lambda0 a écrit:
Bonjour
Je crois me souvenir qu'on avait un modèle suffisamment précis pour déduire l'existence des ondes gravitationnelles à partir de la mesure de la décroissance de période orbitale d'un système binaire d'étoiles à neutrons.
A+
Oui sur
PSR 1913 +16une page pas mal en anglaisJ. M. Weisberg and J. H. Taylor,
Relativistic Binary Pulsar B1913+16: Thirty Years of Observations and Analysis, July 2004.
Une page très bien de
Thibault DAMOUR :
Pour conclure ce survol des aspects classiques de la relativité générale, parlons brièvement des"pulsars binaires", c’est-à-dire des systèmes doubles constitués d’un pulsar (étoile à neutrons en rotation rapide sur elle-même) et d’une étoile compagnon très dense (étoile à neutrons ou naine blanche). Le premier système de ce type, nommé PSR 1913+16, a été découvert par Russell A. Hulse et Joseph H. Taylor en 1974. Grâce aux observations régulières réalisées par Joseph H. Taylor et ses collaborateurs depuis sa découverte, il a été possible de suivre avec une précision remarquable le mouvement orbital du pulsar. Ce qui rend ce système si intéressant du point de vue théorique, c’est qu’il contient des régions où le champ gravitationnel est très intense. En effet, la courbure de l’espace-temps à l’intérieur et au voisinage immédiat du corps gravitationnellement condensé qu’est le pulsar (et sans doute aussi son compagnon) est grande (avec amplitude de l'OG de l’ordre de 0,40, au lieu de 10
-6 dans le système solaire). De plus, le fait que l’interaction gravitationnelle se propage à la vitesse de la lumière entre le pulsar et son compagnon joue un rôle important. L’étude théorique de ce système a nécessité le développement d’une nouvelle méthode capable de tenir compte de la présence de régions de champ fort, et de traiter avec soin le phénomène de propagation de l’interaction gravitationnelle. Cette méthode a d’abord permis de démontrer que, en relativité générale, tous les effets de champ gravitationnel fort pouvaient être absorbés dans la définition d’une"masse observable"pour chaque objet. Cette propriété, qui est encore un des aspects du principe d’équivalence, est caractéristique de la relativité générale et n’est pas vraie dans les autres théories de la gravitation (notamment les théories tenseur-scalaires où les effets de champ gravitationnel fort peuvent introduire d’importantes modifications dans l’interaction gravitationnelle de deux étoiles à neutrons). On voit là comment les mesures faites sur les pulsars binaires permettent d’aller au-delà des expériences effectuées dans le système solaire en sondant le régime des champs gravitationnels forts. Pour ce faire, il faut pouvoir effectuer une comparaison détaillée entre les données observationnelles brutes (qui consistent en une série discrète de temps d’arrivée sur Terre des impulsions électromagnétiques en provenance du pulsar en mouvement orbital) et une classe générale de théories de la gravitation. De façon un peu similaire à ce qui a été dit plus haut à propos des tests dans le système solaire, une telle comparaison est possible par un processus de paramétrisation appelé "postképlérien". Mais, dans ce cas, ce n’est pas la métrique d’espace-temps que l’on paramétrise, mais directement la "formule de chronométrage" qui donne les temps d’arrivée théoriques des signaux sur Terre en fonction d’une vingtaine de"paramètres phénoménologiques". On obtient alors des tests de la relativité générale (ainsi que d’une large classe d’autres théories de la gravitation) si l’on mesure plus de paramètres phénoménologiques que le nombre minimal de paramètres dynamiques qui suffisent à caractériser intrinsèquement le système. Dans le cas du système PSR 1913+16, il a été possible de mesurer trois paramètres phénoménologiques orbitaux (ou paramètres postképlériens) : omega, qui mesure l’avance du périastre, lambda (à ne pas confondre avec le paramètre postnewtonien introduit ci-dessus), qui mesure la dilatation gravitationnelle de la fréquence de rotation du pulsar sur lui-même, et P, qui mesure la variation séculaire de la période orbitale. La physique des champs gravitationnels intenses entre dans la détermination de omega, lambda et P. De plus, l’origine physique de P peut être directement attribuée au fait que l’interaction gravitationnelle entre le pulsar et son compagnon se propage à la vitesse de la lumière (cf. équation 21). Cette propagation à vitesse finie produit, dans la force gravitationnelle agissant sur le pulsar, une composante opposée à sa vitesse orbitale qui fait progressivement"tomber"le pulsar sur une orbite plus basse autour de son compagnon, causant ainsi une diminution progressive de la période orbitale (P S 0). Notons que, dans quelque 300 millions d’années, cette"chute"progressive du pulsar et de son compagnon l’un vers l’autre conduira à un système binaire extrêmement serré, en mouvement spiral convergent, émettant, lors des derniers milliers d’orbites, un rayonnement gravitationnel très intense qui est le prototype des sources d’ondes gravitationnelles que les projets L.I.G.O. et Virgo cherchent à détecter dans d’autres galaxies. La mesure simultanée de omega, lambda et P dans PSR 1913+16 donne lieu à un test combiné du régime de champ fort et des propriétés de propagation de la gravitation (fig. 2). La relativité générale passe ce test avec une précision de 3,5. 10
-3.
Un autre pulsar binaire, PSR 1534 + 12, découvert par Aleksander Wolszczan en 1991, a permis quant à lui de mesurer cinq paramètres postképlériens : omega, lambda et P et deux nouveaux paramètres r et s, qui mesurent l’amplitude et la forme du retard gravitationnel des signaux du pulsar causé par la présence du compagnon. Ces cinq mesures simultanées donnent lieu à deux tests "purs" du régime de champ fort, et un test combiné du régime de champ fort et des aspects radiatifs de la gravitation. Là encore, la relativité générale passe ces trois nouveaux tests avec un complet succès.
En conclusion, l’étude des pulsars binaires a permis de confirmer pour la première fois que la théorie d’Einstein décrit correctement le régime des champs gravitationnels intenses, et de prouver observationnellement que l’interaction gravitationnelle se propage à vitesse finie (ce qui démontre la réalité des ondes gravitationnelles).