Strange Paths
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Message Ache Moderator le 04 Janvier 2007 12:38

Le thème du sujet est le problème du corps-esprit. Le point de départ du sujet est l'adoption d'une approche qui constituera le coeur de la discussion : le problème du corps-esprit appelle à la reconstruction. Pour comprendre une chose, il faut se rendre capable de recréer cette chose - cette chose, et pas une autre. Je comprends la perception quand je reconstruis la perception. On ne dit pas, "montre-moi l'âme", mais on dit, "reconstruis-moi l'âme".

Quelles sont les conditions de possibilité de la reconstruction ? La question interroge :

- Le statut de la simulation (reconstruction 'in silico') ;
- Le genre de travail capable d'accomplir la reconstruction ;
- Et le corpus théorique qui nourrit, alimente et stimule la reconstruction.

La premier point pourra référer à la section Physique et à la section Calcul du forum. Par exemple l'étude et la discussion des travaux sur l'irréversibilité logique & l'irréversibilité physique - R. Landauer, Irreversibility and Heat Generation in the Computing Process, IBM Journal of Research and Development, Vol. 5, No. 3 (1961), résultats qui peuvent argumenter sur le statut ontologique de la forme simulée. Ceci pour répondre à : une structure 'in silico' est-elle ontologiquement équivalente à une structure 'in vivo'. Pour une discussion détaillée, on réfèrera aux sections concernées.


Les deuxième et troisième points seront l'objet principal de ce fil. En effet, il s'agit d'adopter deux attitudes :

- La réflexion philosophique, sous la forme de la phénoménologie, pour dire l'expérience de la perception et du soi, c'est à dire, le monde en tant qu'il apparaît, le comment de la donation du monde, et les conditions de possibilité de cette présence.

- La recherche scientifique, sous la forme de la connaissance que la science tient du monde pour s'être entretenue avec lui, sous la forme des horizons de connaissances qu'ainsi elle ouvre, mais surtout, sous la forme de la méthode scientifique elle-même (..). Il sera donc question d'interroger tous les liens et problèmes qui peuvent apparaître par le dialogue.

_________


On peut à présent dresser une opposition pour le besoin du dialogue. Quelles sont les conditions de possibilité de la reconstruction ?

- La réponse épistémologique et physicaliste forte dit que c'est un problème épistémique : nous progressons dans la connaissance de la perception et de la conscience comme nous progressons dans la connaissance de la physique et de l'univers.

- La réponse de la phénoménologie dit que c'est un problème méthodologique : nous ne progresserons pas dans la compréhension de la perception et de l'existence comme nous progressons dans la connaissance de la physique et de l'univers, car il n'y a pas de méthode.

_________


Tout d'abord, dans les deux cas, la reconstruction exige l'élémentarité. Mais 'élémentarité' ne signifie pas réduction et simplification. "L'importance de l'élémentarité est ailleurs : elle est le critère de manifestation de la différence. On ne peut avoir ni oeil, ni vision, ni corps, ni perception, ni complexité, sans reconnaître le champ d'élémentarité des différences possibles" (xantox). Autrement dit l'élémentarité est réticularité, la condition de possibilité de la forme.

L'exigence de l'élémentarité est identique à l'exigence de savoir de quoi l'on parle. Par exemple la fréquentation des sciences développe cette sensibilité particulière, qui est une sensibilité à l'élémentarité.

Mais comment décider de l'élémentarité? Par exemple l'élémentarité analytique de la géométrie analytique est bien une élémentarité puisqu'elle permet le calcul et la construction de cette 'géométrie', et cela grâce au calcul littéral sur des symboles (une algèbre). Par ailleurs, la géométrie euclidienne peut utiliser cette élémentarité, et cette même géométrie euclidienne semble satisfaisante pour décrire notre environnement quotidien. Mais stabiliser une description qui marche ne signifie pas que la perception de l'environnement quotidien fait de la géométrie euclidienne sans le savoir. Il est pour moi acquis que la vision ne procède pas sur l'élémentarité qui est en jeu en géométrie euclidienne.. On peut noter que ces points sont à mon sens fortement corrélés au débat fondationnel en mathématique, et on réfèrera à la section correspondante si besoin. Donc, pour revenir à l'élémentarité, comment décider de l'élémentarité en jeu?

Les sciences de l'information répondent que l'information constitue l'élémentarité requise. Ceci doit être étudié et discuté. On peut par exemple consulter avec profit le travail suivant, "l'empowerment", A. S. Klyubin, D. Polani, and C. L. Nehaniv., All Else Being Equal Be Empowered, in Advances in Artificial Life: 8th European Conference, ECAL, 744-753 (2005), qui est une approche informationnelle de l'aptitude sensori-motrice.

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Commentons maintenant l'approche phénoménologique. L'accomplissement de la reconstruction se fera "en temps réel" : l'acte de concevoir sera contemporain à l'acte de l'exécution, comme un 'fais-le toi-même'. Pour le dire autrement, la reconstruction exige du reconstructeur qu'il devienne philosophe. Aucune codification du chemin n'est possible. Pour approcher cela : un lycéen peut faire du calcul différentiel en ignorant totalement le parcours qui a mené à sa construction. Il n'est pas besoin, pour qu'il réponde à un problème d'analyse de son niveau, de savoir explicitement que le calcul différentiel exige la construction de la géométrie analytique, la sensibilité à l'importance des normales aux courbes, et la détermination de la quadrature des courbes. Autrement dit, il n'est pas besoin d'être mathématicien pour faire du calcul différentiel. Le phénoménologue dit que pour reconstruire la perception, il faut devenir phénoménologue. Or celui-ci se reconnaît précisément à celui qui re-naît avec la perception, et c'est pourquoi il ne s'accorde aucun privilège autre que celui d'éveiller une évidence devenue irréfléchie : thématiser le savoir du corps, le fondement et la matrice de la Présence recherchée. Cette thématisation n'est pas thétique (elle ne dit pas 'ce qu'est le monde') mais purement descriptive : comment la profondeur de l'espace est perçue, comment le mouvement est fondamental, comment est-ce que je remarque une identité, etc. Donc il parlera notamment de la faculté de liaison qu'assume notre lycéen, et en cela la description phénoménologique saisit un savoir primitif devenu "intuition"....

Peut-on répondre que l'idéal du phénoménologue d'aujourd'hui n'en est pas moins l'équivalent du géomètre du XVIIe ? Et, quel genre d'élémentarité satisfait la phénoménologie pour réussir -ou pas- un pari, celui d'accomplir une philosophie expérimentale.

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Enfin, posté devant l'ambition gigantesque de la reconstruction, il faut préciser que la reconstruction est un projet esthétique. Il est une manière d'apprendre à concevoir un outil de conception, pour la réalisation (reconstruction) d'entités singulières à finalité esthétique.
Dernière édition par Ache le 31 Mars 2007 08:38, édité 8 fois au total.



Message xantox Site Admin le 11 Janvier 2007 07:08

La reconstruction, ou la simulation, est précisement le parcours étrange vers la forme.

La forme est dans toutes ses relations : en ce sens, "voir" la forme c'est aussi "reconstruire" la forme. Ceci car la métaphore de la vision porte en elle-même une relation particulière, la relation spatiale, et celle de la construction une autre relation particulière, la relation temporelle, mais la forme n'est ni espace ni temps, et n'est ni dans l'espace ni dans le temps : la forme est toutes les relations.

Reconstruisons donc l'âme. S'agit-il d'un problème épistemique ou méthodologique? Il est essentiel de préciser qui reconstruit l'âme. La simulation d'un système physique est réalisée par un autre système physique. La solution du problème de la simulation dépend de la structure de ces deux entités. La simulation de l'âme par un ordinateur, machine universelle, programmée avec les lois physiques et configurée selon l'état physique du corps d'une âme particulière, par un procédé informatique automatisé, réaliserait parfaitement la reconstruction : car l'information c'est l'élémentarité dans les propres termes de l'élementarité. Mais cette simulation n'aurait pas de valeur épistemique par rapport à l'âme qu'elle reconstruirait : le problème ici est donc et au contraire celui de rendre l'âme consciente de sa reconstruction. Dans ce cas, le système physique qui doit simuler l'âme est l'âme (on entend ici par 'âme' le moi phénomenologique et conscient, qui est l'identité parfaite de notre corps physique). Il y a donc une situation où cette forme de l'âme veut devenir le miroir d'elle-même et de la source d'elle-même, et où il n'y a plus de sens à invoquer autre chose que l'âme comme support de la reconstruction : la reconstruction devient elle-même expérience et phénomène.

Si la reconstruction de l'âme par l'âme est expérience et phénomène, ce phénomène est bien la forme de l'âme dans son élementarité même. L'élementarité ne peut alors plus être invoquée comme point de départ, comme propriété analytique, car elle est obtenue comme point d'arrivée. Le parcours étrange est une succession de gestes insensés en eux mêmes, une musique qui ne se comprend que par sa dernière note, car son support n'est pas "l'algèbre de l'espace-temps", mais "l'algèbre de l'âme".

On doit donc bien sûr constater que l'âme qui progresse vers l'âme ne suit pas le parcours analytique codifié dans un ordinateur qui simule l'âme (ou d'autres codifications analytiques moins parfaites). Mais si elle ne progresse pas comme nous progressons dans la connaissance de la physique, peut-on pour autant considérer qu'il n'y a aucune méthode? La méthode, la "voie vers", est ici fondée par une nécessité de relations internes à l'âme, qui sait et peut réaliser ce mouvement étrange et intemporel, ce geste énigmatique vers l'identité.

Le problème est donc de penser comment l'âme peut acquérir une connaissance de la voie vers soi. Or, cette voie est une, et se manifeste par elle-même dans l'expérience phénomenologique de la différence. Faire de la science n'est dans ce cadre qu'une expérience parmi d'innombrables autres expériences du monde, toutes valables au même titre dans leur réaliser une manifestation particulière de la différence en l'âme. Ce sont aussi des "expériences" au sens physique, car elles permettent d'"aller au délà", mais elles ne sont pas des expériences d'imitation de l'âme, ni des descriptions de la voie que l'âme trace vers elle-même. Elles ne sont d'ailleurs que des manifestations secondaires d'un fait fondamental qui seul se produit, le mouvement de l'âme vers elle-même.



Message Ache Moderator le 25 Janvier 2007 03:29

xantox a écrit:
La reconstruction, ou la simulation, est précisément le parcours étrange vers la forme.

La simulation est l'image de départ qui a ouvert la possibilité de la reconstruction. Avant l'officiel des autres disciplines, la simulation et son existence-même ont forgé l'imagerie mentale qui espère accompagner la vie future. Sans la simulation, la reconstruction désespèrerait quasi instantanément. Le recul devant la simulation, c'est le doute méthodique que provoque la confiance en une thèse, et c'est en doutant qu'on défend le mieux une théorie.

Il serait donc bon d'accorder notre imagerie mentale et élucider toutes les questions. Certaines questions qui s'adressent à la simulation peuvent provenir de la théorie implicite que nous adoptons - par exemple au sujet de la perception visuelle, ou encore sur l'état du raccord entre les théories physiques.

On va décrire une première situation riche en renvois : la simulation sera la simulation d'un milieu physique, et ce milieu sera le 'monde logique' des entités simulées. Techniquement, on va considérer que ce milieu sera un modèle en géométrie euclidienne avec une physique newtonienne. Question : est-ce que les entités simulées construiront un jour une physique relativiste ?

____

Je propose de rédiger progressivement un modèle épistémologique de la simulation ou plutôt des simulations, et ainsi nous prémunir des frilosités futures, lien à l'appui.
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xantox a écrit:
La forme est dans toutes ses relations : en ce sens, "voir" la forme c'est aussi "reconstruire" la forme. Ceci car la métaphore de la vision porte en elle-même une relation particulière, la relation spatiale, et celle de la construction une autre relation particulière, la relation temporelle, mais la forme n'est ni espace ni temps, et n'est ni dans l'espace ni dans le temps : la forme est toutes les relations.

La 'relation', c'est à dire la relation en tant que telle, constitue assurément la réalité qu'il faut considérer, et ainsi enterrer les discours chosifiant. Mais cependant, il y a une question de la nature de la relation, telle que d'une part la possibilité d'une relation existe sans avoir besoin d'être conçue, et d'autre part, telle qu'une entité perceptive et consciente puisse pénétrer et conquérir le domaine des relations, et ainsi étendre le domaine de la description. On s'interroge donc sur l'âme et sa capacité à comprendre, i.e. la nature de la compréhension en tant que telle. En fait on imagine une proto-construction relationnelle, mais qui cependant puisse nous promettre au loin qu'elle deviendra mathématicienne. On demande donc la configuration de la construction (de l'entité), d'abord pour que la perception advienne, et ensuite, que cette antériorité nous promette l'intériorisation future d'une capacité, à savoir, la mise en relation en tant que telle, jusqu'à l'abstraction.

Alors la thèse est que la relation est pouvoir moteur. La 'relationnalisation' est pouvoir moteur. Elle est la faculté qui va 'chercher', 'ramener', 'combiner', 'emboîter', 'diagonaliser'.

Pourquoi insister sur la motilité ? Pourquoi le mouvement, et pourquoi ne pas considérer uniquement et strictement la fonction logique de relation ? Parce que cela est considéré nécessaire au service d'une synthèse totale entre l'évolution biologique (la constitution phylogénétique d'un corps), le geste artistique, et le geste mathématicien. Ce qui définit les trois, ce sont des variations dans les disponibilités motrices. La tête d'un mathématicien n'est pas remplie de mathématiques, elle est remplie de disponibilités motrices. Ce que la scène d'une poursuite de voitures met-en-scène, c'est l'identité avec des disponibilités motrices. Ce qui varie, c'est est-ce que la disponibilité motrice est parcourue ou est-ce que c'est elle qui parcoure, et est-ce qu'elle se met plus en communion avec son objet (mathématiques) ou est-ce qu'elle se met moins en communion avec son objet (art), etc.

Dans les prochains posts, il s'agira de reparcourir des constructions que le monde suscite à nos disponibilités motrices, et de voir le monde naître par les disponibilités motrices qui y trouvent leurs encoches. Par exemple des constructions mathématiques, qui appellent à une réflexivité sur le geste générateur. Le pouvoir de cette réflexivité n'est pas négligeable. Ensuite, on peut proposer des schémas dessinés qui esquissent l'engendrement d'un corps avec la motilité comme principe fédérateur, et par là suggérer qu'on peut approcher une intelligibilité de la phylogenèse et de l'ontogenèse par un 'Je peux qui rassemble toutes ses forces'.

On arrive maintenant à une seconde compréhension du principe motile. Le principe motile, qui est le Je peux, et qui 'réticularise' en un pouvoir sur ses pouvoirs, est un savoir absolu, qui est en fait une ignorance absolue. Il ne dit rien, ou plutôt, il est le 'dire' lui-même. Il est notre ouverture au monde. Par là on va chercher un deuxième geste de réconciliation.

En effet, il paraît démesuré de placer tous les résultats et les acquis intellectuels 'dans la tête' d'une entité consciente ('dans' l'âme), comme abstracta sans nulle médiation mondaine. Symétriquement, il paraît infondé de considérer l'âme comme pur miroir de l'univers. Il y a un savoir qui fait qu'une âme peut apprendre, et ce savoir est celui qui fait qu'une âme 'rattrape' le monde (ici, il ne faut pas répondre qu'on ne rattrape jamais vraiment la physicité, car il suffit de considérer l'évidence, qu'une course poursuite est à l'oeuvre). Ce savoir, ce sont ces structures qu'il nous faudra capturer jusqu'à l'identité entre le dire et la mise en forme reconstruite. Cela renvoie au traitement du "mouvement de l'âme vers elle-même" et ensuite au problème méthodologique.

xantox a écrit:
Il est essentiel de préciser qui reconstruit l'âme.
xantox a écrit:
Le problème ici est de rendre l'âme consciente de sa reconstruction. Dans ce cas, le système physique qui doit simuler l'âme est l'âme.
xantox a écrit:
Si la reconstruction de l'âme par l'âme est expérience et phénomène..

[je coupe mais tout est à retenir]

.. Elles ne sont d'ailleurs que des manifestations secondaires d'un fait fondamental qui seul se produit, le mouvement de l'âme vers elle-même.

Le problème méthodologique exige la conception d'un outil de conception. La question méthodologique, c'est la question qui s'interroge sur le style de vie du reconstructeur. Le reconstructeur est un artiste, ou un ingénieur, ou un philosophe, ou les trois - en fait il est 'lui-même'. Le domaine d'expérimentation du reconstructeur est le domaine de la simulation, et le futur est de rédiger le cahier des charges du simulateur, qui sera notre domaine de jeu, et qui sera le témoin du parcours vers l'identité.

Poser le savoir du corps comme structure fondamentale nécessite d'abord l'éveil par soi de ce savoir du corps. Cela constitue la réflexion, et qui n'est en rien une expérience de l'ordre de l'intro-spectio, car tout au contraire, elle est une pensée de contact : c'est bel et bien de l'ingénierie, ou de l'art, ou comme on voudra dire.

On arrive alors au problème de l'élémentarité que désire le reconstructeur. L'élémentarité qu'il cherche, c'est l'identité du savoir du corps. Notre image est que la reconstruction, c'est l'exécution d'une sculpture temporelle à retour de force. Quand on dit qu'il n'y a pas de méthode, on signifie en réalité que la démarche du reconstructeur est vécue comme une situation ouverte, qu'elle appelle à une succession de gestes comme les premières notes de la mélodie appellent un certain mode de résolution, et que par ces gestes non connus par eux-même, elle se résorbe devant l'évidence de la tâche. C'est l'expérience et le phénomène de la reconstruction, que nous appelons 'pensée de contact'.

C'est pourquoi la simulation serait une manne. Le domaine de la sculpture et de la musique, c'est le domaine de la simulation, et c'est pourquoi on cherche à caractériser le simulateur jusqu'à arriver à un naturel philosophique comme l'occasion pour l'âme de se dédoubler elle-même. C'est donc un parcours socratique, et la reconstruction représente un idéal d'enseignement auquel il est permis d'espérer.


Lors des prochains posts, je propose de se pencher sur le cahier des charges du simulateur. L'objectif est de décrire le simulateur des points de vue technique et ergonomique. Par exemple, on peut faire des captures d'écran imaginaires. Cela nous permettra d'éduquer et d'accorder notre bestiaire mental. Faire passer les idées des 'disponibilités motrices' et du savoir du corps, c'est passer par le traitement de la question suivante : comment le reconstructeur se comporte-t-il devant le monde simulé, que voit-il, que fait-il. C'est cette question qui pose avec acuité la distinction démarche/épistémè.

En résumé, la situation peut s'exprimer en deux points :

• D'abord une question : la simulation ressemblera-t-elle plus au travail d'art digital, où le parcours de la construction est bien une succession de gestes non connus par eux-même (par ex. un animateur 3D) tout en tendant vers une fin qui les comprend ; ou ressemblera-t-elle plus à un travail de conception procédurale où le parcours est en fait au service d'autre chose (par ex. réaliser un moteur physique, ou encore le travail cité dans le premier post, "All Else Being Equal Be Empowered").

• Ensuite, une direction : ce que la reconstruction reconstruit, et c'est un point essentiel, ce sont des entités singulières dont la finalité est esthétique, c'est à dire, elles ne sont pas esthétiques par décoration comme on décore un robot, mais elles sont esthétiques de part en part.



Message xantox Site Admin le 11 Février 2007 19:17

Ache a écrit:
On va décrire une première situation riche en renvois : la simulation sera la simulation d'un milieu physique, et ce milieu sera le 'monde logique' des entités simulées. Techniquement, on va considérer que ce milieu sera un modèle en géométrie euclidienne avec une physique newtonienne. Question : est-ce que les entités simulées construiront un jour une physique relativiste ?

Il est possible de répondre ici par l'affirmative, car en vertu des propriétés d'universalité du calcul, ces entités classiques ne souffriraient d'aucune limitation sinon leur propre imagination mathématique dans leur capacité à simuler à leur tour un autre milieu avec une physique différente mais tout de même classique.

Il y a aussi la question inverse : est-ce qu'elles peuvent découvrir habiter déjà un monde relativiste (le monde du simulateur). On peut formuler à ce sujet l'hypothèse que les contraintes de la simulation peuvent toujours permettre à ces entités d'approfondir leur théorie physique. Dans l'exemple particulier c'est sûrement le cas, par exemple :

• Par la nature classique du simulateur, et puisque les nombres y seraient représentés avec une précision finie, les habitants de la simulation pourront conduire des expériences permettant de refuter la continuité de leurs observables et donc une théorie newtonienne stricte.

• Des erreurs de calcul liés à l'ingénierie du simulateur et à sa situation thérmodynamique seraient enregistrées dans la simulation et constitueraient des observations d'importance fondamentale pour les physiciens du monde simulé.

• La géometrie du simulateur rentrerait en compte, en supposant par exemple que l'étendue de la mémoire ait une dimension astronomique et que la densité d'énergie du processeur approche celle d'un trou noir, les importants effets relativistes feraient que les plus petites imperfections p.e. dans la gestion de la synchronisation pourraient apporter d'autres indices à l'intérieur de la simulation.

• Enfin, il faut supposer que la physique de la simulation soit compatible avec l'existence des êtres pensants qui en font l'expérience. Car si ce n'était pas le cas et que les êtres répondaient à une autre physique tout en faisant l'expérience de la physique de la simulation, alors ces êtres découvriraient tôt ou tard ne pas pouvoir appartenir au monde simulé.

Ache a écrit:
La 'relation', c'est à dire la relation en tant que telle, constitue assurément la réalité qu'il faut considérer, et ainsi enterrer les discours chosifiant. Mais cependant, il y a une question de la nature de la relation, telle que d'une part la possibilité d'une relation existe sans avoir besoin d'être conçue, et d'autre part, telle qu'une entité perceptive et consciente puisse pénétrer et conquérir le domaine des relations, et ainsi étendre le domaine de la description.

La nature de la relation est celle de la différence, elle est autant dans l'observateur que dans l'observation. Concevoir une relation c'est choisir de la faire apparaître devant la relation du moi, mais on ne crée pas par son acte la relationnalité et la différence elle-même, cela est ce dont la réalité entière est faite. L'entité consciente peut conquérir le domaine des relations car en premier lieu elle en est déjà une, et en deuxième lieu car elle a atteint une propriété d'universalité lui conférant la possibilité de simuler d'autres relations.

Ache a écrit:
Alors la thèse est que la relation est pouvoir moteur. La 'relationnalisation' est pouvoir moteur. Elle est la faculté qui va 'chercher', 'ramener', 'combiner', 'emboîter', 'diagonaliser'.

On peut le dire dans le sens fondamental de la différence : si elle est pouvoir moteur c'est car elle implique le changement, toutefois la temporalité du changement n'est qu'un aspect particulier du changement.

Ache a écrit:
Pourquoi insister sur la motilité ? Pourquoi le mouvement, et pourquoi ne pas considérer uniquement et strictement la fonction logique de relation ? [..]

Il ne s'agit plus de considérer une relation au sens logique, mais une relation physique. On pourrait utiliser l'expression "changement physique" (même si cela reste imparfait car on continue à considérer le cas particulier du changement par rapport au temps).

Ache a écrit:
Le principe motile, qui est le Je peux, et qui 'réticularise' en un pouvoir sur ses pouvoirs, est un savoir absolu, qui est en fait une ignorance absolue. Il ne dit rien, ou plutôt, il est le 'dire' lui-même. Il est notre ouverture au monde.

Pour la raison précédente, on ne peut pas considérer que le dire lui-même s'identifie au cas particulier d'un mouvement et d'un changement par rapport au temps. Un changement purement spatial c'est aussi le dire lui-même : toute différence l'est. C'est par la voie théorique que l'on doit retracer le "dire lui-même" à des phénomènes élémentaires, où la différence se manifeste à son état primaire. La meilleure théorie en ce sens est actuellement la mécanique quantique, qui est, fondamentalement, une théorie de l'interaction et donc une théorie du "dire" de la physicité.

Ache a écrit:
En effet, il paraît démesuré de placer tous les résultats et les acquis intellectuels 'dans la tête' d'une entité consciente ('dans' l'âme), comme abstracta sans nulle médiation mondaine.

Ceci seulement si on considère de manière dualiste que l'âme n'est pas mondaine. La difficulté disparaît lorsqu'on considère l'"âme" ou la conscience comme une entité purement physique, comme une loi physique, au même titre que la loi d'un nuage ou d'un tourbillon d'eau, "faite de différences" elle aussi.

Ache a écrit:
Symétriquement, il paraît infondé de considérer l'âme comme pur miroir de l'univers.

(parenthèse, est-ce que te refères ici à la citation de Leibniz "The soul is the mirror of an indestructible universe"?)

Ache a écrit:
Quand on dit qu'il n'y a pas de méthode, on signifie en réalité que la démarche du reconstructeur est vécue comme une situation ouverte, qu'elle appelle à une succession de gestes comme les premières notes de la mélodie appellent un certain mode de résolution, et que par ces gestes non connus par eux-même, elle se résorbe devant l'évidence de la tâche.

Oui, j'entends que c'est précisement dans la capacité de percevoir cette évidence que réside la méthode.

Ache a écrit:
• D'abord une question : la simulation ressemblera-t-elle plus au travail d'art digital [..] ou ressemblera-t-elle plus à un travail de conception procédurale [..]

La simulation considérée ici est celle de la forme de la conscience, ou une simulation expérimentale qui sert à apprendre des choses sur la simulation en général?

Ache a écrit:
• Ensuite, une direction : ce que la reconstruction reconstruit, et c'est un point essentiel, ce sont des entités singulières dont la finalité est esthétique, c'est à dire, elles ne sont pas esthétiques par décoration comme on décore un robot, mais elles sont esthétiques de part en part.

Pourrais tu expliciter dans quel sens elles ont une finalité esthétique? Aussi pourrais-tu répréciser s'il s'agit de la simulation de la conscience ou de simulations "expérimentales". Enfin, pourrais tu répréciser qui reconstruirait (est-ce nous mêmes dans notre conscience, ou est-ce par un corps artificiel que nous construirions).



Message Ache Moderator le 25 Mars 2007 07:55

Rapidement j'exprime des points implicites et plus tard je reprendrai les thèmes précis.

xantox a écrit:
La simulation considérée ici est celle de la forme de la conscience, ou une simulation expérimentale qui sert à apprendre des choses sur la simulation en général?
xantox a écrit:
Aussi pourrais-tu répréciser s'il s'agit de la simulation de la conscience ou de simulations "expérimentales". Enfin, pourrais tu répréciser qui reconstruirait (est-ce nous mêmes dans notre conscience, ou est-ce par un corps artificiel que nous construirions).

La simulation est la simulation d'un monde dans lequel évoluent des entités. La conscience de ces entités n'est pas visée. Le problème est d'abord la perception et l'automotivation càd une subjectivité (ou mieux, une 'ipséité'), quelle qu'elle soit, car ce qu'elle est et ce qu'elle peut être et son comment émergent de la co-naissance pendant la reconstruction. Il n'y a donc aucun sens à insister sur "nous-même dans notre conscience" (i.e. l'introspection puis son expression par l'écriture), car l'acte de son intérieur du reconstructeur est conçu comme retrouvant ses encoches dans ce qu'il reconstruit et non dans ce qu'il intro-specte.

On peut observer d'une part qu'avec des interlocuteurs informatisés cela est accessible, mais je n'ai pas beaucoup insisté sur ce point (ce qui fut une erreur car cela a conduit à des mésinterprétations). Mais d'autre part, en disant cela et rien qu'en disant cela on se retrouve en fait devant un constat vertigineux, car ce qu'on fait, ce qu'on veut faire, ce que fait notre moi total, ce que fait notre moi conscient, ce que fait notre monde, et ce que nous fait faire ce monde, tout cela devient une et une seule même chose : c'est une clôture méthodologique. Ce fait je l'appelle esthétique.



Message Ache Moderator le 23 Avril 2007 23:59

xantox a écrit:
Reconstruisons donc l'âme.

Est-ce que tu pourrais stp faire le point, en disant rapidement ce que tu penses que je dis, notamment en rapport avec le sujet Formes physiques, par ex. ici ou , et par rapport à la problématique méthodologique/épistémique.



Message xantox Site Admin le 14 Mai 2007 08:30

Ache a écrit:
Est-ce que tu pourrais stp faire le point, en disant rapidement ce que tu penses que je dis, notamment en rapport avec le sujet Formes physiques, par ex. ici ou , et par rapport à la problématique méthodologique/épistémique.



Le discours me paraît avancer sur la bonne voie, et il ne faut pas d'ailleurs trop se préoccuper, on peut prendre des risques et passer un tournant, quitte à revenir en arrière par la suite pour contourner un obstacle ou rattraper une divergence de vues.

Dans l'horizon immédiat de la discussion je note deux points de simple précaution, afin de limiter le moins possible le propos.

Le premier sur la temporalité de la reconstruction (ex. tu soulignes souvent la motricité, etc). Cet aspect est bien sûr fondamental mais comme dit il ne resume pas le propre de ce qu'est une relation. Celle-ci peut être considérée en termes plus abstraits et non soumise à la temporalité, et malgré cela rester intacte, même si bien entendu nous l'abordons humainement à partir de la temporalité dans laquelle nous sommes inscrits.

Le deuxième concerne la dimension esthétique de la reconstruction. Même si elle peut en avoir une, la dimension d'une "reconstruction de l'âme" n'est pas à mon sens proprement esthétique. La reconstruction entendue comme conscience des formes, donc dans le cas qui nous intéresse conscience des formes de la conscience, concerne plutôt le domaine de l'expérience mystique et son dépassement (bien évidemment un mysticisme purement épistémologique, privé de tout trait sur-naturel), et cela même si l'initiation était au départ purement ingénieristique.



Message Ache Moderator le 21 Janvier 2009 11:23

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