Strange Paths
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Message Gilgamesh Moderator le 03 Avril 2007 20:46

Un petit cours de physique stellaire sans prétention. La production de chaleur par les étoiles est souvent assez bien vulgarisée. Mais la transmission de cette énergie vers la surface, phénomène extrêmement structurant dans la vie de l'astre est en général peu explicitée. Essayons de combler cette lacune.


Les transferts de chaleur dans les étoiles



La chaleur étant produite par les réactions nucléaires dans le coeur de l'étoile, il y a deux façons de la conduire à travers l'enveloppe vers la surface où elle ira rayonner dans l'espace :

- par transfert radiatif,
- par transfert convectif.

Dans le premier cas, l'enveloppe est statique, dans le second cas, elle bouillonne.

Commençons par considérer une enveloppe statique, formée de couches sagement empilées et qui ne se mélangent pas. Dans ce cas, le transfert est assuré par les collision des photons avec les électrons et les ions qui transfèrent la chaleur de proche en proche, d'où son nom de transfert radiatif.

Le flux de chaleur F (en W/m²) qui traverse une couche d'épaisseur infinitésimale dr est proportionnel au gradient de température Image:

Image

où le coefficient C se calcule comme :

Image

avec :

α = 7,56.10-16 J.m-3.K-4 la constante de radiation
c la vitesse de la lumière
κ l'opacité spécifique du milieu, ou coefficient d'absorption massique
ρ la masse volumique (ou densité)

On voit que le transfert radiatif augmente fortement avec la température (c'est en T³), diminue avec le densité du milieu, les photon ayant du mal à traverser un milieu dense et avec l'opacité spécifique de ce milieu qui dépend de la nature des interactions entre les photons et les (électrons + ions) qui se trouvent sur sa route.

A faible température la matière est sous forme d'atomes électriquement neutre avec lesquels les photons ont peu d'affinité, la matière est transparente, κ petit).

A température plus élevée la matière devient ionisée (plasma) et les photons sont constamment absorbés et réémis, essentiellement par les électrons liés au noyau (κ augmente avec T).

Au dela de T ~ 105 K l'énergie des photons est telle qu'il devient de plus en plus difficile pour les ions d'absorber les photons (dont l'énergie est en T³). κ commence à baisser.

Finalement, au dela de T ~ 106 K, il ne reste plus aucun électron liés au noyau, et les photons diffusent sur des électrons libre (κ constant).

Bon, en considérant l'étoile à l'équilibre, cela signifie que l'énergie ne s'accumule dans aucune enveloppe en partant du centre jusqu'à la surface. Ce qui signifit que F, le flux d'énergie est le même partout (1).

Considérons maintenant le gradient de température Image, le quotient du flux (constant) sur le coefficient de transfert radiatif (qui varie du centre vers la surface) :

Image

Dans le terme de droite, C dépend des éléments que nous avons listés : T, κ (lui même dépendant de la température comme vu), ρ (qui augmente avec la profondeur) ; F on l'a dit est constant.

Quand le gradient de température dépasse une certaine limite, le milieu devient instable. L'écart de température induit un écart de densité (plus c'est chaud, moins c'est dense), des bulles de gaz chaud se forment et montent, mues par la poussée d'Archimède. Elles transfèrent leur énergie en se mélangeant aux couches supérieures plus froide puis retombent par gravité. Il se forme un mouvement d'ensemble de convection. On pourrait dire ça comme ça : la matière n'arrivant pas à se débarrasser de son énergie en la confiant au rayonnement finit par se charger elle-même du boulot :).

Ces mouvement de convection mélangent très efficacement les zones affectées et uniformisent leur composition chimique.

Cela se produit notamment quand κ est élevé ou quand F est trop important, enfin selon une combinaison de ces deux cas.

F grand correspond aux cas des étoiles massives qui brulent selon le cycle CNO, fortement dépendant de la température. Leur température centrale fait qu'elle sont "emballées" et que le flux dégagé est très important. Elles pratiquent donc le transfert convectif en profondeur et radiatif en périphérie. Le mélange convectif permet de ramener du combustible frais vers le coeur et augmente la durée de vie des étoiles massives.

κ élevé correspond aux couches périphériques des étoiles de faible masse, comme le Soleil. Elles pratiquent le transfert radiatif en profondeur (sur 0,86 rayon pour le Soleil) et sont convectives en surface. La transition a lieu vers 500 000 K, température à laquelle les éléments lourds de l'enveloppe (carbone, oxygène, azote) parviennent à retenir quelques uns de leurs électrons, opacifiant ainsi le milieu. La teneur en éléments lourds (c'est à dire plus lourds que H et He, la "métallicité" de l'étoile dans le jargon astrophysique) joue donc un rôle important dans la dynamique des transferts d'énergie. Comme le coeur n'est pas mélangé, elles ne brulent qu'une petite partie de leur réserve totale, environ 10% dans le cas du Soleil.

Cette structure (coeur radiatif, enveloppe convective) concerne également les géantes rouges mais la fraction qui convecte est beaucoup plus importante et descend très profondément. Par dragage convectif elles font remonter depuis les profondeurs les produits de combustion (hélium, puis carbone, oxygène...) qui sont ainsi détectable par spectrométrie dans leur atmosphère, ce qui permet d'affiner les modèles de structure interne.



---
(1) Si ce n'est bien sûr que la surface de diffusion devient de plus en plus vaste quand on s'approche de la surface. Par unité de surface F est en 1/r2. Il diminue donc du centre (r petit) vers la surface (r = R, le rayon de l'étoile).
Dernière édition par Gilgamesh le 07 Avril 2007 23:14, édité 7 fois au total.



Message LokiLeFourbe le 03 Avril 2007 21:32

Intéressant.
J'avais lu un mag qui abordait le sujet et présentait différentes coupes d'étoiles selon leurs masses avec les flux internes de convection et radiation de surface.
je vais voir si je retrouve ça :idea: .



Message xantox Site Admin le 04 Avril 2007 20:56

Excellent post Gilgamesh. Voici en complément une simulation très simplifiée des flux convectifs d'une géante rouge, qui donne un début d'idée de leur immense complexité (D. Porter, S. Anderson, P. Woodward, University of Minnesota, 1997). Le diamètre est de l'ordre du milliard de km.

Dernière édition par xantox le 05 Avril 2007 12:45, édité 1 fois au total.



Message art_dupond le 04 Avril 2007 23:48

Est-on capable de faire des simulations de la convection qui ne soient pas "très simplifiées" ?
Il me semble que c'est un point encore très compliqué à comprendre (pas encore de "bon" modèle) ; à moins que je confonde avec autre chose... (désoled si c'est le cas :oops: )

_________________
oui oui



Message xantox Site Admin le 05 Avril 2007 00:59

La simulation de la convection stellaire est d'une complexité redoutable (c'est un système chaotique). Celle-ci a été une des toutes premières en 3D pour les géantes rouges et représente 2 semaines de calcul à 6 GFlops et environ 2 To de données. L'évolution de la puissance de calcul des ordinateurs (~1000 TFlops à ce jour) permet bien sûr d'intégrer plus de paramètres et d'opérer moins de simplifications au regard des modèles théoriques, modèles qui s'améliorent en parallèle. La résolution moyenne augmente aussi (actuellement ~ 1 million de pixels cubes).

Dans le passé les modèles utilisés étaient essentiellement hydrostatiques et en 1D. Ce n'est que depuis moins de 10 ans qu'il a été possible d'adopter des modèles hydrodynamiques en 3D, qui ont montré des différences substantielles (surtout pour les étoiles géantes), en termes de prédictions et de mise en évidence de nouveaux phénomènes à l'échelle globale dûs à la non-linéarité (les travaux récents cités par lokilefourbe concernant la rotation des pulsars en sont aussi un exemple).
Dernière édition par xantox le 05 Avril 2007 11:27, édité 1 fois au total.



Message LokiLeFourbe le 05 Avril 2007 11:15

Bon j'ai pas retrouvé l'article chez moi :angryfire: .
Mais j'ai trouvé ça sur le net qui résume bien :

Image

Au milieu étoile de type soleil.
En haut étoile ancienne.
En bas étoile massive.

Les ressorts c'est du radiatif, les demi cercle de la convection.

Visiblement les couches convectives, limitent la perte de matière et rallongent la vie de l'étoile.

Les très (trop) grosses étoiles évoluant "rapidement" en super novas.



Message Gilgamesh Moderator le 05 Avril 2007 12:27

Salut,

à partir du moment où ce sont des mouvements turbulents, il n'existe pas de solution analytiquement exacte : la simulation devient obligatoire pour mettre sur pieds un modèle d'évolution. Cela ne signifie pas que l'on renonce à comprendre, au contraire. Les simulation permettent de visualiser des phénomènes inaccessibles auparavant et de les relier aux observables (par exemple les pulsations des atmosphères des géantes).

Concernant la somptueuse animation postée par xantox, une page d'explication ici :
http://www.lcse.umn.edu/research/RedGiant/

Et sinon, rien que pour le plaisir, d'autre simulations du même labo :
http://www.lcse.umn.edu/index.php?c=movies


a+



Message Gilgamesh Moderator le 05 Avril 2007 12:28

LokiLeFourbe a écrit:
]Bon j'ai pas retrouvé l'article chez moi :angryfire: .
Mais j'ai trouvé ça sur le net qui résume bien



Merci loki, on ne pouvait mieux résumer :)


a+



Message art_dupond le 05 Avril 2007 12:56

oki merci à tous pour ces précisions :)
Je crois que j'en étais resté au modèle hydrostatique à 1D en fait :P

_________________
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