Tu me dis si c'est trop long. J'ai essayé de condenser au maxi...
Excellent essai qui pose bien le problème là où il faut le prendre à mon avis. Spécialement ceci : "the conclusion I draw as a science fiction writer is that if interstellar colonization ever happens,
it will not follow the pattern of historical colonization drives that are followed by mass emigration and trade between the colonies and the old home soil."
Le temps de trajet nécessite des énergies délirante si on veut flirter avec la relativité pour réduire le temps de trajet. En fait avec v=0,1c on reste dans les ordres de grandeur "newtoniens" et ça reste absolument considérable. Si on dépense ceci pour UN astronaute, alors en effet, il n'y a rien a attendre d'une telle entreprise.
Par contre, nous disposons d'une ressource "humaine" : le temps. L'homme doit fabriquer un vaisseau qui annule le temps
. Je ne parle pas d'un dispositif bizarroïde de SF mais d'une nation, simplement ça. La nation est un lieu de vie pour qui le temps ne compte pas. Les hommes vivent au sein de la nation en poursuivant leur propre but, dont une partie contribue à l'édification de la nation elle même. Les siècles peuvent passer, la nation poursuit son petit bonhomme de chemin.
Charlie, tu évoques un vaisseau-génération de 200 personnes. Tu en conclues que c'est difficilement tenable et que l'entreprise est vouée à l'échec. Mais ce qui est impossible à 200 est possible à 10 000. Il ne faut pas conclure que puisque c'est difficile à 200, c'est forcément impossible en augmentant l'effectif. C'est par exemple certainement PLUS concevable à 200 qu'à 1 seul, comme évoqué au début de l'article. Eh bien continuons sur cette lancée, nous verrons bien. Il faut partir d'une petite nation et pas d'une tribu. Une tribu se dilue en un siècle et a besoin de l'apport des tribus voisine, ce dont on ne dispose évidemment pas dans l'espace. Il faut gagner au moins un facteur 10 au niveau temps. C'est le nombre qui stabilise une société, son ordre, ses lois et ses institution. Du moins a partir d'un seuil critique. On veut la plus petite nation possible mais qui soit une véritable nation. Il faut simplement se demander fondamentalement quelle est la plus petite nation possible qui soit viable sur le long terme historique, sur une durée supérieur au millénaire, disons. Je pense que la taille d'une cité-état de l'Antiquité nous donne un ordre de grandeur raisonnable. Entre 10 000 et 100 000. Marchandons si tu veux à 50 000
mais c'est l'ordre de grandeur qui compte (10^4 à 10^5). Si on veut un ordre de grandeur mieux étayé, on peut partir de la loi de Metcalfe qui dit que l'utilité d'un réseau est proportionnel au carré du nombre d'utilisateurs. Une société est un genre de réseau, et son utilité c'est l'ensemble des capacité d'action et de réflexion qu'elle offre à ses membres pour satisfaire à leur bonheur. Si la fonction d'utilité est insuffisante le réseau doit disposer d'autre ressource (les femmes du clan d'à côté, par exemple...) sinon, il s'éteind. On peut bien concevoir un seuil de bonheur individuel atteint pour un effectif fini de société, au moins pour une certaine durée. Le "temps caractéristique" d'une tribu d'effectif N=100 étant de 100 ans, un état d'effectif N=100² devrait nous porter à 1000 ans. C'est ce qu'il nous faut pour rejoindre un système voisin à la vitesse de ~0,01c.
Abriter une telle nation en autonomie totale par rapport à la Terre nécessite certainement un vaisseau de dimension jamais envisagé. Mais il ne faut pas s'arrêter à cela. Du moins, on peut essayer de voir ce qu'il serait possible de construire en changeant de concept, car on le peut. Batir un tres grand vaisseau nécessite de disposer d'énergie et d'un mécanisme capable d'édifier des structures résistantes à partir de cette énergie. Nous disposons d'énergie solaire en abondance et d'un patrimoine biologique terrestre capable d'édifier grace a cette énergie des structures résistantes, les végétaux ligneux. Si l'action de l'homme consiste simplement à alimenter une structure végétale en molécules métabolisables (H2O, CO2, NH3, P, S...) issus des petits corps du système solaire, on dispose avec la photosynthèse d'un levier extraordinaire pour bâtir un organisme clot dans l'espace, suffisement solide et pérenne pour abriter une petite humanité, sans investir exagérément en terme de production d'énergie anthropique. Cela constituerait quand même évidemment d'une entreprise colossale.
En ordre de grandeur, il faut imaginer quelque chose d'une dizaine de km. C'est un ordre de grandeur intéressant parce qu'il satisfait deux exigences. Un cylindre 10x10 km (diamètre, longueur) procure une surface de 314 km2, soit pour 50 000 habitants une densité de 160 h/km2, ce qui est tout à fait raisonnable. Considéré du point de vue du nombre, on dispose de la place nécessaire. Considéré du point de vue de l'individu, on est dans une structure dont les dimensions sont de l'ordre de grandeur de l'horizon dont dispose le regard sur le globe terrestre. Autrement dit, la vue est aussi dégagée que sur Terre. Il s'agit certe d'un endroit clot. Mais à l'échelle de l'individu il est assez grand.
D'une certaine façon, on peut dire que l'espace minimal d'une nation tient dans ce qu'embrasse le regard, en calculant bien.
Du point de vue architectural, on a une double parois de fibres végétales creuses alimentées de l'intérieure (eau, mineraux, lumière) formant une structure étanche en rotation sur elle même pour créer la pesanteur, un océan de 25 à 30 m de profondeur et flottant dessus des "plaques continentales" portées par des ballast. L'ensemble avoisine les 25 gigatonnes. Pour entretenir une telle structure, en déversant l'énergie lumineuse nécessaire à son entretien (1000 fois plus grande que l'énergie anthropique nécessaire à l'industrie ou aux ménages) il faut bruler de l'ordre de 1 g de Deutérium par seconde (ou de l'Hélium 3 mais c'est moins disponible). Sur un millénaire, cela représente 30 000 tonnes. C'est raisonnable. C'est même pas beaucoup.
Déplacer cette structure vers un système voisin en un millénaire réclame une énergie bien plus grande. Et là, j'avoue que je suis un peu moins optimiste... Il faut quand même se figurer quelque progrès techniques assez réalistes et qui restent à venir. Avec les carburants chimiques, l'impulsion spécifiques disponibles est de l'ordre de 450s. En maitrisant le fusion thermonucléaire on passe à 1 millions de secondes ! Il est raisonnable de baser l'ordre de grandeur de notre ambition la dessus, à la fois pour la propulsion, pour l'extraction de matière fusible et pour la prouction d'énergie nécessaire à l'entretient de l'écosysteme. Mais l'essentiel c'est de conquérir le facteur temps : bâtir une nation qui dispose de tout son temps par rapport à la Terre. Sans parler tout de suite de se déplacer vers un système stellaire, il y a une première chose à considérer c'est que l'entreprise est pérenne : si l'homme parvient à consacrer ses efforts à transformer 1 à 10 petits corps du système solaire (asteroide ou comète) en une structure vivante, une Arche, alors il s'est établit définitivement dans l'espace. Il y est pour l'éternité, c'est quand même pas rien, a condition de s'assurer de disposer de 30 t d'isotopes fusibles par an (ou l'équivalent en énergie solaire, tant qu'on a pas quitté le système). Il dispose ensuite d'un temps arbitrairement long pour accumuler la masse de combustible nécessaire pour rejoindre le premier système stellaire intéressant. Qui n'a pas besoin de comprendre une planète viable tête nue : coloniser l'espace, ce n'est pas forcément vivre sur une autre planète. C'est vivre dans l'espace de façon éternelle.
Certes, initier cela représente une entreprise vraiment colossale en partant de notre situation socio-politique actuelle. Mais je pense que l'on peut dès aujourd'hui envisager le chemin critique qui nous mènerait à ce but.
Ce serait une nation qui l'entreprendrait pour elle même et non d'une nation, ou d'une coalition de nation qui l'entreprendrait pour une minuscule fraction de ses membres. C'est très différent. Un organisme comme la NASA financé par l'impot peut envoyer quelques dizaines de bonhomme par an dans l'espace. Mais là, il s'agit d'une entreprise qui constitue l'essence même de la Nation. En plus de financer la NASA, l'état fédéral ou les états financent les infrastructures, l'école, la justice, une foule de chose qui constituent la vie de la nation. On passe de 1 à 1000 au niveau des moyens. Et il n'y a pas que les états qui agissent. Les particulier bâtissent des maisons, les société des usines et tout ceci contribue à l'édification de la nation. Dans le cadre de la nation spatiale, ce n'est pas le statut juridique de l'entreprise qui compte, mais le fait que tout est consacré à la même structure, dans la même structure. C'est pour cela que ça ne peut être qu'une nation.
Le chemin critique partant de l'état actuel jusqu'à une nation spatiale autonome consiste simplement à mettre le pieds à l'étrier à un petit millier de gens jusqu'à ce qu'ils subviennent assez à leur besoin pour bâtir l'Arche sans réclamer d'autres moyens de la Terre.