xantox Site Admin le 12 Février 2007 03:42
Republication de messages passés sur l'objectivité, le corps, la simulation, les formes.
Posté le 26-12-2005 à 15:57:02
On peut tout d'abord noter que l'existence même de subjectivités, qui paraîssent "objectivement" distinctes et particulières (sans que des super-subjectivités les observent à leur tour pour les faire exister ainsi en vertu de leur super-jugement), semblerait déjà en contradiction avec une telle notion d'ensembles objectifs motivés par un jugement conscient.
Ensuite, c'est important d'ajouter que cet [hypothétique observateur objectif] ne voit pas uniquement un amas d'atomes (c'est à dire, une liste de particules élémentaires), mais également les lois qui régissent leurs interactions, car c'est le point qui fait la différence.
Dès lors qu'on intègre les lois, qui imposent des correlations entre les états des particules, et qui rendent les particules interdépendantes, des termes non simplifiables apparaîssent dans les relations, et l'existence de ces termes ne sera pas moins réelle que celle d'une particule. A mon sens, notre conscience est l'un de ces termes.
La "vision objective" en tant que description parfaite de l'univers ne pouvant donc pas être seulement un amas d'atomes, mais devant être la totalité de leurs relations, elle devra nécessairement s'identifier avec la réalité elle-même, c'est à dire, elle cesserait d'être une description, mais serait la réalité même avant toute description.
On pourrait ainsi inverser les termes du problème.
- au lieu de considérer les états élémentaires (quantiques) comme les états objectifs et universels, identifiés par l'"observateur objectif", on pourrait plutôt les considérer comme des faits nécessairement relatifs à un observateur bien particulier ou à une classe d'observateurs, et,
- au lieu de considérer les relations entre ces états comme des constructions synthétiques de la subjectivité, on pourrait plutôt les considérer comme objectives et universelles.
Ce qui ne me paraît sans rappeler la démarche de la relativité générale. Pour laquelle :
- toute notion "absolue" de points particuliers de l'espace-temps est privée de tout sens, et,
- seules les relations invariantes par le groupe des difféomorphismes assument une signification physique.
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xantox le 13 Février 2007 14:23, édité 4 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:12
Posté le 25-01-2006 à 06:29:44
Cette position exprimait d'abord une réfutation de l'idée que le point de vue d'un [hypothétique] "observateur objectif parfait" [..] (c'est à dire, l'observateur idéal qui disposerait de la description physique de l'état de l'univers et de ses lois), serait nécessairement limité à témoigner de faits élémentaires, comme par exemple, de tas de particules. Au contraire, cet observateur, sans nul besoin de posséder une faculté de jugement, témoignerait nécessairement de structures relationnelles complexes, comme des objets macroscopiques ou des structures conscientes.
Le "corps" dont le dit observateur idéal serait témoin, ne serait pas celui dont nous sommes témoin, car nous ne pouvons qu'en avoir une représentation abstraite. Là où le premier verrait la totalité des faits qui sont notre subjectivité, le deuxième (imaginons qu'il soit un neurobiologiste) ne verrait qu'un cerveau, soit une matière molle et d'une certaine couleur, ou d'un certain poids, composée d'un certain nombre de neurones dotés de certaines caractéristiques etc., donc une vision immensement pauvre et abstraite de ce qui est (presque comme si l'on tentait de lire un livre en le pesant sur une balance). Alors que la subjectivité, c'est précisement ce qui est.
Cette discordance, due au caractère abstrait de toute auto-représentation, est à mon sens la seule origine de l'apparente dualité corps/esprit.
Donc, nous n'existons que par notre existence physique, par notre "corps physique", car celui-ci est, formellement, notre subjectivité, alors que ce que nous appelons ordinairement corps, ce qui se manifeste à la perception et à l'observation, est une représentation abstraite.
La distinction qui nous intéresse ici est celle entre structures conscientes et non conscientes, car par ailleurs, tout dans le monde physique participe des mêmes lois, et ne présente que des différences formelles. Et même, entre la complexité macroscopique d'un système biologique et celle de la fonction d'onde d'une feuille de papier, c'est la deuxième qui me fait trembler.
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xantox le 13 Février 2007 14:22, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:15
Posté le 27-01-2006 à 21:26:36
[..] le problème fondamental du statut ontologique du "corps" peut être étudié formellement sur tout système doté de capacité d'auto-représentation.
[..] j'ai distingué,
* un "corps physique", celui qui existe dans l'univers physique avant notre propre représentation de celui-ci, et qui fonde notre existence,
* un "corps" tel que nous utilisons normalement ce mot, et qui est une représentation abstraite du premier (ce qu'est la description d'un neurobiologiste, ou ce qu'est une description anatomique, mais également ce qu'est notre perception ordinaire du corps).
L'"existence réelle et effective" procède du premier (le "corps physique" ), alors que le principe de représentation abstraite qui conduit au deuxième rend compte de l'apparente dualité corps/esprit. Cette position c'est [donc] le contraire même de l'intellectualisme. [..]
Je considère que mon "corps physique" est ma subjectivité, et si mon "corps" tel que je le perçois ne paraît pas en mesure d'expliquer ma subjectivité, c'est car ce "corps" est une représentation abstraite et incomplète du "corps physique". [..]
Un système physique est régi par des lois, les relations entre ses éléments et avec son environnement déterminent sa dynamique formelle, en disant ceci on a strictement tout dit pour les besoins d'une ontologie de l'esprit, il faut juste réveler tout ce que cela implique. "Etre matériels" ne signifie pas "être constitué par des atomes", comme dans un jeu de lego, cela n'a strictement aucun sens et ne dérive que d'une compréhension limitée de ce que la physique implique.
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xantox le 13 Février 2007 14:25, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:25
Posté le 29-01-2006 à 20:37:20
[..] L'univers physique lui-même (qui évolue même en absence de toute conscience, cfr. l'argument de réalité de l'arbre qui tombe lorsque personne n'est là pour l'observer), dérive ses propres conditions de factualité de la relation entre ses parties.
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xantox le 13 Février 2007 14:26, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:29
[Au sujet du récent] papier de Dennett "RoboMary" [..] il fait son exemple avec une banane. Si ce qu'on en retire est ce qui suit, alors je suis en parfait accord : celui (pas un homme, évidemment) qui connaît tout au sujet des causes et des effets physiques de la couleur (effets sur le système nerveux notamment, etc), aura aussi l'expérience de la sensation de couleur. Cela rejoint ce que je disais au sujet du "corps physique" qui est notre subjectivité.
Cet être aura véritablement l'expérience de la sensation de couleur, même étant enfermé dans une pièce noire, même étant aveugle. Car il saura rêver ses yeux, et simuler la vision.
Toutefois, d'autres passages sont moins limpides, p. ex. lorsqu'il dit que ce résultat est obtenu par "déduction", sauf à dire que ce qui est déduit c'est la structure de la simulation. Alors que s'il entendait que ce qui est déduit c'est une information permettant de se passer de la sensation, il ferait fausse route, cela serait le même argument présenté plus haut par Hephaestos "si l'on est capable de dire à quel moment un homme torturé parlera gràce à la compréhension du fonctionnement de son cerveau, il me semble plus simple de carrément prédire ce qu'il va dire, comme ça on n'a pas besoin de le torturer", alors qu'on ne peut pas, car si on prédisait ce qu'il allait dire en le simulant, il faudrait torturer la simulation, ce qui serait équivalent. On ne peut pas faire l'économie de la complexité, on peut juste la reparcourir.
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xantox le 13 Février 2007 14:28, édité 3 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:31
Posté le 03-02-2006 à 01:59:46
P. e. le langage d'un Heidegger est doté de sens (implicite), malgré les critiques d'un Carnap sur son apparente absence de sens. Mais il se rapproche alors de l'art, quand on peut aussi penser la complexité selon l'objectif de minimiser cette partie implicite.
En d'autres termes, on peut reconstruire un état complexe soit par un geste complexe, comme dans une réaction chimique, où le rajout d'un élément "catalyse" une chaîne globale d'événements qui rééquilibrent les relations vers un état complexe final, ce qui permet d'arriver à destination par une seule opération, dans l'esprit des arts martiaux, soit par la description des relations entre observables élémentaires. C'est dans ce dernier cas que la complexité se retrouve formalisée selon le mode de la simulation.
Notre esprit est peut être trop limité pour espérer penser cette complexité selon cette précision, la précision où la physique sait traiter ses faits élémentaires, comme dans le langage de cristal d'un Dirac, mais il s'agit là d'un idéal de rigueur auquel il est permis d'espérer.
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xantox le 13 Février 2007 14:29, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:34
Posté le 03-02-2006 à 16:02:30
On peut dire que pour rendre le "labyrinthe" intelligible il faut dans tous les cas se mesurer à lui, dans un sens propre et figuré. C'est ce que le philosophe fait et il nous en apporte le témoignage. D'autre part la science, nous apprend à le re-construire (par simulation : d'où le "ça marche"), en fixant un terme stable à la mesure.
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xantox le 13 Février 2007 14:30, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:46
Posté le 05-02-2006 à 03:45:26
Reprenons sur le point de la simulation, [.. au sujet de la représentation 'par étages']. Dans le monde physique, il n'y a pas d'étages. Cette table n'est pas composée de bois plus ou moins que de molecules, d'atomes, ou quarks et photons. Chacun de ces niveaux n'a plus ou moins de réalité que les autres.
On doit comprendre la simulation en termes purement physiques, comme un système physique qui représente l'abstraction d'un autre système physique. Les deux termes ont le mot "physique" en commun, ils n'ont donc rien d'abstrait, et l'expression "représente l'abstraction" pose une relation formelle d'identité (puisque la représentation est, par définition, une abstraction). On peut donc noter que la simulation est une forme de répresentation parfaite (je suppose même, la seule possible).
La conscience [..] implique une caractéristique d'auto-référence qui donne lieu à des propriétés tout à fait spéciales. Son mystère, c'est l'auto-référence. Alors que le mystère du "vivant", c'est sa complexité. Mais comme je notais plus haut, la complexité quantique d'une feuille de papier est largement plus inattaquable que la complexité biologique d'un C. Elegans, ce qui relativise fortement le statut de cette dernière. Les deux "mystères" du vivant et de la conscience nous renvoient donc plus fondamentalement à l'étude de la complexité et de l'auto-référence.
[La métaphore de] la machine de Turing ne fait que développer formellement un cas très particulier de cette idée fondamentale, "Un système physique est régi par des lois, les relations entre ses éléments et avec son environnement déterminent sa dynamique formelle". Comprendre tout ce que cela implique c'est, que ce soit pour un système physique, ou pour une machine de Turing, un travail de titans. Et que voit-on dans la plupart des métaphores "Turing"? Une ombre du problème, le plus souvent l'ombre des préjugés de l'auteur. Dans ce cas, autant qu'ils fassent leur métaphore avec quelque chose de plus abordable, comme un aqueduc...
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xantox le 13 Février 2007 14:34, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:50
Posté le 05-02-2006 à 17:03:50
D'une part, l'"uni-dualité" [de la conscience] (son "dualisme logique" dont plus haut), me semble dériver d'un principe logique fondamental. Tout système physique A qui effectue une mesure M d'un système B contenant A aboutit nécessairement à une description incomplète. Il y a donc nécessairement le système A (qui réalise l'esprit, dans cet exemple) et la mesure incomplète M(A) (qui réalise la perception du corps, dans cet exemple). Alors que si cette mesure était complète (cfr. l'"observateur objectif" ou la scientifique des couleurs qui voit en noir en blanc mais pense les couleurs), on pourrait voir l'esprit de l'extérieur (et notamment celui des "autres"). [..]
D'autre part, sur la simulation, nous mêmes en sommes une (presque tout l'est en fait, si on analyse bien la définition). Car, par quoi d'autre que par des abstractions de neurones, ou de molecules, ou d'atomes, ou de quarks et de photons, notre activité mentale est-elle réalisée? Et il s'agit bien d'utiliser ce terme de simulation (et non pas de le réserver aux supposées "imitations"), car, par l'identité de l'abstraction, dans une simulation on peut inverser les deux termes. Si l'on peut simuler X avec Y, on peut donc simuler Y avec X.
[La conscience ne peut s'étudier sans considérer le 'vivant'] : puisqu'on parle de la conscience d'un "vivant", il s'agit bien sûr d'étudier, en même temps que la complexité du système, aussi le caractère complexe de son autoréférentialité (bien que logiquement, ce soient deux problèmes distincts). C'est donc le pire des problèmes.
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xantox le 13 Février 2007 14:36, édité 2 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 04:55
Posté le 06-02-2006 à 10:39:48
Si seule la conscience humaine génerait des formes (elle en genère assurément, et à profusion, elle est capable de représentation et de connaissance, mais le point n'est évidemment pas de lui nier ces facultés), d'où proviendrait la multiplicité et la dynamique du monde physique? en d'autres termes, pourquoi au lieu d'une uniformité infinie et indifférenciée, il existerait la possibilité d'une différence, et par la suite, une différence sur laquelle une multiplicité d'observateurs s'accorderait malgré leur propre différence? Comment une dynamique physique pourrait être possible (et bien sûr même en l'absence d'un observateur conscient )? Quelle serait sa possibilité d'évolution, sinon une évolution de forme? Et là, on doit méditer l'idée que toute dynamique nécessite une relationnalité entre parties indépendantes. Et que cela, c'est déjà une forme.
Cette position sur "la chose en soi" vient en bonne partie de fréquentations avec la relativité générale et la mécanique quantique. Dans quel sens un physicien pourrait affirmer qu'un arbre est un lieu d'invariance en lui-même? Ce qu'il entend tout d'abord, c'est que le monde physique, pour assumer une dynamique, tient compte de toutes les relations, entre tout avec tout. Considérer qu'une relation comme celle entre sujet et objet, soit limitée aux sujets conscients, c'est une limitation malheureuse. Toute interaction, dès le niveau des particules élémentaires, donne lieu à une entité relationnelle dotée d'existence propre. Il y a la relation de ce photon émis par cet arbre avec cet électron situé sur ta retine (et cette relation n'est pas arbitraire, elle est mesurée dans un laboratoire). Il y a la relation de cet autre électron de l'arbre avec cet autre électron du sol. Il y a la relation de ce même électron avec un deuxième photon émis par une feuille. Il y a la relation de tout électron avec tout photon et la relation de tout quark avec tout point du champ gravitationnel, et celle de tout point du champ gravitationnel avec tout autre point du champ gravitationnel. Ce tissu de relations possède des lieux de stabilité et d'invariance. Un tenseur relativiste peut à première vue paraître incompréhensible, mais il décrit la réalité. Et il décrit aussi un certain lieu d'invariance qui est l'arbre : pas pour moi, pas pour toi, mais pour tout en même temps, et bien sûr il faudrait considérer cela quantiquement. Cela n'est donc plus la forme naïve de l'arbre, façon tableau de Magritte "ceci n'est pas une pipe", que nous représenterions "de notre point de vue" en le dessinant sur un bloc notes. Cela devient la synthèse de toute possibilité d'interaction, ce qui fonde l'objectivité. Autrement dit, c'est l'arbre pour moi, et l'arbre pour toi, et l'arbre pour la terre, et l'arbre pour le ciel, et l'arbre pour ceux qui le regardent, et l'arbre pour ceux qui ne le regardent pas. Et c'est, symétriquement, les termes pour lesquels il n'y a pas d'arbre possible. Donc ce n'est pas, à nouveau, une forme que l'on dessinerait sur un bloc notes ou que l'on projetterait contre le mur d'une grotte. Si des relations existent, si des inter-actions existent, c'est qu'elles ont des termes, relatifs soient-ils, et que l'ontologie permet cela. Et ces termes (pas l'arbre que tu aurais pris en photo) ne dépendent pas, de ce qu'un sujet conscient, surhumain soit-il, aurait envie qu'ils dépendent. Et ces termes, dépassent l'idée de l'objet, car ils sont même la possibilité de l'objet, ils sont son objectivité, et rien ne serait possible en leur absence. C'est là que la stabilité du monde macroscopique prend naissance. C'est là que la solidité objective, la stabilité de forme de chaque corps, de chaque "moi" prend naissance, et où ontologie et épistemologie convergent singulièrement.
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xantox le 13 Février 2007 14:37, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 05:06
Posté le 06-02-2006 à 22:13:48
On peut difficilement penser l'idée de complexité indépendamment de l'idée d'élémentarité. Car la complexité dérive d'une élémentarité possible, c'est à dire, d'une indépendance possible.
"On ne peut pas faire l'économie de la complexité, on peut juste la reparcourir" [..] car si la forme complexe était réductible, elle serait une forme simple. Mais l'importance de l'élémentarité est ailleurs et vient du fait qu'elle est le critère de manifestation de la différence - on ne peut pas avoir ni forme ni évolution, sans reconnaître le champ d'élémentarité des différences possibles.
[..] on pourrait considérer un état quantique comme un lieu d'unification entre "corporeité et phénomenalité".
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xantox le 13 Février 2007 14:40, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 05:10
Posté le 08-02-2006 à 09:02:43
[..] seulement un fou pourrait croire pouvoir trouver une manifestation originaire en dehors de l'épreuve de soi-même. Seulement, cette épreuve revèle la possibilité d'une différence, et la possibilité d'une pensée, et la possibilité d'un langage, et cette pensée et ce langage sont fondamentalement, essentiellement, parce que de l'intérieur, à propos du monde, et pour autant que l'on croit à un monde. Cette pensée cherche donc, non pas à trouver une manifestation originaire, mais à trouver la reconciliation entre cette manifestation qui la precède, et le vertige de différence qui procède d'elle-même. Vouloir penser une "ontologie de l'esprit" est en cela, cette volonté et cette nostalgie de reconciliation, qui tendrait soit à supprimer toute différence, soit à l'exalter jusqu'à sa limite ultime.
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xantox le 13 Février 2007 14:42, édité 2 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 05:16
Posté le 16-02-2006 à 14:32:31
Il s'agit d'approfondir l'idée de l'existence et de la manifestation, et en particulier de penser cette question : est-ce qu'il est possible de simuler un "corps", entendu comme la possibilité de la manifestation de soi, et donc comme ce qui précède toute manifestation, toute forme et tout langage.
La question est d'abord celle de savoir si une simulation, c'est à dire, une forme, manifestation au soi, sous-produit apparent de l'existence, pourrait acquérir un statut d'existence, ou bien si elle serait, et par effet d'une "distance ontologique", confinée dans un domaine de "pure extériorité", de telle manière à que toute simulation ne pourrait jamais viser à rejoindre l'être et la corporeité de la chose imitée. Le terme de "distance ontologique" ici ne signifie pas une distance formelle (comme si, A et B étant deux formes, B représentait A avec une précision plus ou moins grande), mais une distance existentielle séparant la forme en tant que forme de l'existence en tant que condition d'une forme.
La question qui nous intéresse est donc : est-ce qu'une forme peut avoir une existence "pour soi" (car si elle a un soi, c'est qu'elle va au délà de sa formalité, et de sa pure extériorité), ou plus fondamentalement, est-ce qu'une forme existe, en tant que forme.
Traditionnellement, la réponse à cette question est négative : la forme n'a pas d'existence physique propre et nécessite d'un soi pour être pensée. Elle est une idéalité qui n'a pas de physicité.
Maintenant pour aller au délà de cette conclusion intuitive, et montrer qu'elle doit être définitivement abandonnée, on doit approfondir rigoureusement le lien entre forme et physicité, par exemple dans les termes de la théorie de l'information (qui est une science de la forme).
A ce sujet, il convient de méditer le principe suivant, issu de la thérmodynamique du traitement de l'information. Tout traitement d'information donnant lieu à une opération logique irréversible (celle dont la fonction de vérité n'est pas injective, la connaissance du résultat de l'opération ne permettant pas de déterminer son état initial), est nécessairement accompagné d'une diminution d'entropie de l'environnement (Landauer, R. (1961). Dissipation and heat generation in the computing process. IBM Journal of Research and Development, 5, 183-191.). L'irreversibilité logique implique une irreversibilité physique. Une transformation de type {0,1}->{0,0} équivaut à une libération de chaleur dans l'environnement d'au moins kTln(2) joules.
Au lieu de penser que la forme a un statut abstrait et irréel (étrange notion dualiste), on peut ainsi établir que l'un des attributs de la forme est sa physicité. La forme n'existe qu' "incarnée" par un système physique. Il n'y a pas de forme déconnectée de la physicité, et toute forme existe en tant que forme.
D'autre part, la mécanique quantique a aboli la frontière entre état du système et connaissance de l'état du système, en postulant que toute observation modifie ce qui est observé. Les états invariants par rapport à tous observateurs (ex., un arbre) émergent alors précisement en une séparation entre leur "corporeité" et leur "phénomenalité", alors qu'un état quantique décrit simultanément le système et la connaissance de l'observateur. Il faut ici comprendre la notion d'observateur en dehors de toute conscience, comme n'importe quelle partie du tout qui représente une autre partie par le seul effet de son interaction avec elle : que ce soit un arbre, une goutte d'eau, un photon. Ce que l'observateur sait, fait partie de ce que l'observateur est.
La question initiale change alors de portée. Le problème n'est plus celui de valider le statut ontologique de la simulation, mais celui de rendre intelligible la possibilité de notre propre unité de corporeité et phénomenalité. Si l'on peut justifier de cette possibilité pour un état quantique, comment faire autant pour un système macroscopique, celui même qui se caractérise par une séparation de corporeité et phénomenalité, celui-même qui se caractérise par la présence d'états invariants par rapport à tous observateurs?
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xantox le 13 Février 2007 14:43, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 05:28
Posté le 19-02-2006 à 05:17:22
Toute simulation "commence" à l'échelle quantique, car tout système physique "commence" à cette échelle (on aurait du mal à trouver une entité n'ayant pas cette dimension). Cela ne signifie pas pour autant qu'une simulation macroscopique nécessite la copie intégrale du système physique jusqu'à son état quantique.
[La démarche qui consiste à enquêter sur l'esprit en considérant notre corps en interaction avec son milieu] est pertinente, il faut toutefois noter que pour enquêter sur la genèse de cette capacité, on se retrouve déjà dans le monde. Si la possibilité du "je suis" est ce lieu de surgissement et d'unité entre corporeité et phénomenalité, le "je suis" est lui-même déjà "dans le monde", bien que "nouveau né". En cela c'est déjà comme parler d'une table, ou d'un quark, qui seront simplement la suite du discours. La condition de vérité de notre discours est sa cohérence interne. Mais ce que fait de notre discours un discours sur le monde, est le discours lui-même : il est monde de son intérieur.
[..on peut considérer que] notre capacité limitée à "re-connaître" la forme pertinente à la simulation est l'origine de cette idéalité. Une forme pertinente existe pourtant. Il s'agit alors de savoir retrouver la bonne forme, de traverser le "gouffre" (de la complexité) pour retrouver cette forme de l'identité.
[La simulation de tout depuis les états quantiques demeurerait une solution brutale et effrayante] Je trouve plutôt rassurant que cette entreprise soit effrayante en complexité. Si elle était simple et rassurante, on serait véritablement les victimes d'un piège existentiel diabolique. Quant au désir que nous n'ayons pas "tout à refaire", il faut s'entendre sur la portée du mot "tout", en insistant de nouveau sur un point : il n'est pas nécessaire de simuler jusqu'aux états quantiques pour les besoins formels d'un système macroscopique. En d'autres termes, la distance formelle de la représentation doit être réduite à néant par la simulation, mais cela n'impose pas d'effectuer une copie intégrale jusqu'à l'état quantique. Car paradoxalement, si cela était nécessaire, il n'y aurait pas de forme.
[..] Aussi, l'unité ontologique et épistemologique propre aux états quantiques n'est pas automatiquement transmise aux systèmes macroscopiques par simple effet de leur base quantique. Au contraire, cette unité est perdue dans le système macroscopique, il s'agit même de son caractère distinctif. Il est donc important de s'interroger sur la possibilité de reconquête de cette unité. Certains ont cru pour cela devoir postuler un fonctionnement quantique du cerveau, ce qui apparaît physiquement extrêmement improbable. Il faut donc s'interroger sur la possibilité de reconquête de cette unité en dehors de l'état quantique.
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xantox le 13 Février 2007 14:47, édité 1 fois au total.
xantox Site Admin le 12 Février 2007 05:32
Posté le 20-02-2006 à 14:46:28
[Husserl] Les formes du monde peuvent nous enseigner l'origine de l'aptitude formelle. Le problème, de nouveau, est celui d'étendre la notion de "ne voir dans l'être que la copule logique", pour reprendre l'expression du texte cité, bien au délà de la relation avec un sujet conscient. Le problème vient du fait que l'élémentarité de notre prédication n'est qu'apparente : si la forme de la prédication est élémentaire, son terme relationnel ne l'est pas. Les unités de conscience étudiées par Husserl n'ont pas le même statut d'élémentarité que la forme de la prédication. Appliquer directement la logique a un contenu psychologique est alors un travail difficile et périlleux, notamment lorsque des "qualités" rentrent en jeu. Pour précéder le monde et atteindre le point d'unité entre corporeité et phénomenalité, afin qu'il n'y ait plus d'intériorité et plus d'extériorité, il est nécessaire d'atteindre l'élémentarité de la relation, et donc l'élémentarité de la forme, sous sa possible condition d'objectivité, si une telle condition existe. Nous ne pouvons pas le faire "de l'intérieur" avec perfection, car notre possibilité de distinction de l'élémentarité qui fonde un phénomène nous échappe nécessairement : le langage disparaît avant qu'il ne puisse accomplir son travail, mais avant de disparaître, il y a encore un monde (ce que dans le texte cité est nommé domaine de l'"ante-prédicatif"). Donc, s'il faut certainement enquêter avec ce regard particulier, qui s'interroge de l'intérieur sur la "généalogie de l'aptitude formelle", on ne peut pas le considérer un acte de complète reconciliation. Il reste donc la possibilité de penser cette unité à partir "de l'extérieur apparent", à partir des témoignages de la forme, et précisement car nous croyons à cette unité d'extérieur et intérieur. Si une forme est transcendante dans sa relation vis à vis d'un sujet particulier, elle ne l'est pas si l'on considère la totalité de ses relations possibles vis à vis de toute forme, et en considérant le sujet lui-même comme forme parmi formes. Ici l'on ne parle pas de l'"être" des formes, mais uniquement de leurs relations. Les formes perçues nous serviront alors de témoins pour révéler le mode d'une élementarité objective, et donc celui d'une formalité objective -car constituée pour tous observateurs-, et c'est là qui commence le chemin du gouffre vers une reconciliation possible.
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xantox le 13 Février 2007 14:48, édité 1 fois au total.