baptiste R a écrit:
par ailleurs, a-t-on une représentation si claire de ces 3 dimensions, par la seule raison qu'elles correspondent à notre monde quotidien
Pas plus, mais aussi pas moins, que nous n'avons une représentation si claire du moment angulaire en faisant du vélo. C'est un point de départ qui a un certain type de validité, un premier équilibre épistemique que nous avons obtenu par le moindre effort. Si nous étions nés dans un espace 4D, nous aurions sans doute appris à pédaler en 4D et considéré cela ordinaire. Mais lorsque nous visons la compréhension, nous nous éloignons de tout "parcours ordinaire" et le phénomène le plus habituel redevient toujours territoire inépuisable. En ce sens il est donc parfaitement vrai que la compréhension de l'espace n'est pas "en soi" plus ou moins compliquée en 3D qu'en d'autres dimensionnalités exotiques, qui nous surprennent davantage en raison de notre inertie mentale.
Mais par ailleurs, sur le plan de la théorie, il est nécessaire de considérer toutes les implications du choix particulier de dimensionnalité spatiale. Par exemple, si nous observons 3 dimensions cela pourrait être en soi un hasard (d'autres observateurs pouvant exister pour d'autres combinaisons du tirage au sort) mais si on considère toutes les conséquences on pourra identifier une raison plus fondamentale à ce nombre, p. e. un espace 3D donnant lieu à une physique riche et stable, un espace 70D décrivant un univers instable et avorté. Paul Dirac allait encore plus loin, en supposant à l'inverse que même sur un plan strictement mathématique, le fait que l'on considère avec le même intérêt tout nombre de dimensions pourrait être une erreur, et qu'un jour on pourrait découvrir qu'un espace 3D (+
1 pour le temps) soit mathématiquement plus intéressant que les autres.
1 baptiste R a écrit:
Dire que mon bureau se déploie dans trois dimensions requiert déjà un gros travail d'abstraction et de conceptualisation. Quand je tend ma main vers ma tasse, entre elle et moi il pourrait tout aussi bien y avoir six dimensions) ?
Il convient d'adopter une définition : la mesure classique de la dimensionnalité de l'espace est le nombre de degrés de liberté nécessaires pour identifier la position d'un corps par rapport à d'autres. L'expérience montre que ce nombre est 3. D'autre part des lois fondamentales comme la loi de la gravitation de Newton ou la loi de Coulomb confirment cette même dimensionnalité, par la relation observée de l'inverse carré de la distance. Tout cela n'exclut pas la possibilité de dimensions supplémentaires, mais si elles existent il faut tout de même expliquer pourquoi elles ne sont pas observées. Une hypothèse courante (Kaluza-Klein) est qu'elles seraient trop petites. Une autre (Arkani-Hamed, Dimopolous et Dvali) qu'elles seraient inaccessibles à la matière. Etc.
baptiste R a écrit:
que dire d'un mouvement intrinsèquement diagonal, qu'on ne pourrait décomposer en somme de mouvements linéaires, qu'on ne pourrait ramener à une progression "en escalier" ?
Dans un espace physique classique aucune direction n'est préféree : la définition d'un angle d'orientation dépend du choix arbitraire d'un référentiel. Ainsi un mouvement diagonal selon un repère ne le sera pas selon un autre, etc.
baptiste R a écrit:
Que dire d'un espace qui soit vraiment... espace et pas simplement une dimension fois une dimension fois une dimension ?
Si cela signifie un espace sans aucune dimension, celui-ci serait trivial car constitué d'un seul point. Si cela signifie un espace à infinies dimensions, la possibilité pourrait être admise dans certains modèles mais en posant aussi la condition nécessaire que la matière n'y ait pas accès. Bien sûr pour toutes les occurrences du mot "espace" ci-dessus il faut entendre l'espace physique (la partie spatiale de l'espace-temps, qui de plus varie selon un choix arbitraire de repère).
Pour la possibilité que certaines dimensions ne soient pas fondamentales, ou que l'espace même ne soit pas une entité fondamentale, cfr. l'échange sur le fil
"Parcimonie dimensionnelle".
1 P. A. M. Dirac, "The Relation between Mathematics and Physics", Proceedings of the Royal Society (Edinburgh) Vol. 59, II:122-129 (1939).