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Message baptiste R le 01 Août 2007 17:24

La question est une parodie des difficultés à se représenter des espaces de dimension supérieures à 3. L'idée tacite, quand on présente les géométries afférentes, est que 3D, c'est connu et familier, alors que 4D et plus, c'est exotique, étrange et plein de propriétés imprévues. Cette idée est bien sûr vraie en un certain sens mais par ailleurs, a-t-on une représentation si claire de ces 3 dimensions, par la seule raison qu'elles correspondent à notre monde quotidien (correspondance qui ne va pas de soi. Dire que mon bureau se déploie dans trois dimensions requiert déjà un gros travail d'abstraction et de conceptualisation. Quand je tend ma main vers ma tasse, entre elle et moi il pourrait tout aussi bien y avoir six dimensions) ?
Il y a je trouve un vertige du mouvement : que dire d'un mouvement intrinsèquement diagonal, qu'on ne pourrait décomposer en somme de mouvements linéaires, qu'on ne pourrait ramener à une progression "en escalier" ? Que dire d'un espace qui soit vraiment... espace et pas simplement une dimension fois une dimension fois une dimension ?

Peut-être que le problème nait du fait que je réflechisse dans le cadre restreint d'un simple repère cartésien. Peut-être que le malaise s'évanouit (ou est occulté) dans une géométrie plus large (et là ma culture montre ses limites :().



Message xantox Site Admin le 02 Août 2007 21:14

baptiste R a écrit:
par ailleurs, a-t-on une représentation si claire de ces 3 dimensions, par la seule raison qu'elles correspondent à notre monde quotidien

Pas plus, mais aussi pas moins, que nous n'avons une représentation si claire du moment angulaire en faisant du vélo. C'est un point de départ qui a un certain type de validité, un premier équilibre épistemique que nous avons obtenu par le moindre effort. Si nous étions nés dans un espace 4D, nous aurions sans doute appris à pédaler en 4D et considéré cela ordinaire. Mais lorsque nous visons la compréhension, nous nous éloignons de tout "parcours ordinaire" et le phénomène le plus habituel redevient toujours territoire inépuisable. En ce sens il est donc parfaitement vrai que la compréhension de l'espace n'est pas "en soi" plus ou moins compliquée en 3D qu'en d'autres dimensionnalités exotiques, qui nous surprennent davantage en raison de notre inertie mentale.

Mais par ailleurs, sur le plan de la théorie, il est nécessaire de considérer toutes les implications du choix particulier de dimensionnalité spatiale. Par exemple, si nous observons 3 dimensions cela pourrait être en soi un hasard (d'autres observateurs pouvant exister pour d'autres combinaisons du tirage au sort) mais si on considère toutes les conséquences on pourra identifier une raison plus fondamentale à ce nombre, p. e. un espace 3D donnant lieu à une physique riche et stable, un espace 70D décrivant un univers instable et avorté. Paul Dirac allait encore plus loin, en supposant à l'inverse que même sur un plan strictement mathématique, le fait que l'on considère avec le même intérêt tout nombre de dimensions pourrait être une erreur, et qu'un jour on pourrait découvrir qu'un espace 3D (+1 pour le temps) soit mathématiquement plus intéressant que les autres.1

baptiste R a écrit:
Dire que mon bureau se déploie dans trois dimensions requiert déjà un gros travail d'abstraction et de conceptualisation. Quand je tend ma main vers ma tasse, entre elle et moi il pourrait tout aussi bien y avoir six dimensions) ?

Il convient d'adopter une définition : la mesure classique de la dimensionnalité de l'espace est le nombre de degrés de liberté nécessaires pour identifier la position d'un corps par rapport à d'autres. L'expérience montre que ce nombre est 3. D'autre part des lois fondamentales comme la loi de la gravitation de Newton ou la loi de Coulomb confirment cette même dimensionnalité, par la relation observée de l'inverse carré de la distance. Tout cela n'exclut pas la possibilité de dimensions supplémentaires, mais si elles existent il faut tout de même expliquer pourquoi elles ne sont pas observées. Une hypothèse courante (Kaluza-Klein) est qu'elles seraient trop petites. Une autre (Arkani-Hamed, Dimopolous et Dvali) qu'elles seraient inaccessibles à la matière. Etc.

baptiste R a écrit:
que dire d'un mouvement intrinsèquement diagonal, qu'on ne pourrait décomposer en somme de mouvements linéaires, qu'on ne pourrait ramener à une progression "en escalier" ?

Dans un espace physique classique aucune direction n'est préféree : la définition d'un angle d'orientation dépend du choix arbitraire d'un référentiel. Ainsi un mouvement diagonal selon un repère ne le sera pas selon un autre, etc.

baptiste R a écrit:
Que dire d'un espace qui soit vraiment... espace et pas simplement une dimension fois une dimension fois une dimension ?

Si cela signifie un espace sans aucune dimension, celui-ci serait trivial car constitué d'un seul point. Si cela signifie un espace à infinies dimensions, la possibilité pourrait être admise dans certains modèles mais en posant aussi la condition nécessaire que la matière n'y ait pas accès. Bien sûr pour toutes les occurrences du mot "espace" ci-dessus il faut entendre l'espace physique (la partie spatiale de l'espace-temps, qui de plus varie selon un choix arbitraire de repère).

Pour la possibilité que certaines dimensions ne soient pas fondamentales, ou que l'espace même ne soit pas une entité fondamentale, cfr. l'échange sur le fil "Parcimonie dimensionnelle".

1 P. A. M. Dirac, "The Relation between Mathematics and Physics", Proceedings of the Royal Society (Edinburgh) Vol. 59, II:122-129 (1939).



Message LokiLeFourbe le 04 Août 2007 01:53

Au risque de paraitre primaire (de plus dans cette section philo), nous ne sommes que le résultat d'une évolution et d'une sélection dans un monde en 3D + temps. Rien d'étonnant donc à ce que notre cerveau soit incapable de percevoir, d'appréhender naturellement les concept mathématiques ou topologiques de la 5D, 8d, XXD.
Les maths disent qu'il y a une infinité de points dans un segment, la physique qu'il y a un nombre fini d'atomes, d'espace, de matière, d'énergie.

Citer:
Une autre (Arkani-Hamed, Dimopolous et Dvali) qu'elles seraient inaccessibles à la matière. Etc.


Celà revient à l'hypothèse "dieu" en sciences. Elle n'apporte rien aux théories, elle ne permet pas d'affiner les prédictions, elle ne se retrouve dans aucune observation, donc... "on s'en fout", c'est un paramètre qui n'a aucun intérêt scientifique dans ce cas, voire nuisible.
C'est un peu comme de parler "d'avant le big bang" ou de "qu'y a t-il en dehors de l'univers".

Les mathématiques permettent la création d'univers très "exotiques" quasi aussi invérifiables, imperceptibles, intangibles que la foi. Avec une "auto démonstration" algébrique, sans aucune base physique. Je ne doute pas un instant que celà puisse être extrêmement intéressant, mais autant et ceci malgré mon très médiocre niveau scientifique, les théories cosmologiques sur les phénomènes les plus énigmatiques (trous noirs, matière sombre, énergie du vide, expansion, inflation...) me semble compréhensibles, homogènes... autant les théories types "les cordes" avec des dimensions en veux tu en voilà, pour la simple raison de coller à un équilibre purement mathématique et abstrait, m'échappent complétement. D'ailleurs ça me fait plus penser à une croyance, une quête virtuelle, qu'a des faits.



Message xantox Site Admin le 04 Août 2007 13:37

LokiLeFourbe a écrit:
Celà revient à l'hypothèse "dieu" en sciences. Elle n'apporte rien aux théories, elle ne permet pas d'affiner les prédictions, elle ne se retrouve dans aucune observation,

Ce serait le cas si ces dimensions étaient totalement déconnectées de notre espace observé, mais ce n'est pas le cas dans cette théorie, car bien que les particules du modèle standard n'aient pas accès aux dimensions supplémentaires, la gravité s'étend bien dans toutes les dimensions, c'est cela qui établit le lien qui doit obligatoirement affecter les prédictions observables de la théorie.

Cette hypothèse (une parmi d'autres) est postulée pour essayer de progresser en termes d'unification et d'explication (d'où vient la valeur particulière des masses des particules élémentaires? pourquoi la gravité est d'intensité si faible par rapport aux autres interactions? etc), et elle est falsifiable, car implique une série de conséquences en principe observables, énergie des accélérateurs de particules permettant. Elle suppose d'ailleurs que l'énergie de Planck multidimensionnelle puisse se trouver à l'échelle électrofaible, ce qui sera donc à la portée d'exploration du LHC.



Message LokiLeFourbe le 05 Août 2007 16:04

Je me doutais bien que j'avais du louper un épisode :-D
Merci pour ces précisions.




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