Bon, j'ai fini le Paysage cosmique.
Le livre est de la même famille que "L'Univers élégant" de Brian Greene. Même ton d'auteur, sujets voisins. Mais les deux restent complémentaires. Il s'agit de livres "sans math" exposant à l'aide d'image familière et en prenant volontiers appuis sur les anecdotes et le vécu du chercheur, une aventure intellectuelle extrêmement stimulante voire prometteuse. Le domaine est à la fois grand public, puisqu'il touche à une question des plus familière parmi celles qui fondent l'existence ("d'où venons nous ?") et d'une épouvantable difficulté d'approche. Toute vulgarisation étant périlleuse à vouloir réunir l'opinion et la spécialité, il faut apprécier à son juste prix que de grandes pointures se jettent aussi volontiers à l'eau.
Et il y va carrément, Susskind. Il a les idée claires, il exprime une opinion tranchée, cohérente, structurée et je dirais même guillerette. Aucune acrimonie, ni moquerie, sinon amicale, dans son propos, mais il est bel et bien habité par le désir de convaincre. Alors que Brian Greene expose, Susskind défend. Il rend public un débat. Pour qui veut connaitre le monde des cordes, je conseille de commencer par Greene qui est plus détaillé.
Là, il s'agit du statut métaphysique des lois de ce monde. Sont elles contingentes, ou sont elles nécessaires ? La Physique fondamentale est toute entière habitée par ce désir de trouver une profonde unité dans le réel, c'est à dire de lui trouver une nécessité. S'il n'y a qu'une seule solution, alors ce monde est nécessaire, dans la mesure où il n'y avait pas d'autre monde possible que celui ci. Et le désir de simplicité revient à rechercher une équation fondamentale qui résume tout ; assez compacte pour "qu'on puisse l'écrire sur un T-shirt" pour reprendre le mot de Hawking.
Eh bien c'est impossible, affirme Susskind. Ce monde est contingent, il ressemble aux machines de Rube Goldberg". C'est à dire des machines au mécanismes inutilement compliqué et parfois carrément saugrenu. Le désir des théoriciens de trouver une solution "unique" a été battu en brèche par... eux mêmes. Le monde mathématique des cordes a révèlé, au contraire du souhait général (Susskind s'inscrit dans le lot), une variété de structures tout à fait ébouriffante. Seule un très petit nombre convient à la vie. Si l'Univers est tel qu'il est, c'est simplement parce qu'il est un des rares à accepter un observateur.
L'illustration de couverture montre une Terre faisant face à une éclipse de Soleil. C'est bien choisi et parfaitement illustratif du propos. Le fait que le Soleil et la Lune aient exactement le même diamètre angulaire est tout à fait fortuit, et à la fois très émouvant, pour qui a contemplé une fois le phénomène. C'est à la fois
important et
sans nécessité.
Pour qui est familiarisé avec la physique du XXe siècles, on peut sauter les 4 premiers chapitres. Il vaut mieux, même. Susskind n'est pas un historien, on pourrait croire en le lisant qu'il n'y a qu'un seul physicien au XXe siècle, Einstein
. A retenir quand même l'explication des diagramme de Feynman. Je trouve par contre assez exorbitant qu'il ne connaisse pas du tout Lemaître. Tout le propos du livre tourne autour de la naissance de l'Univers et de la constante cosmologique, et le premier physicien a fonder dans le dur que notre univers à une origine et à donner une importance stratégique à la valeur de lambda n'est même pas en index.
a+