Gilgamesh Moderator le 09 Juillet 2009 21:58
Le cerveau met à jour a tout moment des carte sensorielle des différents systèmes et organes qui communiquent à chaque instant leur état interne, ce qui leur arrive, dans quel position ils sont, ce qu'ils perçoivent, etc. Cet encartage donne naissance a des images sensorielle, il est non verbal (et inaccessible à la conscience) et comprend une valorisation des état du corps. Ces images mentales qui décrivent l'état valorisé de l'organisme sont des émotions.
Pourquoi le système nerveux central des animaux s'est-il organisé de la sorte ? Tout ceci n'est pas fait gratuitement mais dans le but (au sens évolutif) constant d'ajuster le corps a son environnement. L'ensemble de ces cartes valorisée engendre ce que Damasio appelle le Proto Soi inaugural (celui a qui il "arrive quelque chose"). Le fait, pour l'animal de faire le distinguo fondamental entre le "Soi" (tout ce qu'il faut protéger et nourrir) et "le Monde" (tous le reste) permet de réaliser des opérations intégrées qui forment un 'sens' c'est à dire un but, un ensemble de commandes mises au service d'une entité cohérente alors qu'au départ, ce ne sont, si tu veux, que des atomes puis, à plus haut niveau, des cellules juxtaposées. Là, le fait pour le système nerveux central de synthétiser un "Soi" permet de le protéger, de le nourrir dans son ensemble, pour finalement lui permettre de se reproduire. C'est ce dernier aspect qui forme le critère unique synthétique qui sépare "ce qui marche" de "ce qui ne marche pas" dans l'historicité de ces systèmes (et qui permet d'hériter de ce qui marche le mieux).
Le compte rendu des changement occasionné au Proto Soi, une structure le représente en relation avec l'objet qui occasionne le changement (lui même représenté par une série d'images mises en carte et valorisées). L'assemblage de la carte du Proto Soi et de la carte de l'objet donne naissance à une nouvelle carte dite de second ordre qui représente le 'Proto Soi modifié par l'objet' cad mis en relation temporelle avec lui. La causalité inférée est au départ sans doute élémentaire, du genre : ce qui précède le fait est réputé cause du fait, d'autant plus qu'il est proche temporellement du fait. Un algorithme de ce genre est grossier, mais néanmoins fort efficace, et facile à mettre en place...
Cela finit par former l'essence de la causalité entendue comme sens interne de "mise en ordre du Monde" (en relation au Soi), mais tout ceci est encore tout a fait inconscient et non verbal. Les images mentales (générées par les cartes de second ordre) qui décrivent la relation sont des sentiments. L'utilité adaptative de cette mise en relation de l'image du corps avec l'image de l'objet pour en extraire une causalité est là encore tout a fait claire. C'est dans la mesure où le cerveau comprend "ce qui se passe" qu'il est capable de prendre une décision appropriée.
Ce compte rendu permanent de l'organisme causalement affecté par le traitement d'un objet donne naissance a ce qu'il appelle la "conscience-noyau". Elle donne naissance au Soi central.
Tous les animaux supérieurs (les vertébrés, disons) ont une conscience noyau. Ce qui suit, la conscience étendue et la conscience autobiographique est spécifique à l'espèce humaine.
La conscience étendue est tout ce qu'est la conscience noyau mais sur une plus grande échelle c'est à dire plaçant le Soi qui nous est livré par la conscience noyau dans un vaste champs qui s'étend dans le temps. Elle connecte le Soi central au souvenirs et aux perspectives d'avenir. La concience noyau nous permet de savoir qui a mal au dent : c'est Soi. La conscience étendu relie ce mal a sa localisation : les dents. Sa cause : une carie. Depuis quand : ça fait 3 j. Qui l'a soignée la dernière fois : Dr Kojak, dentiste, etc. Ainsi que le fait que tu vas te cantonner à une soupe et un yaourt ce soir.
Ce miracle de la conscience étendue, qui fait tout l'être humain, est permis par le simple fait que les souvenirs biographiques sont représentés comme des objets dans les cartes de second ordre. Les épisodes du passé, avec leur immense complexité entrent ainsi en relation avec l'organisme sur le même mode que pour la conscience noyau ; chacun de ces souvenirs peut, à son tour, susciter une pulsation de conscience noyau, engendrant ce sens aigüe que l'on a de se connaitre soi même.
Enfin l'archivage organisé des expériences passé d'un organisme ainsi induvidualisé est le Soi autobiographique
Il est bien évident que sans ce sentiment de Soi il n'y a tout simplement pas de pensée logique, aucune réflexion, rien, car PERSONNE ne pense. Par conséquent, nous ne pouvons pas "penser la pensée" hors d'une incarnation. Le Soi comme on l'a vu est construit par les émotions et les sentiments dont le sens premier est corporel et qui se construisent avec des "briques" prises sur les affects en relations avec le corps (quand on a honte, on rougit : c'est intrinsequement corporel). Voila pourquoi il est complètement illusoire d'imaginer une machine ou une divinité capable de connaitre et d'enchainer des idées qui aient un sens (et non simplement le produit d'un algorithme ou tout autre abstraction "pure") sans sentiment, émotion et Soi constitué.
Autrement dit : non seulement le naturalisme autorise la naissance de la pensée, mais il interdit dans le même mouvement l'existence de pensée désincarnée comme ne signifiant rien du tout car ne se rapportant à aucune nécessité causale capable de l'édifier, mécanisme après mécanisme. Il ne reste plus qu'à l'imaginer "toute faite", surgissant de rien, sans aucune histoire, ce qui relève de la naiveté, c'est à dire... de l'impensé. Dieu n'est crédible comme Esprit que pour ceux qui ignorent comment l'esprit humain (qui pense un 'quelquechose' pensant et projette en lui invinciblement tout ce qu'il y a d'impensé dans la pensée) s'est fait et de quoi il est fait, du fait de cette histoire.