à l’esprit est qu’il serait peut-être plus sage d’attendre que la Physique fasse des progrès suffisants pour autoriser un trajet interstellaire dans des durées “décentes”. Et d’un certain côté l’histoire de la Physique semble nous y inciter. Peu de domaines de l’esprit ont en effet progressés a un rythme plus soutenu que ne l’a fait la Physique ces quatres derniers siècles.Mais d’un autre côté, ce sont précisément les progrès accomplis, cristallisés en un solide édifice qui nous font bien voir, et sans ambages, que la traversée des espaces immenses se paye cher, soit en temps, soit en énergie. Peut-être la Physique est elle assez mûre pour qu’il faille dès aujourd’hui la prendre au sérieux ? Abolir le temps en dépensant d’immenses quantités d’énergie ne coûte rien à l’imagination, mais rien n’y fait : l’énergie est un bien rare. Ne serait il pas temps de se décharger des rêves stériles pour envisager des rêves féconds ? C’est sur ce pari qu’a été mené cette réflexion. L’énergie est pour l’humanité un bien exogène qu’il faut arracher à l’Univers, une conquête. Avec l’énergie, comme le dit la fable “point de franche lipée, tout à la pointe de l’épée”. L’humanité par contre dispose de son temps. Elle se sécrète d’elle-même par le renouvellement des générations. Elle n’a besoin, pour durer sans effort, de rien d’autre que d’un environnement reconstitué et d’une énergie modeste pour l’entretenir. Et pourtant, même en stratégie longue, il en faut une quantité folle. 99% du carburant se disperse dans le Grand Extérieur et propulse l’Arche, 1% seulement alimente le soleil qui brille sur ce monde.
A l’échelle de ce XXIe siècle débutant, l’Arche représente un projet à la frontière du fantasmagorique. Tout y parait démesuré, que ce soit la quantité de carburant ou les dimensions de la structure. Mais fixer la hauteur réelle qu’il nous faut franchir, disposer des masses, des longueurs et des énergies, se figurer l’état d’avancement technologique qui devrait être celui des partants, dessiner les grandes lignes d’une société à venir, tout ceci, même si le futur ne devait rien en retenir, peut aider un futur à naître.
- Pour plus de détails voir https://math.ucr.edu/home/baez/physics/Relativity/SR/rocket.html [↩]
- J. Post, “Hydrogen ice spacecraft“, AIAA, Space Programs and Technologies Conference, Huntsville, AL; (1990) [↩]
- Une simulation du système est visible ici : https://media4.obspm.fr/exoplanetes/base/systeme.php?etoile=Epsilon+Eridani [↩]
- G. A. Landis, “Small Laser-propelled Interstellar Probe“, Presented at the 46th International Astronautical Congress, Oslo, Norway (1995) [↩]
16 février 2007, 12:38 am
Une approche pour élargir l’horizon de circulation physique pourrait être celle de faire appel à des realités virtuelles immersives, qui devraient être à la portée technologique de ce projet, aussi bien pour embarquer une reconstruction détaillée de la majeure partie de la surface terrestre, que pour servir de terrain d’exploration de mondes afin de préparer la future colonisation.
Cela suggère que la capacité de calcul des archonautes pourrait se réveler aussi importante que leur capacité de propulsion, dans un tel voyage vers de nouveaux possibles.
16 février 2007, 1:13 pm
C’est vrai, la réalité virtuelle va sans doute faire d’immenses progrès. On peut également mentionner la capacité d’observation. Sur la corole avant, le “bouclier”, on peut disposer une douzaine de grand télescopes aux extrémités (1 par “pétale”). On est en apesanteur, dans le vide, dans l’obscurité parfaite et accolé contre une structure . L’idéal.
Le miroir peut rester très fin, et pas besoin d’optique adaptative. On peut donc concevoir des miroirs immenses, de plusieurs centaines de mètres de diamètre et qui peuvent fonctionner en interférométrie.
Ça devrait être un fantastique observatoire !
a+
18 février 2007, 10:45 pm
Superbe dossier.
Le Gilgamesh qui le présente est-il le même que celui qui avait rédifé dans fr.sci.physique l’article sur la voile solaire repris depuis dans la Wikipédia francophone ?
18 février 2007, 10:58 pm
Salut Paganel,
Sur fr.sci.physique (ou .philo ?), fda m’avait fait cette remarque, que le post sur la voile solaire avait été partiellement repris dans Wiki.
C’est toi fda ? Je sais que c’est abrupte comme question, mais voila euh… je voudrais savoir. Ca n’a de toute façon rien d’inquisiteur dans le mauvais sens du terme.
En tout cas, oui, je suis bien le même Gilgamesh
a+
19 février 2007, 8:46 am
[…] L’auteur de l’article utilise des théories mathématiques et physiques pour estimer les besoins de chacune des trois options, et c’est ma foi assez marrant à lire. Si vous avez une théière pleine, n’hésitez pas, c’est par là. […]
19 février 2007, 9:45 am
Une voile solaire n’a pas besoin d’embarquer le carburant de freinage, comme le décrit Robert Forward dans “Le vol de la libellule”: quand le vaisseau spatial doit décélérer, une petite voile et le vaisseau se séparent de la grande voile. La grande voile concentre la lumière sur la petite voile, ce qui la freine. Je recommende “Le vol de la libellule”. Son voyage de 40 ans est plus convaincant que celui de 734 ans décrit ici (bien que j’apprécie cet article pour son aspect visionnaire).
Il est probable que des machines, plus intelligentes que les humains, feront le premier voyage vers une autre étoile. Nous sommes actuellement incapables de construire un vaisseau capable de voyage interstellaire, mais des machines plus intelligentes que nous pourront le faire.
19 février 2007, 3:47 pm
Salut, il y a une version “à voile” de l’Arche… Mais on peut difficilement comparer la philosophie du Prometheus et celle de l’Arche. Le vaisseau de R. Forward fait 20 x 67 m, et bien moins pour le quartier d’équipage.
Une représentation ici
Je ne vois tout simplement pas comment réaliser un voyage sans retour dans un si petit volume habitable.
a+
19 février 2007, 8:41 pm
Excellent article, très divertissant
20 février 2007, 10:01 am
Merci Acthpa
20 février 2007, 7:41 pm
Salut Gilgamesh !
Beaucoup plus convaincant et crédible que l’argumentaire pseudo scientifique du dernier Roman de Bernard Werber “le papillon des étoiles” que j’ai lu récemment !
A suivre avec intérêt….
21 février 2007, 8:02 am
Excellent travail Gilgamesh!
tu vas nettement plus loin que mon “Journal de bord d’un voyage relativiste” qui décrit un voyage à 10 AL sous accélération constante de 1 G. Ton calcul de l’énergie nécessaire confirme ce que je pensais : un vaisseau relativiste doit ressembler à un moteur poussant un astéroïde, et capable de convertir cette masse en énergie… J’avais pensé à une sorte de réacteur à “antimatière catalysée” : on démarre une réaction avec quelques kilos d’antimatière produits sur terre et on reconvertit la moitié de l’énergie produite en antimatière pour désintégrer ainsi progressivement tout l’astéroïde. J’ai beau habiter à 1km du CERN, je n’ai aucune idée de comment faire ça…
Egalement, ta démonstration de la rareté des ressources et des cibles intéressantes rejoint mon “Principe de Saturation Cubique” qui montre que la colonisation spatiale ne permettra pas la poursuite d’une croissance exponentielle, et que si nous faisons des rencontres, elles seront mauvaises…
21 février 2007, 10:04 am
Salut Laurent
j’ai feuilleté le dernier Werber et effectivement je tique sur pas mal de point : le vaisseau, conçu par un unique ingénieur, financé par un seul investisseur, est construit au sol (!), en quelques années ; dans les schéma du vaisseau que j’ai vu en ligne, les “ailes” du papillons ne permettent pas de transmettre la poussée au corps de l’engin, la rotation de l’habitacle doit être entretenu (comme celle d’un tambour de machine à laver) par un moteur électrique à énergie solaire… Au départ je trouvais bien qu’un auteur grand public aborde ce thème, mais je m’aperçois qu’il n’est sans doute par mieux renseigné que bien de ses lecteurs.
a+
21 février 2007, 8:31 pm
Bonjour Docteur
Non ça ne peut pas marcher comme ça. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’antimatière n’est PAS une source d’énergie, seulement un moyen de la stocker sous une forme particulièrement légère, ce qui dans le cadre de la propulsion spatiale est intéressant (on recherche en effet la meilleure densité possible energie/masse).
Ce n’est pas une source d’énergie car il n’existe nulle part de “mines d’antimatière”, il faut utiliser une source d’énergie pour la produire. Pour produire de l’am, par exemple lors d’un choc entre particules, il faut aussi produire, en quantité strictement égale une particule de matière symétrique, pour des raison fondamentale de conservation. Le rendement est donc au mieux du mieux de 50%. En pratique il est incroyablement plus faible. Ensuite, l’am produite, il faut la stocker, puis être capable de l’utiliser dans un moteur, etc. tout une chaine technique énergivore et qui rogne sur le rendement. Conclusion ? Si tu as de l’énergie électrique, nucléaire ou chimique, tu as infiniment plus avantage à t’en servir directement pour propulser ton vaisseau, par exemple par un moteur ionique, ou carrément un accélérateur de particule relativiste.
Les speculations techniques concernant l’usage de l’am dans le propulsion astronautiques restent dignes d’intérêt (l’am sert à l’ignition de réaction de fusion) et il en faut moins de 1 g pour réaliser des mission planétaire à grande vitesse. Mais il est entendu que c’est de l’am produite sur Terre à grand renfort d’énergie électrique pour faire tourner les accélérateurs.
a+
21 février 2007, 10:57 pm
Merci de ta réponse. Pour info, j’ai bien un doctorat ès Sciences, mais pas en physique des particules Je vais réfléchir un peu plus à mon “réacteur à antimatière catalysée”, je n’avais pas réalisé qu’une énergie E ne permet de produire que la moitié de m=E/c^2 d’antiprotons, merci d’avoir attiré mon attention là dessus.
Par contre je tiens à mon vaisseau “pousseur d’astéroïde” encore pour une autre raison : aux vitesses relativistes, la collision avec une misérable poussière intersidérale exige un bouclier capable de supporter Hiroshima, sans parler des rayonnements cosmiques. Même le rayonnement à 3K pourrait devenir un problème, et donc le refroidissement du vaisseau (j’ai pas fait le calcul).
D’ailleurs tu ne parles pas de la protection contre le rayonnement cosmique que tu envisagerais pour l’Arche. C’est un problème déjà pour aller sur Mars (voir http://forums.futura-sciences.com/thread104629.html pour quelques références)…
21 février 2007, 11:18 pm
Salut Dr,
Oublie la catalyse antimatière, c’est une chimère. Fondamentalement ça ne peut pas marcher.
Avant ça, il faut que tu te donnes une source d’énergie. C’est quand même ça la base…
Pour le risque d’impact j’avais fait une petite estimation, je reviens avec
a+
22 février 2007, 11:37 am
Voila quelques éléments de réflexion sur la question des collisions.
Les poussières sont surtout présentes dans le milieu interplanétaire (poussière zodiacale).
On a pris une distance d’accélération-freinage Da = 1 al. Soit pour l’accélération seule, 0,5 al. Quand l’Arche dépassera le nuage de Oort, à x=3000 UA du Soleil, environ (1 UA = distance Terre Soleil, 150 Mkm), elle aura parcouru 10% de sa distance d’accélération. Comme on travaille à flux éjecté constant, l’accélération augmente progressivement au fur et à mesure que le vaisseau s’alège. On a pris une accélération moyenne de a0 = 2 mm/s². Très grossièrement, on peut se donner que sur la distance x=10% Da, l’accélération moyenne sera de 10% de la vitesse sera de 10% de a0. Soit a = 0,2 mm/s². La vitesse max de l’arche dans le milieu interplanétaire étandu sera de , soit dans les 420 km/s.
Et symétriquement pareil en rentrée dans le système stellaire de destination (qui présente probablement le même environnement poussiéreux).
Le milieu interstellaire a priori est sans risque. C’est réellement vide de chez vide. Mais on ne sait jamais, évidemment, on ne peut pas imaginer rester sans bouclier contre cette épée de Damoclès. Pour commencer j’ai essayé de simuler les dégâts occasionnés par un choc à disons 3000 km/s (c’était au départ la vitesse de pointe).
On imagine que le matériau du bouclier de carburant à l’avant (Glace d’H, Lithium, Bore…) possède une énergie de liaison de 1eV, typique d’une liaison covalente. Soit disons 1 GJ/m3. Je divise l’énergie du choc à 4500 km/s par l’énergie de liaison volumique pour avoir les dimension du cratère :
Taille du projectile / Profondeur du cratère
1 micron / 0,5 mm
1 mm / 50 cm
1 cm / 5 m
10 cm / 50 m
1 m / 500 m
Durant tout le voyage et notamment quand l’Arche sera à son maximum de vitesse en vol libre (à mi-trajet, à des années lumières de la Terre, donc sur des segments de trajectoire difficile à sonder d’ici concernant des corps aussi petits), on peut prévoir des sondes décamétriques en formation étagée, très loin en avant de la structure, qui scannent finement l’espace pour pulvériser tout ce qui dépasse le millimètre quitte à les percuter de plein fouet si on tombe sur un gros nonoss. On peut de la même façon concevoir une artillerie laser, ou de projectile plus classique, à la proue, pour le même usage.
Les différentes couches de l’Arche :
* à l’avant et dans le sens du mvt tu as le matelas de carburant (600 m)
* l’épiderme (80 cm d’un polymère de type latex + les passerelles d’inspection en aluminium)
* le sinus d’échange thermique (2-5 m d’eau)
* les parois (20 ou 60 m de fibres remplies d’eau)
* l’océan (10 m sous ballast)
(…)
L’impact
On peut quand même faire l’hypothèse que l’impact ressemble à ça
(une simulation de Deep Impact) :
L’impact crée une onde de choc, c-a-d une surpression qui pulvérise de façon non directionnelle le matériau : ça part dans tous les sens. Vu qu’il s’agit d’un matériau très volatile (de la glace d’hydrogène) une fraction est absorbée par le changement d’état, ce qui diffère de la simulation qui représente une galette de poussières silicatées, au point de fusion élevé.
Si le projectile a une faible cohésion (il est lui même formé d’une boule de poussières), il est détruit par l’onde de choc qui le traverse. Sinon (cas d’un corps issue du noyau métallique différencié d’un corps plus gros) on le retrouve de l’autre coté mais sa “force d’emport” reste limité par sa section.
L’impact avec la parois de l’arche ensuite doit se raisonner effectivement en terme de propagation de l’onde de choc dans la parois. Le but est que ça cede localement avec un maximum de dépense énergétique mais que l’énergie dégagée par la rupture mécanique ne se propage pas. On peut faire le même raisonnement en partant non pas de la propagation de l’énergie mais des forces, le résultat est le même.
Prend une corde, formé d’un grand nombre d’éléments juxtaposés que l’on traite de deux façons : l’une où on l’enduit d’une résine rigide et l’autre d’un latex très mou (ou de rien du tout). Si un toron cede dans le premier cas, l’énergie de rupture va se propager de proche en proche et c’est toute la corde qui peut se rompre d’un coup. Si par contre les brins sont indépendants, lorsque l’un cede il le fait tout seul et le reste de la corde tient le coup. En bref : de la solidarité entre les éléments de structure, mais pas trop. C’est pour ça qu’un cable est plus sécurisant qu’une barre d’acier de même section. Le bois de ce point de vue est un matériau très bien élaboré. Il offre une très grand résistance à l’arrachement car la propagation de l’énergie libérée par les rupture moléculaire est sans cesse arrêtée par la structure fibreuse. Chacun a pu faire l’expérience du morceau de bois qu’on essaye en vain de casser et qui résiste par un petit faisceau de fibre intactes qui n’ont pas cédé en bloc avec les autres.
Et sinon, a plus grande échelle, du point de vue de la superstructure, la paroi est formé de fibres indépendantes. On reproduit ce qu’on a en petit. Le projectile ne peut rompre que sur la largeur de sa section.
23 février 2007, 11:49 am
Cher Gilgamesh
Tout d’abord, félicitation pour cet excellent exposé. Voyant le grand travail dont il a nécessité, ainsi que tout les documents rassemblée, on ne peut être qu’ébahis. C’est du très bon boulot.
Par contre, j’aurais une objection sur la stratégie courte, ou plutôt de la manière dont le sujet a été traité.
Ainsi, vous prenez pour exemple une accelération de 1G continue et un voyage a l’autre bout de la galaxie, et, fort de ces deux contraintes, vous annoncez un chiffre extraordinairement grand pour dévalider cette stratégie, la mettre au banc de chimère. C’est un biais certain. Entre le voyage de 700 ans dans le système d’a coté et celui de 24 ans a l’autre bout de la galaxie, il existe un grand écart et un tas de stratégie dite “courte” mais faisable.
Ainsi, nous pouvons prendre pour exemple le vaisseau du Daedalus Project (http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Daedalus) de la BIS. Celui-ci, avec une masse de 54 KT, serait capable d’atteindre 12 % de c (les effets de la vitesse relativiste se faisant sentir a 1% de c, environ) et d’arriver a une étoile distante de 5.9 A.L en 50 ans. Le daedalus constitut le minimum possible de la S1, c’est a dire ce qu’on peut faire avec une technologie très proche et des dimensions acceptable pour les pauvres humains. De plus, c’est un allez-simple.
Maintenant, soyons aussi fous que l’arche et multiplions par 10 les dimensions des reservoirs du Daedalus. Nous aurons donc une masse totale de départ de 540 KT, soit cinq ordres de grandeurs en dessous de la masse totale de départ de l’Arche. Un tel vaisseau serait capable d’atteindre des étoiles distantes de 12 A.L en 30 ans (temps du réferentiel a l’interieur du vaisseau), deccelération comprise. Je considére personnellement que c’est le minimum du voyage spatial.
Bien sûr, le Daedalus agrandis ne constitut pas le même défi mental que l’Arche. Pas besoin de réfléchir a la vie dans la structure artificielle, ni de réfléchir aux structures sociales. Pour un grand penseur, c’est frustrant. Mais personnellement je préfére la possibilitée de Daedalus agrandis faisant la navette entre les système solaire que celle d’arches multimillénaires allant a lenteur d’escargo livrer leurs cargaisons d’humain, si ladite cargaison ne s’est pas entretué ou n’ai pas sombré dans la barbarie entre temps.
Avec tout mes respects,
ThesmallgamerS
PS : Je n’ai pas pris en considération des technologies plus subtiles, comme les voiles solaires propulsées par Laser. Un seul combat a la fois.
23 février 2007, 10:29 pm
Salut !
beaucoup de choses dans ton post
Tout d’abord, sur le fond, sur “la façon dont la S1 a été traitée”, il ne s’agit pas de la discréditer, mais simplement d’en faire un pôle de réflexion, et un pôle c’est extrême. On pousse la stratégie à l’extrême pour. Je précise ensuite explicitement que personne n’envisage cette stratégie ; je ne m’oppose à personne, puisque tout le monde sais bien que concretement, utiliser les effets relativistes pour rejoindre des endroits très éloignés au plan galactique (pas l’étoile de Barnard, donc, dans le cadre de notre propos) en une vie d’homme réclame une énergie démentielle. Je l’expose juste, pour régler cet aspect : ce n’est pas un article destinés à des spécialistes, pour lesquels cette précision serait inutile.
S’il y a une chose simplement que je veux détourer (dénoncer serait trop fort) c’est que cette solution, par la simplicité qu’elle représente tout en restant rigoureuse fait le bonheur de cette veine de la science fiction qui tout en restant romancée recherche un cadre théorique “sérieux” (pas les trois Star : Treck, War ou Gate ).
Et mon opinion c’est que cette façon de faire voyager l’homme dans l’espace résulte d’un automatisme mental profond, et l’entretient, qui envisage le trajet comme on voyage en mer. Tous les automatismes de la langue sont formés la-dessus (et d’ailleurs le terme “arche” n’y échappe pas). On part d’un lieu de vie, on traverse au sein d’un support exigue un milieu hostile, on arrive à une autre lieu de vie.
Il me semble que la démesure des distances alliée au fait qu’on abouti sans doute non pas à un autre lieu de vie, mais à un milieu sans doute pas vraiment accueillant, rend cet automatisme caduque. Je m’avance un peu en disant cela, j’en ai conscience. En gros c’est une question d’atmosphère . J’ai depuis longtemps été frappé par le fait que le critère clé d’habitabilité du globe terrestre ce n’est pas l’eau (qui n’est pas un élément rare) mais bien l’atmosphère. L’eau liquide, et tout ce qui s’ensuit, c’est un fait d’atmosphère. A savoir s’il y a de l’eau dans les systèmes environnant, je ne me fait aucun soucis. A savoir s’il y a une planète à atmosphère compatible à notre physiologie, là j’ai plus que des doutes ! SI C’EST LE CAS (je le met en capital, car la validité de la stratégie résultante ne se jugera que dans les années a venir, quand on saura faire un spectre de planètes “telluriques” à proche distance) quand on est arrivé à destination, le voyage n’est pas fini. On ne pose pas ses valises sur une jolie planète verdoyante, pleine d’une vie bizarre mais gazouillante, avec simplement des couchers de soleils un peu surprenants. On aboutit très probablement sur un milieu martien, au mieux. La vie confinée continue.
Le premier pôle est donc abondement exploré, mais à mon avis jamais mené au bout. Je veux juste montrer qu’il y en a un second, qui utilise non pas l’énergie mais le temps. Et comme je ne l’ai vu vraiment exposé nulle part, j’y consacre l’essentiel de l’article.
J’explore donc symétriquement l’extrême, l’autre pôle. L’Arche est excessive. J’en ai pleinement conscience, c’est juste pour ouvrir au fait que le trajet spatial représente un problème réellement neuf qui nécessite de se départir de cet automatisme mental “trajet = vaisseau”, un petit volume acolé à un gos moteur. “Trajet = milieu de vie”, et même plus que cela ; ceux qui voyagent forment une civilisation, carrément, car désormais radicalement coupés de la Terre-mère. C’est une vie en soi, et bien plus encore, et dès lors cela change tout pleins d’aspects. Et toutes les solutions qui seront données pour l’Arche, toute la réflexion neuve qui pourrait venir à l’examen de cette situation ne peuvent qu’enrichir une réflexion totalement aboutie.
Sinon, le projet Daedalus ne rentre pas dans le cadre de ma “critique”. Il est au contraire dans la continuité. Déjà, c’est un projet sérieux qui a été soutenu par des gens compétents. Ensuite c’est une mission inhabitée, purement d’exploration (assez chiadée).
http://en.wikipedia.org/wiki/Project_Daedalus
The second stage would have two 5-meter optical telescopes and two 20-meter radio telescopes. About 25 years after launch these telescopes would begin examining the area around Barnard’s Star to learn more about any accompanying planets. This information would be sent back to Earth, using the 40-meter diameter second stage engine bell as a communications dish, and targets of interest would be selected. Since the spacecraft would not decelerate upon reaching Barnard’s Star, Daedalus would carry 18 autonomous sub-probes that would be launched between 7.2 and 1.8 years before the main craft entered the target system. These sub-probes would be propelled by nuclear-powered ion drives and carry cameras, spectrometers, and other sensory equipment. They would fly past their targets, still travelling at 12% of the speed of light, and transmit their findings back to the Daedalus second stage mothership.
Et pourtant tu peux voir qu’en terme de masse du payload, ça reste impressionnant, pour une mission automatique. 54 kt…
Les ordre de grandeurs des vitesses restent proches. Que ce soit Daedalus ou l’Arche, on se base sur le même cadre technique de propulsion (encore largement exploratoire, bien sûr), la fusion thermonucléaire, D-He3 pour Daedalus, l’Arche étant multi carburant : vu les masses en jeu, tout est bon dans l’astéroide . L’impulsion spécifique est donc logiquement du même ordre. Y’a juste que pour l’Arche on se base sur des expériences (abouties) plus récentes. Il y a un rapport de 1 à 10 entre les durée de trajets, mais cela résulte seulement du choix rendu possible par la viabilité de l’Arche de réduire la masse de carburant en augmentant la durée de trajet. Et l’énergie permettant cette augmentation de taille est disponible, je vais pas dire gratuite, m’enfin c’est l’énergie du soleil. On utilise la photosynthèse pour passer un cap, celui de la taille de la structure.
a+
24 février 2007, 3:04 pm
Merci beaucoup pour la réponse qui éclaire vraiment le processus de création de cet exposé. En effet, tel que la partie sur la S1 est construite, il subsiste une certaine ambiguité laissant a penser que le voyage interstellaire a temps court est impossible, une voie de pure science fiction. Ça m’a très légérement titillé, mais comme ce n’est pas voulus, ce n’est pas grave.
Au contraire, le projet Daedalus rentre totalement dans la critique. En effet, loins des vitesses atteintes, des carburants utilisé ou du sérieux des gens y pensant, ce qui différe S1 et S2, c’est le temps du voyage. En effet, pour vous citer, “C’est sur la base de ce critère encadrant la durée de voyage que nous définirons cette stratégie : durée d’un trajet terrestre (1 an)
25 février 2007, 12:43 am
Salut,
Oui mais comme mentionné le projet Daedalus est inhabité ; il ne se compare pas en toutes hypothèses à l’Arche ; c’est une sonde interstellaire. Dans n’importe quelle stratégie dès lors que la cible est proche (disons à moins de 50 al), on peut très bien projetter, pendant le temps où on construit la structure permettant d’abriter l’expédition, d’envoyer des sondes dans le ou les systèmes candidats. Ces sondes peuvent être soit sous voile solaires, soit en propulsion à fusion. Sous voiles solaires si la masse requise n’est pas trop importante et à propulsion à fusion pour des payload très massifs (type Daedalus). Et dans ce dernier cas, le ration k = Mc/M (masse de carburant sur masse sèche) peut être choisi très élevé (genre k=0,9) afin de diminuer au maximum le temps de trajet de la sonde.
Sinon, pour aller plus loin dans la réflexion, après avoir présenté les deux pôles stratégiques on peut se demander de quelle sorte on raisonne l’optimum. Dans ce qui va suivre, on peut discuter deux choses indépendemment : la forme du raisonnement et les seuils considérés.
Dans l’idée que je propose, raisonner l’optimum stratégique du projet, consiste à mettre en rapport la masse initiale M0 (structure + carburant) qu’il faut réunir pour construire une vaisseau en ordre de marche et le temps propre du trajet, dans le référentiel des voyageurs , que l’on souhaite tous les deux mimimals, en fonction des exigences humaines liées à l’entreprise et du paramètre technologique-clé : ve la vitesse d’éjection du carburant. La variable masse M0 résume la difficulté de l’entreprise.
On considère les éléments suivants.
1/ Le nombre d’archonautes ne peux pas descendre en dessous d’un seuil mini afin de disposer d’un pool de gènes et de compétences minimal. Ce seuil est ici fixé à N = 10 000.
2/ Plus le temps propre de trajet augmente, plus la densité de population d doit être faible. Mais elle est seuillée des deux côté. Quelle que soit la brieveté du temps de trajet, il faut un espace minimal par personne, en comptant les espace dédiés à l’agriculture, aux loisirs récréatifs, aux fonctions techniques, etc. Ce seuil haut est fixé ici égale à 3500 hab/km². Inversement, on assume qu’en deça d’une certaine densité, cela n’a plus vraiment de sens d’augmenter l’espace disponible par individu, l’optimum étant atteint. Ce seuil est fixé à 35 personnes/km²
3/ On assimile l’habitacle à une coquille sphérique de densité unité et d’épaisseur e. En fonction de la nécessité de disposer d’écosystème marin de plus en plus diversifié et considérant la masse croissante à soutenir, cette épaisseur varie d’un seuil minimal (nécessité de se protéger des rayonnements cosmiques) de 10 m jusqu’a un maxima de 130 m.
Pour 2/ et 3/ on calcule une sigmoide allant d’un seuil mini a un seuil maxi. C’est de la forme :
tau étant on le rappelle le temps de trajet. a, b et c des constantes ad hoc.
Même chose pour e mais avec une plus faible amplitude (e varie de 1 à 10, d de 1 à 100).
Pour différentes distances à franchir, on calcule maintenant la masse totale de départ à l’aide de l’équation fondamentale de la dynamique de Tsiolkovski en fonction de:
M la masse de la structure (liée à la densité de population => de la surface et à l’épaisseur)
ve la vitesse d’éjéction
v la vitesse de vol libre, qui conditionne le temps de trajet.
Pour le tracé du bas donnant le temps de trajet, (courbe verte) on tient compte dans le calcul de tau du facteur de relativiste = .
On a représenté également la variation de la densité de population.
Résumons en termes simples les données du problème ainsi proposées : plus le temps de trajet augmente, plus la taille, donc la masse de la structure augmente. Donc on cherche à diminuer le temps de trajet pour voyager plus léger.
Mais pour faire diminuer ce temps de trajet il faut augmenter v, la vitesse de vol libre… ce qui nécessite d’emporter plus de carburant. Et ce qui permet de passer de l’un à l’autre, c’est la vitesse d’éjection, qui résume le niveau technologique des partants.
Dans les abaques qui suivent, chaque courbe orange représente une simulation pour une ve donnée. La vitesse de vol libre est en abscisse (en v/c) et le log de la masse de départ est en ordonné.
Distance : 10 al
Distance : 25 al
Distance : 50 al
Distance : 100 al
Conclusion : On voit alors que pour le cas 10 al, une stratégie plus rapide serait optimale, avec une vitesse de vol libre de 0,08 c et une structure + carburant qui ne ferait que 7 Gt, soit un gain d’un facteur 6 à 7 par rapport à l’Arche version actuelle. Je relève aussi le gain d’un facteur 10 en masse qui serait accessible dans le cas d’une cible à 25 al en portant la vitesse d’éjection à 0,1 c. Mais globalement plus la distance de la cible augmente, plus le gain de masse permis par une meilleure ve, à temps de trajet égal ou, ce qui revient au même, plus le raccourcissement du trajet à masse égale est faible. Autrement dit, paradoxalement plus c’est loin, plus la stratégie lente s’impose.
Cette simulation ne prend pas en compte un aspect mentionné dans l’article : la viabilité de la planète de destination. Même si le temps de trajet en lui même peut justifier une arche de petite taille (tout est relatif, bien entendu, car 7 Gt représente un engin réellement énorme), la nécessité de poursuivre une vie confinée dans le système de destination rend de toute façon tous les trajets “longs”.