Strange Paths
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Message Ache Moderator le 11 Mars 2007 18:35

Les formes et la façon avec laquelle nous comprenons les phénomènes du monde constituent le thème de ce sujet. Il est donc proche de celui sur La loi de la forme, mais tandis que ce dernier est plus orienté vers l'épistémologie et la métaphysique, celui-ci se dirige vers la cognition elle-même (mais comment ne pas se rencontrer en chemin).

On peut par exemple se demander si chaque discipline scientifique possède ses propres formes d'intelligibilité, lesquelles deviendraient dépourvues de sens ou impraticables si appliquées à un autre champs d'étude. Ainsi en biologie on parle d'évolution, de sélection, de reproduction, etc. Est-ce que la sélection ou la reproduction sont des notions-comportements spécifiques aux organisme biologiques, et est-ce que la pertinence de leur emploi exige la stricte référence biologique ?

Pour répondre on peut compulser la littérature des autres domaines, et alors on constate que des concepts tels l'évolution, la sélection, la subjectivité et même le darwinisme sont des concepts utilisés en.. physique quantique. Les termes "évolution" et "sélection" réfèrent alors à des types de processus qui peuvent rendre intelligibles des observations autrement problématiques. Ainsi le champ d'étude qui travaille à rendre compte de l'émergence de la classicité physique ("le monde macroscopique") depuis les processus quantiques, et ensuite la refondation d'une objectivité qui considère les problématiques de la mesure et de l'observation, sont des domaines où il y a 'des sélections préférentielles' d'observables particulier, où il y a une 'prise en compte de l'environnement', lequel n'est plus parasite mais traceur de stabilité, et où l'intelligence de cette dynamique n'introduit pas de 'force' mais prend au sérieux la tactilité des mondes des éléments microscopiques, comme pour décrire une faune en compétition avec des éléments sortant.. Voir par exemple le spectaculaire papier collectif, H. Ollivier, D. Poulin, and W. H. Zurek, Objective properties from subjective quantum states: Environment as a witness, Phys. Rev. Lett., 93, 220401 (2004).

Mais si on peut constater des affinités de regard entre des disciplines contemporaines, on peut aussi constater une stabilité du questionnement à travers l'histoire des idées, qui se perpétue jusqu'à ces disciplines contemporaines, comme par exemple les métaphysiques de Parménide d'un côté et d'Héraclite de l'autre : qu'est-ce que le changement? Y a-t-il du changement? Une théorie des formes est-elle contradictoire? Comment concilier diversité des formes et noyaux intelligibles invariants? Y a-t-il un sol Un qui enfante la multitude? Mais alors pourquoi la perception située?

Ces questions considérées littéralement concernent d'abord le sujet sur La loi de la forme. Mais ici, elles sont l'occasion de demander s'il y a une communauté dans les manières avec lesquelles nous nous adressons au monde.

Ainsi plus haut il était question de "niveau fondamental" parce que "depuis le bas" : est-ce que le fondamental est par essence "depuis le bas"? Est-ce que des intelligences extraterrestres cherchent le fondamental depuis le bas, est-ce que leur microscopique enfante leur macroscopique.

Ailleurs on a demandé si nous vivions une cosmologie. Ici on peut demander, est-ce que nos pensées ont une charge d'univers.

Entre les intelligences lointaines et nos questionnements terrestres, on peut déjà s'interroger sur le rôle du corps dans les structures d'intelligibilité : est-ce que le fait que nous marchions y est pour quelque chose ? Est-ce que se tenir debout sur le sol préfigure une unité de style dans la vision du monde. Et ensuite, viennent les concepts de symétrie, de correspondance terme à terme, de chemin continu, de germe de courbure, .., qui sont des concepts à forte ubiquité dans les mathématiques et la physique : ces concepts tiennent-ils la possibilité de leur formulation grâce à la structure du corps? Le corps est-il une concentration d'universel ou un segment local? D'autres corps sont-ils possibles? Mais ce corps n'est-il pas un moment de la physicité? Tient-il d'elle une possibilité d'universalité?



Message xantox Site Admin le 14 Mars 2007 12:58

Ache a écrit:
On peut par exemple se demander si chaque discipline scientifique possède ses propres formes d'intelligibilité, lesquelles deviendraient dépourvues de sens ou impraticables si appliquées à un autre champs d'étude. Ainsi en biologie on parle d'évolution, de sélection, de reproduction, etc. Est-ce que la sélection ou la reproduction sont des notions-comportements spécifiques aux organisme biologiques, et est-ce que la pertinence de leur emploi exige la stricte référence biologique ? [..] on constate que des concepts tels l'évolution, la sélection, la subjectivité et même le darwinisme sont des concepts utilisés en.. physique quantique

Je ne pense pas que chaque discipline possède ses propres formes d'intelligibilité : la nature est sur ce plan étonnamment égale à elle-même. Des mêmes théories mathématiques sont appliquées dans des domaines totalement différents. Des mêmes principes généraux se retrouvent dans plusieurs théories, éventuellement sous couvert de mots différents. Des théorèmes particuliers se repetent, car ils peuvent également réfleter des relations d'ordre général (ex. la loi de l'inverse carré, etc). Et également des formes complexes se repetent, ex. les trajectoires d'un gaz d'électrons ressemblent à des sortes d'algues marines. Or le concept d'évolution est parmi les plus fondamentaux, et s'il est apparu en biologie il ne relève pas moins des sciences de l'information, ou de la physique. Bien évidemment, et il faut martéler ceci de manière particulièrement sonore, il y a une technicité de l'application de ces principes généraux à chaque théorie, et ignorer cette technicité conduit rapidement à un discours insensé. Mais compte tenu de ces précautions, le principe général reste fondamentalement le même et on peut saluer cette tendance unificatrice dans les sciences contemporaines.

Ache a écrit:
Mais si on peut constater des affinités de regard entre des disciplines contemporaines, on peut aussi constater une stabilité du questionnement à travers l'histoire des idées, qui se perpétue jusqu'à ces disciplines contemporaines, comme par exemple les métaphysiques de Parménide d'un côté et d'Héraclite de l'autre : qu'est-ce que le changement? Y a-t-il du changement? Une théorie des formes est-elle contradictoire? Comment concilier diversité des formes et noyaux intelligibles invariants? Y a-t-il un sol Un qui enfante la multitude? Mais alors pourquoi la perception située?

Cette stabilité résume une sorte d'inevitabilité du passage par certains parcours. Si Zénon et Parménide sont toujours aussi modernes, c'est aussi une conséquence remarquable de cette égalité de la nature à elle-même, dans ses manières de permettre sa propre compréhension.

Ache a écrit:
Ainsi plus haut il était question de "niveau fondamental" parce que "depuis le bas" : est-ce que le fondamental est par essence "depuis le bas"? Est-ce que des intelligences extraterrestres cherchent le fondamental depuis le bas, est-ce que leur microscopique enfante leur macroscopique.

Je crois que cette métaphore des "niveaux" avec un haut et un bas est fausse, et qu'il n'y a aucun niveau "fondamental". Le monde a un seul niveau, et dans ce niveau il y a des différences, et des chemins.

Ache a écrit:
est-ce que nos pensées ont une charge d'univers.

Pourrais tu clarifier cette question, j'y vois plusieurs sens possibles.

Ache a écrit:
Entre les intelligences lointaines et nos questionnements terrestres, on peut déjà s'interroger sur le rôle du corps dans les structures d'intelligibilité : est-ce que le fait que nous marchions y est pour quelque chose ? Est-ce que se tenir debout sur le sol préfigure une unité de style dans la vision du monde. Et ensuite, viennent les concepts de symétrie, de correspondance terme à terme, de chemin continu, de germe de courbure, .., qui sont des concepts à forte ubiquité dans les mathématiques et la physique : ces concepts tiennent-ils la possibilité de leur formulation grâce à la structure du corps? Le corps est-il une concentration d'universel ou un segment local?

Il y a toujours un contexte à l'intelligibilité et ce contexte fait émerger un monde particulier. Toutefois, si le "moi" habite ce monde particulier, le raisonnement peut s'en éloigner arbitrairement. On peut avoir des difficultés à imaginer un 4-cube et ne pas avoir des difficultés à le représenter mathématiquement, alors que si notre corps se développait sur 4 dimensions on pourrait probablement l'imaginer aussi aisément, car on émergerait phénomenalement ainsi.

Ache a écrit:
D'autres corps sont-ils possibles? Mais ce corps n'est-il pas un moment de la physicité? Tient-il d'elle une possibilité d'universalité?

"D'autres corps" dans le sens de corps ayant d'autres structures?



Message Ache Moderator le 01 Avril 2007 09:58

xantox a écrit:
Pourrais tu clarifier cette question, j'y vois plusieurs sens possibles.

Oui cela peut signifier plusieurs choses, et tu peux saisir le sens ou les sens qui te plaisent. Le premier post d'un sujet est une combinatoire et un carrefour, un pré-texte.

xantox a écrit:
"D'autres corps" dans le sens de corps ayant d'autres structures?

Par ex. on peut se demander ce que peut signifier un platane avec un cerveau. Un grand singe est capable à la première personne de faire des choix dépendant du nombre d'objets dans deux tas différents : quel est le chemin qui transforme l'arbre jusqu'au geste cardinal explicite. Cela renvoie à plusieurs choses. D'abord, la distinction si distinction il y a, entre un geste cardinal implicite (on peut imaginer un mécanisme de chimiotactisme par ex.) et le geste explicite (celui d'un grand singe), au sens d'un geste pré-réflexif. Ensuite, il y a la caractérisation d'un système physique en calcul physique : on peut par ex. se demander est-ce que la cardinalité est une possibilité que le geste explicite hérite, c'est à dire si ce genre de capacités dites cérébrales sont fondamentalement le résultat d'une chaîne qui hérite de ses capacités de celles du calcul physique - au sens de la physicité, et pas en un éventuel sens réduit de l'expression calcul physique. 'Ontologiquement', la réponse à cette question serait trivialement affirmative, mais ici on demande ce qui distingue les formes, et par exemple, ce que permet un cerveau qu'un écervelé ne pourrait faire.

Ce faisant, parler de 'calcul physique' (l'évolution des degrés de liberté classiques ou quantiques d'un système physique) n'est pas un choix innocent, car le concept lui-même et strictement -toujours en tant qu'il renvoie à des processus physiques, et non uniquement à une évocation métaphorique- renvoie à un cortège de formes, mais pas forcément à d'autres, si bien qu'il faut se demander ce que méthodologiquement il doit aux êtres cérébraux, et vice versa, jusqu'à la clôture.



Message xantox Site Admin le 07 Avril 2007 19:11

Ache a écrit:
Un grand singe est capable à la première personne de faire des choix dépendant du nombre d'objets dans deux tas différents : quel est le chemin qui transforme l'arbre jusqu'au geste cardinal explicite. Cela renvoie à plusieurs choses. D'abord, la distinction si distinction il y a, entre un geste cardinal implicite (on peut imaginer un mécanisme de chimiotactisme par ex.) et le geste explicite (celui d'un grand singe), au sens d'un geste pré-réflexif.

Je ne vois pas de distinction catégorique, mais une distinction d'appartenance: la composition des calculs physiques peut donner lieu à un geste cardinal qui appartient à une subjectivité particulière, et qui n'a aucun sens en dehors de celle-ci.

Ache a écrit:
Ensuite, il y a la caractérisation d'un système physique en calcul physique : on peut par ex. se demander est-ce que la cardinalité est une possibilité que le geste explicite hérite, c'est à dire si ce genre de capacités dites cérébrales sont fondamentalement le résultat d'une chaîne qui hérite de ses capacités de celles du calcul physique - au sens de la physicité, et pas en un éventuel sens réduit de l'expression calcul physique. 'Ontologiquement', la réponse à cette question serait trivialement affirmative, mais ici on demande ce qui distingue les formes, et par exemple, ce que permet un cerveau qu'un écervelé ne pourrait faire.

Les nombres sont des caractérisations de l'existence physique, la capacité mathématique se retrouvant ainsi ancrée dans l'existence, sans qu'il y ait de chaîne qui transmettrait cette capacité, en ce sens que l'existence n'est pas logiquement aplatie : la composition des formes donne lieu à chaque fois à de nouveaux mondes, dans lesquels on peut découvrir un geste complexe particulier qui "est" le nombre dans ce monde. C'est ainsi qu'on peut ouvrir une voie vers l'universalité depuis un monde. Le geste mathématique est une dance intriquée où un seul glissement continue d'être physiquement correct mais entraîne la disparition du sens (c'est l'erreur, l'errement dans le sens devenu labyrinthe).




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