foutre de
29-04-2007
Ache a écrit:
L'intropathie n'est plus sourde, car elle réverbère sous témoin.
[A l'adresse d'une tierce personne] C'est plus simple à entendre que ça n'en a l'air. Tout est question de vocabulaire, donc de lecture. Et selon l'expression de Wittgenstein, il ne faut pas fonder sur le signe et l'énoncé, leur usage (projet Tractatus) ; parce que c'est l'usage, le(s) jeu(x) de langage(s), qui les fondent (projet Investigations Philosophiques).
*** Pas un Hasard si Wittgenstein refuse de les publier séparément : les résultats de l'expérience méthodique Tractatus sont dans les Investigations. Voir le très bon livres de Nicolet,
Lire Wittgenstein, chez Aubier. Qui me fait le même effet que le Deleuze sur Kant aux PUF.
Donc il suffit de reprendre le vocabulaire dont la praxis, l'usage, est la lecture. Je reprends la lecture :
On peut se contenter de la variation paradygmatique des termes, par voie de presque synonymie.
L'intropathie, c'est l'affect qui est réceptivité de soi-même, action de s'éprouver, ipséité passive, sensation du monde comme cohérence éprouvé en soi-même, pas à l'intérieur psychologique de soi, mais dans l'unité de sa chair, dans son corps. L'intropathie c'est la sensation mystique comme pathos interne, comme pulsion se manifestant de son propre gonflement indivisible à même elle-même, comme poussée du réel, croissance de la vie qui s'offre à elle-même de s'éprouver croissance.
D'aucun, tu en es [toujours à l'adresse d'une tierce personne], et tu cites Hegel pour appuyer tes paroles, disent que la mystique ne peut que se taire (Wittgenstein aboutit là dans l'expérience Tractatus, c'est pourquoi il doit la replacer dans une lecture plus globale qui interprète les limitations que le Tractatus produit comme lois de la parole.). Donc ne peut que ne jamais être audible.
Or la mystique propose une entente-Une du réel, indicible parce que vide d'objets (Hegel a raison, mais seulement si le discours est fondé en objets, c'est-à-dire en concept-par-opposition-dialectique ; ce que Wittgenstein vient repousser parce que le discours est fondé en usage, usage littéraire en particulier - comme Kierkegaard l'a aussi compris et exercé). Si l'entente est une, si le réel est mystique, il ne peut y avoir mutité sans surdité ; le réel n'est pas muet devant quelqu'un qui aurait des oreilles (la raison) et auxquelles la mystique ferait faute de ne pas s'adresser. Si le réel, comme mystique, comme épreuve interne pathique (plutôt que pathétique), est un, alors la mystique, si elle est muette, est aussi bien sourde.
Quand Ache dit "l'intropathie n'est plus sourde", il ne dit rien d'autre que : "la mystique n'est pas muette".
Il tente alors d'exprimer la nature de cette réponse. Elle n'est plus muette, inaudible, sourde, parce qu'elle "réverbère". Le mot est simple, il y a une résonance et c'est par cette résonance que l'intropathie est audible.
De quelle nature est-cette résonance, sinon affective, vibration de la sémantique du monde dans ma chair propre ?
(depuis Shopenhauer, cette chair affective, pensée comme Volonté dans la pensée allemande, est liée à la vibration, la rythmique, la pulsation, l'ondulatoire et rapportée de manière privilégiée à la musique chez lui, à la danse chez Nietzsche)
Cette réverbération, c'est cette fusion qu'il évoque comme résorbant, par reconstruction (compréhension) la distance entre épistémologie et phénoménologie. C'est à dire qu'il y aurait reconstruction conjointe, l'une vibrant de l'autre, l'un naissant de l'autre, dans ce qui est désigné comme
reconstruction = altérité qui con-naît avec moi.
Cette structure est spécifiquement une structure différentialiste, de deux-en-un ; le "en-un" fondant le voisinage de la reconstruction.
Si l'intropathie réverbère sous témoin, si la mystique se donne à entendre, c'est parce qu'il y a reconstruction qui est co-naissance de l'autre avec moi. Il y a co-intropathie de l'un dans l'autre dans l'acte même où nos activités nous distinguent l'un par rapport à l'autre, l'un
de l'autre.
Ainsi, "l'intropathie n'est plus sourde, car elle réverbère sous témoin" n'est qu'un énoncé rassemblant la problématique et la proposition de réponse qui lui précédait.
Il s'agit juste d'un problème de terminologie pour identifier la problématique sous les concepts utilisés, c'est-à-dire sentir l'enjeu de l'énoncé à travers la question que nous sommes mais sous des formulations qui ne sont pas les nôtres.
Eh bien sûr, cette différence de formulation implique des différences de valeurs. C'est pourquoi varier le concept sur la problématique permet de la faire circuler d'une sémantique à une autre, de relayer des questions.
Par exemple pour moi, quand :
Ache a écrit:
L'idéal épistémologique de l'accomplissement du langage est la coïncidence entre le langage et la forme. Le langage réussit lorsqu'il est capable de faire revenir la forme, et notamment, lorsque langage et forme peuvent s'identifier sur commande. Le langage est langage parce que dans un domaine d'implémentation particulier il peut instancier une forme quelconque.
C'est une terminologie qui implique le Sens sous le concept de Forme, d'Eidos à véhiculer sous langage. Et l'épistémologie y est pensée comme praxis, et non seulement comme discours sur x, parce qu'en tant que théorie de la théorie, elle est pratique de la théorie, autant dire pratique d'elle-même : c'est son point d'identité avec la méthode phénoménologique, leur rencontre.
Quand il y a époché et rétroréférence, il y a phénoménologie. L'épistémologie (la logique aussi bien depuis Wittgenstein) est l'époché et la rétroréférence du dire, la phénoménologie du discours. Cette identité, l'europanalyse dit qu'elle est crise, en-crise, parce que "époché de soi-même à même soi". distance comme identité, coupure comme chair, altérisation comme naissance : analyse.
Quand :
Ache a écrit:
Ici commence le travail. Autrement dit le raccord est exigible, mais la forme exacte du raccord reste à construire, et la capacité du langage à réussir le raccord n'est pas donnée. Cela signifie qu'il faut imaginer Wittgenstein lire Merleau-Ponty.
Il a fait exactement le portrait du projet de Valdinoci, que le
Science de la logique rencontre une
phénoménologie de la perception. Mais ici d'après moi les chemins bifurquent. Et c'est la reconnaissance des flux de la problématique sous les concepts échangés par les décisions de vocabulaire (à relativiser donc) qui permet de l'apercevoir.
Ache a écrit:
comprendre une proposition phénoménologique, c'est savoir ce qui advient si elle est vraie. Il n'est pas nécessaire de savoir si elle est vraie ou fausse, car à la limite, ce n'est pas la question. La question est : qu'advient-t-il si elle vraie (c'est une 'promesse'). Or qu'avons-nous pour savoir ce qui advient et ce qui tient sa promesse ? Nous avons l'expérience
Pour éclairer ma lecture de ce passage, il me faut penser une vieille question :
Qu'est-ce qu'un philosophe ? (ou peut-être mieux, "un penseur")On sent le glissement humain qui s'opère depuis le mode d'interrogation du dernier Deleuze ; c'est le changement d'époque.
Le philosophe est celui qui garantit la vérité des énoncés, dont c'est la fonction.Or pour exercer cette fonction qui est une fonction sociale (l'homme dont la tâche est de savoir comment valider), il y avait anciennement le
système, qui donne une méthode de totalité, qui relaie ce dépassement du philosophe (sa finitude) par la somme des savoirs (aucun homme ne peut plus connaître toutes les disciplines depuis la Renaissance, depuis la fin de l'humanisme et des dernières Sommes ; alors Hegel tente un sauvetage de cette capacité par validation au moyen d'une forme fonctionnelle (la dialectique) qui totalise l'esprit).
Malheureusement, puisqu'il ne perçoit le réel que comme logique, et que le logos est condamné à être de l'ordre du fragmenté (Nietzsche, Wittgenstein, Blanchot, Laruelle), la cohérence doit venir d'ailleurs que des énoncés.
Par quoi un philosophe peut-il garantir la validité d'un énoncé, si ce n'est par un autre énoncé ? Par la pratique.
C'est à dire par la réponse dans sa vie de l'énoncé (répondre de), par la pratique, par l'accomplissement de la promesse. Les énoncés, éparpillés, fragmentés les uns par rapport aux autres, de manière irréductible, ne sont cohérents que parce qu'un homme les vit, les accomplit comme vrais à travers les gestes de sa chair, la vie comme unité de cohérence d'un énoncé.
Pour Ache, vraisemblablement, valider, c'est reconstruire, c'est-à-dire refaire dans l'expérience, dans sa propre chair :
Ache a écrit:
Si je veux comprendre comment un avion vole, je dois reconstruire l'avion. [...], c'est à dire savoir comment l'avion vole, [...] je commencerai à identifier la 'forme du vol'. On peut d'abord faire cela en l'imaginant, mais [...] on doit continuer sur le terrain.
C'est une dure loi du logos qu'il doive se valider (c'est-à-dire donner l'eidos, la forme, l'essence, la vérité, le Sens = pour moi LA CIVILISATION, le collectif sémantique) dans la chair des hommes, de certains, dans la chair des philosophes (c'est pourquoi il me semble que certains énoncés philosophiques ne conviennent qu'en vue d'un individu qui veut devenir philosophe, et d'autres qui peuvent être d'usage pour les autres humains qui ne s'identifieront pas au parcours de celui qui validera ; ce n'est pas une histoire de caste, etc. ; c'est l'idée qu'il n'y a que Platon pour penser que la démocratie c'est l'être-philosophe de tous et chacun).
Ache a écrit:
Reconstruire a un sens presque évident. C'est une heuristique de bricoleur. La reconstruction est synonyme d'élucidation
.
D'où qu'un penseur doivent être polytechnicien au sens étymologique du terme, comme Thalès en a laissé le témoignage brillamment oléagineux et pas uniquement un producteur d'énoncés
Si Ache a écrit :
Ache a écrit:
Si on dit reconstruire _ _ _ _, on dit 'comment dois-je m'y prendre pour créer _ _ _ '. Et donc, sur le terrain. [...] Ici, je suis tenté de traduire tout cela en nommant des disciplines comme la vie artificielle, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives, lesquelles ont la reconstruction pour objectif, car c'est cela la reconstruction, et c'est cela la littéralité.
On est bien dans le domaine de l'invention, donc du geste "esthétique" mais en un sens peu décoratif, peu artiste, en tout cas, peu du domaine de ce qu'on appelle les arts plastiques uniquement, comme la tradition retient toujours sous ce mot d'esthétique (mais je l'ai dit à propos de la littérature post-moderne, les arts ont attendu la décapitation du roi pour entrer en fonction Moderne, ce qui invalide les définitions du mots esthétiques quasi jusqu'à Hegel ou le romantisme d'Iena).
Ache a écrit:
Mais, en nommant ces domaines, on pourrait aboutir à des malentendus : d'abord parce que la discipline reconstructrice n'existe pas encore, et donc le champ imaginaire que provoquent les disciplines nommées dépendra du parcours de chacun et de la confiance ou pas qu'on leur prête (autrement dit c'est une polémique)
C'est là justement que l'europanalyse intervient. Elle se veut méthodologie de l'invention selon une autre méthode que celles de ces disciplines, et se propose d'avancer une discipline de reconstruction qui soit mystique d'invention. Cette histoire de confiance est vraiment ce qui revient pour valider les énoncés : le philosophe doit trouver la méthode pour être un homme de confiance, c'est-à-dire être l'épreuve vivante de la vérité d'un énoncé (c'est énoncé est-il vivable ?)
C'est pourquoi la psychanalyse nous aide énormément car le fondement de l'ordre du vrai est un transfert sur la chair de qui invente la civilisation dans sa chair : saura-t-il incarner ce qu'il énonce ?
Cette incarnation est la problématique monastique, c'est-à-dire, comment incarner la vérité humaine du Christ, de Bouddha, de la Merveille
dans sa vie exercée ?
Tout énoncé doit être mis à l'épreuve, éprouvé dans une vie , c'est la fonction du penseur : incarner l'audace d'un énoncé, y fonder le sens, la distinction, s'y faire naître conjointement à y faire naitre un autre, inventer la civilisation en acte, faire essai d'une existence pour en vérifier les énoncés, se faire garant qu'une valeur est encore une possibilité de vie.
[
parenthèses : je me souviens d'une étudiante dubitative devant le discours de Valdinoci qui disait : "la mystique c'est facile : chacun met ce qu'il veut dedans".
Pour moi, ça signifiait que "mettre ce qu'on voulait", c'était facile ; qu'agir sans énoncé garantissant la validité d'un acte, c'était facile ; bref qu'être libre, que la pensée d'un professeur nous laisse la place pour oser sans l'appui de son système et que ce manque d'appui, cette nuit devant le lecteur qui attend la prescription, soit dans le système même comme une place-pour, c'était facile. Or je crois justement que la liberté n'est pas facile, la nuit n'est pas facile. Mais cette difficulté n'est partagée que par qui fait le pas de venir valider seul, dans sa solitude ordinaire, et pas comme un savant virtuose des énoncés-prescriptions]
Parce que cette épreuve est risquée, nous avons la littérature, comme production de variations autour de "comme si c'était vrai (en tant qu'énoncé)", pour voir jusqu'où miser ; moins pour répondre à "Que faire?" ou "comment faire?" que pour essayer des "jusqu'où un homme peut-il valider?" : la littérature est une zone expérimentale pour les énoncés de civilisation (d'où sa familiarité avec l'héroïsme qu'a relevé
baptiste R). Elle avance des fantasmes de civilisation à valider (comprendre des fantasmes de vie à vivre). D'où un caractère, sinon toujours utopique de toute littérature, du moins son caractère expérimental : elle incarne les jeux de langage (l'
OULIPO est un exemple typique) et nous jouons à évoquer ce que serait leur validité dans nos chairs (jusqu'à quelle promesse un homme peut-il tenir ? ....peut-être une mesure de puissance de type nietzschéen).
Si la question se pose de :
Ache a écrit:
Qu'est-ce que la structure de l'affectivité. Le point est que je n'exclus pas que la réponse ne soit pas prédicative, mais méthodologique, c'est à dire, la structure de l'affectivité est la succession de gestes que je fais lorsque je reconstruis une affectivité.
Ce qu'on voit c'est qu'il y a cercle tautologique (= la structure de l'affectivité c'est le faire affectivité) : pas de doute, c'est le symptôme que l'immanence se ramène là comme exigence. S'il y a un "faire affectivité" (un se faire un corps), la structure est bien une structure inventive. Mais elle s'annonce comme non-prédicative - donc pas de reconstruction cognitiviste. Cela je crois à cause de l'unilatéralité : la reconstruction qui fonde l'épistémologie est une activité de création, mais la création n'est pas prédicative même si elle est invention de prédications. x s'identifie à y qui se distingue de x.
L'europanalyse propose un dire alternatif qui se désigne comme "encyclopédie" (reconstruction du Savoir-Civilisation-Archisémantème) et tente de repenser le livre dans la problématique affective de l'invention (l'angoisse, etc. voir Anzieu,
le corps de l'oeuvre), de dégager une structure de l'invention à partir d'une identification de "sentis" (d" épreuves" au sens de... éprouver :-D ), sensation de l'enfoncement analytique en soi qui est invention dans sa propre chair, validation d'homme neuf.
Ce "senti" (cette "esthesis") est décrit(e) à partir des étapes médicales de la perception de soi (proprioception, xénoception, nociception etc.) et articulé(e) sous structure d'un zigzag (entre réductions et donations, entre fondements et effondrements surtout).
Là où je pense ça achoppe, ça diverge avec le projet décrit par Ache, c'est qu'il ne s'agit pas de simulation.
La simulation, c'est le plan de vitesse de la conscience ; un plan de vitesse très rapide parce que très superficiel, sorte de "paillasse" de la salle de bio. Dès qu'on parle de civilisation, c'est comme passer à la production d'ogm, c'est entamer une phase de contamination, contamination par co-naissance. c'est la phase de la pédagogie et de la mystique, parce que c'est en plusieurs sens celle de l'inconnu.
Contaminer c'est transmettre un énoncé à valider dans la chair d'un autre, le laisser se valider sans plus pouvoir le renier, lui confier l'autonomie d'une autre chair que la sienne (celle du moi de la conscience-terrain préliminaire rapide). La validation doit continuer loin de mes regard désormais, dans une première nuit d'ignorance (cet énoncé est-il encore vrai pour un des hommes qui vivent à part moi ?)
C'est donc également mystique parce qu'on accepte, sortant du champ prédicatif, de se laisser désormais prendre passivement par l'énoncé, par sa validité. Elle devient passive, déterminante et non plus en évaluation préparatoire par la conscience, dans le dialogue. On ne parle plus, on exerce.
C'est la vie éduquée-éducative du moine, du solitaire de la montagne, de Z. ; celui qui énonce une discipline, se l'impose, la propose à d'autres comme ses disciples, l'offre à qui demande une méthode : un chemin de validation.
Et comme je l'ai dit auparavant, ce plan de civilisation est un ralentissement et un approfondissement par rapport au plan de conscience, mais il n'est que l'avant-veille du faire corps, qui est un faire-nature.
Ce passage est une histoire de sacrifice et de soumission, de pari aussi et donc d'effroi.
Mais parce que c'est une avant-veille, l'énoncé qui dit :
Ache a écrit:
Mais comme ce sera le début d'une civilisation et l'amorce d'un corps, la reconstruction aura le temps de voir venir, et nos premiers gestes en seront encore à la lutte de la nuit des temps.
est un énoncé
gracieux, très suave, peut-être plus lumineux que celui qui dit que l'intropathie n'est plus sourde, parce que plein de l'humilité de la promesse en train de se tenir.
Je ne le reformulerais (reconstruirais) que sur un point (ce sera la version "europanalysée" de l'énoncé, soit : sans distance d'objet ni de représentation reconstruite) :
Citer:
Comme ce sera le début d'une civilisation et l'amorce d'un corps, les générations auront le temps de voir venir, et nos premiers gestes en seront encore à la lutte de la nuit des temps.
Rien de plus aimable qu'un homme qui se pense comme déjà mort, la grâce même d'où naît un geste d'avant l'aube.